Le buzkashi

tournoi de buzkashi traditionnel
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L’Ashvagan, « terre des chevaux » en persan, où vivent en harmonie les communautés afghanes et celles des pays voisins, est la scène d’une tradition équestre réunissant les hommes depuis des décennies : le buzkashi.

tournoi de buzkashi traditionnel

Attention, je vous déconseille de lire cet article si vous souhaitez lire le livre Les Cavaliers afghans de Louis Meunier et ne pas risquer de vous spoiler une partie du livre. L’auteur décrit cette tradition dans les 80 premières pages de son roman, même si vous découvrirez beaucoup de choses tout au long de son récit, je préfère vous mettre en garde si vous souhaitez découvrir cette tradition avec ce livre.

La tradition du buzkashi

La tradition du buzkashi vient du Turkestan où il était célébré lors de festivités telles que les mariages. Probablement joué depuis plus de 800 ans, on ne connaît pas réellement d’où, ni comment il est né.
D’abord joué par les Turkmènes, il s’est répandu en Asie centrale et dans le Moyen Orient. Un pays en a même fait son sport national : l’Afghanistan, où vivent plusieurs peuples, dont les Ouzbeks qui sont considérés comme les concurrents les plus redoutables.
Le buzkashi peut se jouer de façon collective, préférée lors des grandes manifestations publiques, ou individuelle, favorisée lors des mariages ou autres festivités privées.
Les femmes ne sont pas autorisées à assister à un buzkashi, comme c’est le cas pour beaucoup d’évènements dans la religion musulmane.

Le déroulement d’un buzkashi

Pour qu’un buzkashi puisse avoir lieu il est nécessaire d’avoir au moins ces trois éléments :
– au minimum deux chevaux rivaux ;
– au minimum deux tchopendoz (« cavaliers ») rivaux ;
– une carcasse.
Puisque les joueurs s’affrontent, il faut deux adversaires, mais les jeux opposent souvent des équipes de 10 tchopendoz. Dans les plus grands tournois nationaux, ce nombre peut augmenter jusqu’à 200, voire 300 joueurs !

Les tournois de buzkashi ne se déroulent qu’en hiver, lorsque les températures permettent aux chevaux de se mouvoir sans s’épuiser. En effet, d’octobre à avril, les températures moyennes vont de 0 à 13 °C, tandis que de mai à septembre, elles varient de 20 à 32 °C en moyenne.
Les vastes étendues de montagnes, de steppes arides et de steppes verdoyantes offrent un immense terrain de jeu pour le buzkashi. Ainsi, une partie peut se dérouler n’importe où.

Les limites du terrain sont fixées par deux poteaux ou deux drapeaux plantés en terre pour l’occasion. Ils peuvent être distants d’une centaine de mètres comme de plusieurs kilomètres, le choix revenant à l’organisateur, le Maître du buzkashi.
Un cercle est tracé au sol, environ à mi-distance des deux poteaux : le hallal, le « cercle de justice » qui s’apparenterait au but dans les sports de balles.

Une fois le décor planté (sans jeu de mot), la partie peut commencer !
Les tchopendoz se dressent en ligne sur leurs chevaux qui trépignent d’impatience pendant que la carcasse décapitée d’une chèvre est déposée près du hallal. Lorsque le départ est donné, c’est dans un capharnaüm bruyant que les participants se jettent dans la mêlée, espérant se saisir de la carcasse, se dégager, foncer vers un poteau, en faire le tour et parvenir à la redéposer dans le hallal, signant ainsi une victoire.

La carcasse d’une chèvre fait office de balle pour le jeu, d’ailleurs buzkashi signifie « attrape-chèvre » en persan. Celle-ci est d’abord décapitée, parfois démembrée pour limiter les prises et augmenter la difficulté, puis elle est laissée au soleil pour que les chairs sèchent et que la peau se raffermisse, rendant la carcasse plus résistante aux chocs. Parfois, elle est même remplie de sable et d’eau pour en augmenter le poids !
La chèvre est aujourd’hui souvent remplacée par un veau, dont les chairs et la peau se déchireraient moins lors des tractions exercées lors du jeu.
La chèvre, ou le veau, une fois préparés, pèsent entre 20 et 60 kilos.

Il est très facile de distinguer un tournoi à l’horizon, les hordes de cavaliers soulèvent des nuages de poussière et un public est souvent réuni pour l’événement.

buzkashi Afghanistan

Il existe deux variantes du buzkashi :
– le tudabarai, la version la plus ancienne et la plus simple où le but est simplement de garder la chèvre (ou le veau) le plus longtemps possible ;
– le qarajai, la version la plus jouée actuellement, plus réglementée, que j’ai décrite au-dessus.

Le tchopendoz

Le tchopendoz est le cavalier du buzkashi. Ce titre ne peut être mérité qu’après quelques années de jeu. Il ne suffit pas d’être un bon cavalier pour participer (et gagner !), il faut réussir à se mouvoir sur un cheval pour attraper la carcasse au sol, qui peut peser jusqu’à 60 kilos et la hisser jusqu’à la selle, en plein milieu d’une mêlée. En plus d’être des hommes forts physiquement, les tchopendoz doivent également ruser durant le jeu : faire barrage, couper la route, savoir entrer ou sortir de la mêlée au bon moment. Durant le tournoi, tous les coups sont permis, y compris avec sa cravache ! Il est coutume de ressortir du jeu avec de multiples hématomes et il n’est pas rare que plusieurs joueurs aient des fractures ou des plaies ouvertes.

buzkashi

Les meilleurs tchopendoz sont Ouzbeks (ne me demandez pas pourquoi !) et sont dans la force de l’âge, soit entre 30 et 40 ans.

Le cheval de buzkashi

Les Afghans élèvent douze races de chevaux, dont le Cheval de buzkashi, qui est une race à part entière élevée spécialement pour les tournois.
Les juments sont destinées au travail ou au poulinage et, seuls les étalons peuvent participer au buzkashi, d’ailleurs en Afghanistan les chevaux ne sont jamais castrés.
La vie des mâles est réglée comme du papier à musique, ou presque, pour pouvoir prétendre à participer aux tournois. Les poulains mâles sont emmenés avec leur mère dans le désert avant leur 1 an. Après de longues heures de marche dont le but est l’épuisement du jeune, celui-ci est abandonné. Le propriétaire le laisse ainsi plusieurs mois avant de revenir le chercher. Il arrive que les poulains meurent de déshydratation, de dénutrition, d’épuisement ou d’infections. S’ils ont survécu, cela veut dire qu’ils ont développé de la force, de l’endurance, de la persévérance et de la ruse, caractéristiques essentielles à un étalon durant un jeu. Lorsque le jeune a « gagné le droit de vivre », il entame alors une vie rythmée par le buzkashi.
Durant ses premières années de vie, le jeune étalon est régulièrement spectateur des buzkashi afin de s’approprier les bruits, la violence des combats et d’apprendre des vétérans.
Les années sont divisées en quatre phases pour les étalons. La première période dure trois ou quatre mois et se déroule en été. Les chevaux sont laissés au soleil toute la journée, une épaisse couverture sur le dos et les rênes attachées courtes. Le but est de leur faire perdre leur excédent de gras et de fortifier leurs muscles, car même s’ils ne peuvent pas beaucoup bouger, ils doivent se maintenir debout. Après cette phase vient celle d’un régime particulier : le kantar où les chevaux sont nourris d’œufs et de beurre la journée et d’orge, d’avoine et d’eau la nuit. Cette saison précède celle du buzkashi, qui se déroule donc en hiver pendant environ quatre mois. Lorsqu’elle est terminée, les étalons sont laissés au repos à l’écurie pendant trois à quatre mois, avec nourriture à volonté. Puis le cycle recommence.

buzkashi

Le dressage de ces chevaux ne ressemble pas vraiment à celui d’un cheval européen. Le but n’est pas de lui apprendre des choses, mais simplement de lui faire accepter un cavalier sur son dos. Pour le reste, c’est uniquement un travail de souplesse, d’endurance et de force. L’étalon doit rester proche de l’état sauvage et il est maître de ses décisions sur le terrain, même s’il est poussé par son tchopendoz, c’est lui qui fonce dans la mêlée, c’est donc lui qui sait si cela est possible ou non par exemple. Ces étalons à sang chaud bouillonnent sur le terrain, c’est souvent l’occasion de libérer toute leur énergie et tous les coups sont également permis pour eux ! Ils peuvent mordre, donner des coups de sabots, se cabrer et ruer. Les Afghans diraient de certains de leurs chevaux qu’ils aident leur cavalier à attraper la chèvre en la prenant eux-mêmes à pleines dents… et parfois même en la traînant !

Cela peut vous sembler barbare comme traitement mais les chevaux arabes sont probablement les meilleurs chevaux de guerre : leur endurance, leur vitesse et leur résistance sont phénoménales !

Le cheval est un bien précieux en Afghanistan, et le Cheval de buzkashi a une grande valeur, c’est pourquoi ils sont choyés comme nul autre ne l’est. Les Afghans considèrent d’ailleurs que la faute est toujours imputable au cavalier et qu’un bon cheval vaut mieux à un bon cavalier.

Pour finir, je ne peux que vous conseiller de lire le livre Les Cavaliers afghans présenté par Densetsu. Vous redécouvrirez le buzkashi mais vous serez également plongé dans l’Afghanistan, ses vastes terres, l’hospitalité de son peuple et l’incroyable aventure de Louis Meunier !

J’espère vous avoir fait découvrir une tradition équestre orientale, n’hésitez pas à laisser un commentaire pour faire part de votre opinion à ce sujet.

Siran

Sources texte :

Les Cavaliers afghans – Louis Meunier

Sources images :

asiagrace.com, ontravelarabia.com, whenonearth.net, livegalerie.com

1 réflexion sur “Le buzkashi”

  1. C’est super impressionnant comme tradition ! Super article, j’aime apprendre des choses sur la culture d’autres peuples =p

     

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