Lorsque nous lisons, les critères qui font qu’un récit appartient à une certaine catégorie tombent parfois sous le sens. Parmi les quatre grands genres de la littérature (le récit, la poésie, la littérature des idées, le théâtre), sauriez-vous dire dans quelle catégorie se classe le journal ou journal intime ? Nous allons voir tout cela en tirant tout d’abord au clair ce qu’est un journal et quelles différences il a par rapport à un journal intime. Par la suite nous verrons quels sont les critères qui le définissent et, enfin, nous nous intéresserons à ce qu’il apporte au lecteur ainsi qu’à l’auteur.
Genre littéraire : dans quelle famille se classe le journal ou journal intime ?
Journal ou journal intime : généralités
Le journal, ou journal intime, fait partie de la grande famille des récits. Les textes sont donc le plus souvent en prose, c’est-à-dire la forme classique de l’écrit (ou du parlé) qui ne répond pas aux règles de la poésie. C’est en effet un texte narratif qui relate l’histoire de son principal protagoniste. Au-delà de cela, le journal est un récit biographique ou autobiographique écrit par un diariste, mot formé à partir de l’anglais diary (« journal intime ») et du vieux français diaire (« livre de raison »).
La biographie est la narration de la vie d’une personne écrite par un auteur extérieur. À partir de là, l’histoire peut être fictive, on entre alors dans une fiction adoptant la forme d’un journal, ou réelle. L’auteur peut tout à fait inventer le journal d’un personnage fictif ou, à l’inverse, se renseigner sur la vie d’une personne existante ou ayant existé afin de réaliser sa biographie sous la forme d’un journal. Néanmoins, la rédaction d’une biographie d’une personne réelle sous la forme d’un journal reste rare, les auteurs préféreront d’autres formes de récit.
L’autobiographie est en revanche le récit de vie de l’auteur par lui-même. Ce genre peut adopter plusieurs formes telles que les confessions, mémoires, autofictions ou autoportraits, mais celui qui nous intéresse ici est celui du journal intime ou du journal.
Journal ou journal intime : quelles différences ?
Il n’existe fondamentalement aucune grande différence entre les deux termes. Journal et journal intime (ou personnel) sont souvent confondus en un seul et même genre. Néanmoins, nous soulignerons que le journal intime autobiographique est, à la base, à usage privé et n’est pas destiné à être lu par un public extérieur. Comme son nom l’indique, il est intime à son auteur, écrivain de métier ou non, et ce dernier peut se confier en toute liberté sans crainte de jugement.
Le journal, en revanche, comme genre à part entière, est un choix de forme de récit volontaire de la part de l’auteur qui est d’office destiné à être lu. Son caractère intimiste est calculé et, que cela soit une biographie fictive ou réelle ou encore une autobiographie, l’auteur peut faire le tri entre ce qui mérite d’être écrit ou non. Ce choix peut être fait de manière consciente ou non de la part de l’auteur.
Certains journaux intimes autobiographiques finissent néanmoins par être publiés et permettent un regard nouveau sur la personne concernée. Un tel ouvrage intéresse alors tout un panel d’experts qui espèrent trouver au sein de ces écrits les réponses à certaines questions sur la vie ou sur les œuvres de son auteur.
Les livres ne sont plus les seuls supports possibles pour les journaux ou journaux intimes. En effet, avec l’essor d’Internet, il est désormais possible de faire paraître plus ou moins publiquement le récit de sa vie. Que cela passe par l’usage de blogs ou bien de sites spécialisés, ces récits de vie ne sont alors plus totalement privés, mais directement destinés aux autres, et l’appellation de journal intime devient alors gênante. Plutôt que de parler de journaux tout simplement, certains en viennent à utiliser le terme « journaux extimes ». Par opposition à l’intime, l’extime est tourné vers l’extérieur.
Genre littéraire : les critères du journal ou journal intime
Le journal répond à plusieurs contraintes qui, si elles sont simples d’apparence, cachent un sens plus profond. Comme nous l’avons vu, le journal ou journal intime, relate la vie d’une personne ou d’un personnage. À partir de là, plusieurs critères, mêlant à la fois ceux des genres biographique et autobiographique, se combinent à ceux du journal.
Journal ou journal intime : les caractéristiques qui lui sont propres
- La première personne du singulier (« je » – « moi ») est quasi systématique lors de la rédaction d’un journal. Lors d’une biographie, il s’agit pour l’auteur de se mettre dans la peau de la personne ou de son personnage afin de rédiger une œuvre juste et convaincante pour le lecteur. On parle alors des « trois je » qui n’en forment plus qu’un seul au sein de l’ouvrage : « je » est à la fois l’auteur, le narrateur et le personnage principal.
- Les écrits d’un journal, intime ou non, sont généralement datés avec parfois la mention de l’heure dans le cas où l’auteur reviendrait plusieurs fois par jour à son journal. La rédaction peut être continue ou bien intermittente, le diariste peut écrire chaque jour comme il peut préférer espacer les entrées dans son journal.
- Un journal intime étant spontané et sans presque aucun recul lorsqu’il est écrit au jour le jour, il comporte un certain nombre d’anecdotes et de détails qui peuvent paraître futiles ou inutiles au lecteur, mais qui font partie intégrante de l’œuvre. Dans le cadre d’un journal rédigé après coup, le nombre de ces éléments s’en trouve parfois réduit par l’auteur du fait que lui-même ne les trouve pas pertinents.
Journal ou journal intime : les caractéristiques relevant de l’autobiographie
- Les écrits d’un journal relatent les actions, sentiments, pensées ou réflexions du personnage principal. L’une des difficultés du genre est d’être fidèle à ses pensées et de ne pas modifier, dénaturer ou censurer ses réflexions dans le cas où le journal est d’office destiné à être lu. En effet, l’appréhension de la perception de sa propre histoire par un public extérieur peut parfois conduire l’auteur à changer ou passer sous silence certaines choses essentielles de sa vie.
- Certains souvenirs, récents ou vieux, interviennent souvent dans ces œuvres dans lesquelles l’auteur raconte et analyse sa propre vie. Il s’agit d’être précis et de ne pas s’inventer un destin en mettant en relation des souvenirs, parfois erronés, datant de l’enfance, jusqu’au « je » présent.
- Un contrat tacite existe entre le lecteur et l’auteur dans le cadre d’un journal autobiographique : l’auteur s’engage dans un pacte de sincérité qui vise à ne pas mentir au lecteur. Néanmoins, il existe toujours une marge de manipulation, consciente ou non, venant du diariste.
Journal ou journal intime : les caractéristiques relevant de la biographie
- Dans le cas d’un journal biographique, il est important de mener des recherches complètes et correctes sur la personne ciblée. Néanmoins, il est rare qu’un auteur choisisse ce genre littéraire pour relater les mémoires d’une tierce personne existante ou ayant existé. Le plus souvent, il s’agit de journal biographique fictif, c’est-à-dire d’un personnage inventé.
- Dans le cas d’un journal biographique fictif, il s’agit de bien définir le caractère du personnage principal, car c’est lui qui va percevoir et donc analyser à sa façon les évènements qui vont survenir. De la même façon que dans tout autre récit, il va également évoluer et peut-être porter un regard neuf sur des évènements passés qu’il a évoqués le jour même où ils se sont produits.
Genre littéraire : les intérêts d’un journal ou journal intime en tant qu’œuvre
Journal ou journal intime : intérêts pour l’auteur
La rédaction d’un journal ou journal intime a des intérêts multiples et complexes pour l’auteur.
Dans le cas d’un journal biographique concernant une personne réelle, l’auteur peut vouloir apporter sa propre interprétation de la vie de la personne concernée. Il peut également avoir la volonté de se comparer à la personne ou même à son propre personnage, voire même de le prendre comme modèle. Enfin, il est bien sûr question de faire partager au lecteur la vie d’une personne, réelle ou fictive.
Dans le cadre d’un journal autobiographique, les intérêts sont plus complexes et plus nombreux. Le fait d’écrire sa propre biographie est une affirmation de soi, une manière de dire « Je suis le propre sujet de mon livre ». L’auteur peut vouloir témoigner de sa propre existence et, par la même occasion, de laisser une trace dans l’histoire afin de ne pas être oublié. Au travers de sa propre histoire écrite, l’écrivain peut s’analyser lui-même et ainsi prendre du recul par rapport aux évènements de sa vie. Les souvenirs peuvent également être l’une des motivations de l’auteur qui, en les écrivant, parvient à se les remémorer ou les fixe par des mots. C’est encore une fois un moyen de lutter contre l’oubli, mais cette fois, l’oubli de soi, de ses propres souvenirs ou idées.
D’autre part, l’auteur d’une autobiographie peut également souhaiter confesser un acte ou une histoire, laissant le lecteur juge. L’écrivain se justifie auprès de son lectorat. Il peut également défendre son point de vue ou tenter de faire passer un message au travers de son récit. Ces intérêts-là peuvent conduire l’auteur à négliger le pacte de sincérité qu’il instaure en réalisant une autobiographie dans laquelle il modifie son histoire afin de mieux faire passer ses idées.
Journal ou journal intime : intérêt pour le lecteur
La lecture d’un journal ou journal intime biographique d’une personne réelle ou autobiographique, comme tous les autres genres d’un récit de vie réelle, amène inévitablement le lecteur à en savoir plus sur la personne concernée. C’est également un moyen de s’instruire sur l’histoire, la géographie et un contexte historique précis dans lesquels évoluent le narrateur et, à travers lui, le lecteur.
Un journal ou journal intime est également un moyen pour le lecteur de tirer des leçons de vie à travers le parcours du narrateur. Les expériences de ce dernier ou ses choix conduisent le lecteur à s’interroger sur les propres choix qu’il a ou aura à faire. La lecture permet un recul et une analyse de sa propre expérience.
Enfin, comme la plupart des types de récit, le lecteur s’évade de sa propre existence le temps de sa lecture. Plus que les autres genres, le journal ou journal intime plonge le lecteur au cœur même de l’existence du narrateur, fictif ou réel, et lui fait vivre une autre existence le temps du récit.
À noter que ces multiples intérêts, que ce soit pour l’auteur ou le lecteur, s’appliquent à la biographie et à l’autobiographie sous toutes ses formes et non pas uniquement au journal ou journal intime.
Tenez-vous un journal intime ou extime ? Avez-vous déjà lu un récit de ce genre ? Dites-nous tout dans les commentaires !
Un article très instructif pour en apprendre plus sur un genre littéraire au final assez méconnu !
je suis assez d’accord sur les sens évoqués précedemment à propos de l’intimité du Journal intime justement…Je ne me considère pas comme un écrivain mais plutôt comme quelqu’un que la littérature a visité à différents moments de sa vie; irai-je jusqu’à tenter de publier cette intimité?…Maintenant que j’ai dépassé la cinquantaine et que j’ai écrit ce journal plutôt à un jeune âge disons entre vingt et trente ans et qu’à l’aulne du temps je mesure un certain chemin parcouru forcément…C’est un travail intéressant en tant que découverte de soi…Après, les vrais auteurs ont besoin de lecteurs, bien sûr mais bon…Merci en tout cas…Bruno…
Bonjour, je voulais vous féliciter pour cet article très intéressant sur le genre littéraire du journal intime. J’ai beaucoup apprécié la manière dont vous avez présenté les différents aspects de ce genre littéraire ainsi que les exemples que vous avez donnés pour illustrer vos propos. Je suis moi-même passionné(e) par la littérature et je pense que cet article est une excellente introduction pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur le journal intime. Merci pour ce partage enrichissant !