La phagothérapie ou comment les virus peuvent nous rendre service

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Les virus sont des agents infectieux ayant très mauvaise réputation puisqu’ils sont responsables de nombreuses maladies et d’épidémies comme celle du coronavirus. Et pourtant les scientifiques ont découvert une manière de les utiliser nous permettant de lutter contre un autre type d’infections : les maladies bactériennes. Je vous explique tout sur ce phénomène appelé phagothérapie dans cet article.

Qu’est-ce que la phagothérapie ?

« Les antibiotiques, c’est pas automatique ». Vous avez dû entendre ce célèbre slogan de très nombreuses fois, et pour cause, la surconsommation d’antibiotiques entraîne une multirésistance de plus en plus forte des bactéries face à ce genre de traitement, obligeant les scientifiques à trouver de nouveaux moyens pour lutter contre elles. Parmi eux se trouve la phagothérapie, soit l’utilisation de virus ciblant uniquement les bactéries. La découverte de ces virus, appelés bactériophages, remonte au début du XXe siècle, en 1915, mais ils n’ont été observés au microscope électronique qu’en 1940 par Félix d’Hérelle qui leur donnera leur nom de « mangeurs de bactéries ». À l’époque, leur capacité à lutter contre les bactéries avait déjà été mise en évidence, mais la complexité d’utilisation de ces virus vis-à-vis des antibiotiques n’avait pas permis d’en faire un réel outil thérapeutique. Aujourd’hui, face à l’antibiorésistance grandissante, la phagothérapie est remise sur le devant de la scène et de nombreux chercheurs travaillent dans le but d’en faire une alternative possible aux antibiotiques.

Comme tous les virus, les bactériophages ont besoin d’infecter un hôte pour pouvoir se reproduire par le biais d’un phénomène appelé réplication, qui entraîne la formation de nouvelles unités du virus. Les bactériophages ont la particularité de ne pouvoir infecter que les bactéries. Il existe une infinité de ce type de virus dans la nature, chacun ciblant une bactérie ou une espèce de bactéries bien particulière. Aucun risque donc de se retrouver avec des bactéries résistantes puisqu’il existe forcément un phage capable de les infecter. Lorsque les bactériophages infectent les cellules bactériennes, ils vont se répliquer tellement de fois que leur accumulation à l’intérieur de la cellule va conduire à la destruction de sa membrane, ce qu’on appelle la lyse cellulaire. Le phénomène va alors se répéter jusqu’à la destruction de toutes les bactéries. Une fois la cible détruite, les bactériophages vont disparaître d’eux-mêmes, n’étant pas capables d’infecter d’autres types d’organismes.

Une réelle cible thérapeutique ?

Si les avantages liés à la phagothérapie sont évidents, dans la pratique, cette technique est très compliquée à mettre en place. Il s’agit d’une approche thérapeutique individuelle, ce qui signifie que chaque patient recevra un traitement personnalisé. Ainsi les médecins doivent prélever les bactéries responsables de l’infection du patient et tester différents virus dessus. Lorsqu’ils ont trouvé le bactériophage compatible, celui-ci est libéré dans le milieu de culture jusqu’à ce qu’il ne reste plus aucune cellule bactérienne vivante. Un grand nombre de phages se retrouve alors dans le milieu et ce sont eux qui, une fois purifiés, doivent être administrés au patient. Le fait que ce type de traitement ne puisse être administré que de manière personnalisée entraîne de grandes difficultés tant au niveau légal qu’en termes de production. Les médicaments sont soumis à de nombreuses restrictions et ne peuvent être mis sur le marché qu’après un grand nombre de tests. Ces essais cliniques sont très difficiles à mener sur des traitements qui se veulent « sur-mesure ». La production de bactériophages est également très différente de celle des autres produits pharmaceutiques et il n’existe actuellement pas de méthodes standardisées pour obtenir des stocks suffisants.

En France, il n’est donc pour l’instant pas possible d’utiliser la phagothérapie, sauf lors de « traitements compassionnels », c’est-à-dire dans des situations exceptionnellement graves où elle serait le dernier recours pour empêcher la mort ou l’amputation d’un patient. C’est ainsi que plusieurs patients des Hospices civils de Lyon ont pu être traités avec succès par phagothérapie à la suite d’une infection ostéoarticulaire sous l’étroite supervision de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament). Cela a été possible grâce à une entreprise de biotechnologie, Pherecydes, implantée en France et spécialisée dans la production de phages dirigés contre le staphylocoque doré et la bactérie Pseudomonas aeruginosa. Ce succès donne l’espoir de voir ce type de thérapie être mieux étudiée et par la suite développée en France et en Europe. Actuellement, de nombreux patients français se voient contraints de se déplacer jusqu’en Géorgie, où la phagothérapie est autorisée et où se trouve un centre spécialisé dans ce type de traitement. Cela comporte malheureusement des risques puisque les bactériophages n’y sont pas produits selon les normes européennes de bonnes pratiques de fabrication et peuvent engendrer d’importants effets secondaires.

La phagothérapie pourrait donc être une piste prometteuse pour lutter contre la résistance bactérienne, mais reste encore trop peu étudiée pour pouvoir l’utiliser à grande échelle. Connaissiez-vous ce type de thérapie ? Saviez-vous que les virus pouvaient nous rendre service ? N’hésitez pas à réagir en commentaire !

Sometimes

Sources texte :

  • Inserm
  • Chu-Lyon
  • Futura-sciences
  • Criorac-Lyon

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