Andreas Gursky

Rhein II : la photo la plus chère du monde
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Vous ne le connaissez certainement pas, mais Andreas Gursky divise, rassemble et passionne les foules. En effet, ce photographe contemporain est le plus cher du monde. Il est l’auteur de trois des dix photographies les plus chères de l’histoire.
Moi qui suis fascinée par cet homme, je vous propose de lire la suite de cet article afin d’apprendre à connaître, à comprendre et à savourer le travail d’Andreas Gursky !

Qui est Andreas Gursky ?

Gursky est un photographe allemand né le 15 janvier 1955 à Leipzig, en Allemagne.
Son grand-père et son père travaillaient eux aussi dans le milieu de l’image (image publicitaire dans le cas de son père). Jusqu’à la fin de ses études au lycée, Andreas Gursky ne souhaitait pas faire de la photographie son métier, car à l’époque, ce qui l’intéressait (la photographie comme œuvre d’art) n’était pas développé. C’est lui-même, dans les années 80, qui va globalement « créer » la photographie contemporaine comme on la conçoit de nos jours.

Désormais mondialement connu (et reconnu !), ce sont ses œuvres gigantesques de plusieurs mètres carrés qui ont fait la renommée du photographe. Gursky montre l’accumulation, la répétition de personnes, d’objets, à l’infini, au point ne plus pouvoir distinguer les différents éléments de ses images. Elles donnent le vertige !

En tout petit, il est difficile de se rendre compte de ce sentiment de gigantisme que ses œuvres inspire… Ses images sont en moyenne tirées en 2 m par 2,50 m. 2,50 m, c’est généralement la hauteur du mur de votre logement !

Andreas Gursky - 161
Andreas Gursky – 161

Tout d’abord élève en photographie à l’école d’Essen, en Allemagne, Gursky entre en 1980 à l’école de Düsseldorf et devient l’élève de Bernd et d’Hilla Becher, un couple de photographes connu pour ses photographies frontales d’installations industrielles.
Gursky s’inscrit comme un des derniers photographes proches des théories de l’école de Düsseldorf. Düssel-quoi ? Je vais vous expliquer ceci en détail.

L’école de Düsseldorf : kézako ?

Pour comprendre le courant photographique de Gursky, il faut repartir à la fin de la Seconde Guerre mondiale. En effet, à la fin de la guerre, se développe un courant photographique qui met l’humain en tant que personne au centre de son propos et qui rend compte de la reconstruction des pays post-guerre.
Contrairement aux Français Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau ou Willy Ronis. Un courant parallèle s’est développé en Allemagne, mettant non pas le photo-reportage au service de l’humanité, mais l’insérant plutôt dans une mouvance artistique beaucoup plus abstraite.
Le photographe n’est donc plus un artiste engagé qui met son art au service d’une vision de la société, mais devient quelqu’un qui crée des œuvres qui doivent être les plus réalistes possible d’un point de vue philosophique : c’est-à-dire montrer les choses sans s’engager.

Dès l’après-guerre, Otto Steinert, photographe et professeur de photographie à l’école d’Essen, préconise une photographie subjective mettant l’accent sur l’expérimentation personnelle et la poésie des images.

Quelques kilomètres plus loin, à l’école des beaux-arts de Düsseldorf, le couple Bernd et Hilla Becher adopte une position artistique inverse et place la photographie du côté documentaire en prônant une objectivité complète. On appelle donc ce courant la photographie objective allemande.
Les Becher vont se lancer dans un vaste programme de recensement des équipements, usines et bâtiments industriels, en les transformant en véritables monuments. Ces photographies respectent un protocole minutieux : la lumière est neutre (photos prises tôt le matin afin de ne pas avoir d’ombres du soleil…), le cadrage est frontal et serré, il ne faut pas qu’il y ait de nuages ni de personnages… C’est de la photographie documentaire. Ainsi, d’un point de vue artistique, l’objectivité ne s’identifie pas à une sorte de vérité de la photo, elle est plutôt du côté de l’outil, du fonctionnel.

bernd-hilla-becher-gas-tanks
Bernd et Hilla Becher – gas tanks

Subjectivisme, objectivisme, ça n’a aucun rapport me direz-vous ? Eh bien si en fait, parce que ce qui rassemble Steinert et les Becher, c’est cette absence du « moment décisif » à la Française, si cher à Cartier-Bresson qui disait « de tous les moyens d’expressions, la photographie est le seul qui fixe un instant précis ».

Les élèves des Becher ont su évoluer et se distancer de la vision du couple : le côté catalogue, la recherche scientifique servie par l’image ne sont plus réellement d’actualité. Néanmoins, on retrouve certains points communs dans leur travail comme les cadrages, les visions frontales et la volonté de mettre une distance au sujet par rapport à l’appareil photo.

Parmi les héritiers de cette école historique de la photographie, on trouve notamment Thomas Ruff (qui travaille sur des portraits d’identité, neutres et en très grand format, ainsi que sur un projet de photographies de bâtiments conçus par de très grands architectes, photographiés comme si c’étaient des immeubles « banals »), ou encore Eleger Esser (qui monumentalise des paysages ordinaires, également vides d’humains).

Thomas Ruff : photos d'identité
Thomas Ruff

Le travail d’Andreas Gursky

Gursky est sans nul doute le photographe le plus connu de la descendance des Becher, et il a gardé des théories de ses professeurs : le cadrage frontal ; l’image, d’une certaine manière froide ; et techniquement parfaite.

Lorsqu’il était encore étudiant, il photographiait de nombreux paysages dans la ville de Düsseldorf et ses environs : comme il l’explique lui-même dans le passionnant épisode de Contact, ce n’était pas tant les paysages ou les personnages se trouvant dans ces paysages qui l’intéressaient, mais le rapport de l’humain minuscule face à son environnement.

Tout d’abord rurales, ses images deviennent de plus en plus architecturales, présentant un monde global post-moderne, fait de verre et d’acier, ainsi que les rapports tissés par un individu avec une structure (architecturale notamment).

Désormais, dans ce que vous voyez de ses clichés, rien ou presque n’est réel. Gursky passe des jours entiers de prise de vue avec un personnel proche d’équipes de production de cinéma. Il photographie ainsi différentes scènes sous différents angles, qu’il assemble ensuite en studio ou grâce aux outils de montage photographiques tels que Photoshop.

Chicago, Board of Trade II 1999 Andreas Gursky born 1955 Presented by the artist 2000 http://www.tate.org.uk/art/work/P20191
Andreas Gursky – Board of Trade II

C’est cette technique moderne qui donne à ses images une qualité parfaite, remplie de détails où chaque centimètre d’image semble avoir été travaillé comme une œuvre à part entière.

Le débat autour de Rhein II

En 2007, 99 Cent II Diptych (2001) a été adjugée pour 1,7 million de livres (2,4 millions d’euros) dans une vente aux enchères à Sotheby’s, à Londres.

andreas gursky photographie appelée 99 cent
Andreas Gursky – 99 Cent II Diptych

Rhein II (1999) a atteint 4,3 millions de dollars (3,1 millions d’euros) lors d’une vente aux enchères chez Christie’s à New York, fin 2011. Ces deux photographies sont devenues les plus chères du monde dès qu’elles ont été adjugées.

Rhein II : la photo la plus chère du monde
Andreas Gursky – Rhein II

Autant la question de 99 Cent II a été vite réglée (l’esthétique assez classique était là, et les aficionados de photographie ont « validé » cette œuvre), autant pour Rhein II, les articles de presse ont rapidement fusé : comment cette photographie « vide, plate, sans âme » pouvait valoir 3 millions d’euros ?

Rhein II, qu’est-ce que c’est ? La photo représente le Rhin, coulant horizontalement dans le champ de vision, entre des champs verts sur chaque rive, sous un ciel couvert. L’image mesure 1,90 m de haut par 3,60 m de large.
Tout d’abord, il faut savoir que le marché de l’art est un… marché, le mot est assez explicite. Au même titre que le marché boursier, ce sont des gens (des collectionneurs privés ou publics) qui achètent et revendent les œuvres d’art non pas pour leur qualité esthétique, mais pour leur qualité artistique, ainsi que pour la côte de leurs auteurs. La spéculation va bon train, et on entend très régulièrement que les acheteurs acquièrent peu de temps avant la mort de l’artiste, car une fois mort, sa côte grimpera en flèche. Ainsi, on ne peut pas dire que la valeur monétaire d’une œuvre d’art soit proportionnelle à l’émotion qu’elle peut nous apporter.

Depuis quelques décennies, il est affirmé (et assumé) que l’art, surtout contemporain, dépasse aisément la vision classique des beaux-arts que nous connaissons tous.
De manière tout à fait subjective, je suis de ces personnes qui adorent Rhein II. C’est une œuvre gigantesque, parfaite techniquement, qui représente une perfection graphique de lignes et de couleurs (une séparation millimétrée entre le ciel et la terre, la ligne de vert au-dessus du Rhin qui est de la même largeur que la grise qui se trouve entre deux larges bandes de verdure etc.), qui symbolise toute l’œuvre de Gursky : l’humain, bien qu’invisible à l’œil nu, est tout de même présent. De très discrets bouts de mouchoirs blancs, un petit morceau orange au bord de l’eau… N’allez pas penser qu’il a oublié de l’effacer sur Photoshop ! Non, tout est assumé, tout fait partie du message qu’il souhaite faire passer ainsi que du courant contemporain artistique auquel il appartient.

Sachez également que cette vue du Rhin n’existe pas ! En effet, sur la photographie brute, une usine et des passants étaient présents, là où maintenant il n’a laissé que le ciel et l’herbe. Comme toutes ses œuvres photographiques, cette photo de Gursky a été construite de A à Z en amont par le photographe et ses équipes.
Comme justification à la suppression de ces éléments, Gursky explique que « paradoxalement, cette vue du Rhin ne peut être obtenue in situ, une construction fictive est requise pour fournir une image précise d’une rivière moderne ».

Mon grand regret, c’est qu’on ne connaît pas l’acheteur de ce tirage : j’aurais adoré voir cette photographie en vrai, elle doit être très impressionnante.

En novembre 2014, le photographe Peter Lik a vendu une de ses photographies 7,8 millions de dollars, Phantom, établissant un nouveau record du monde. Rhein II perdait donc sa place de photo la plus chère. Or, quelques semaines après la vente, il est ressorti que le prix de Phantom avait probablement été spéculé. En effet, la vente aux enchères était privée et non surveillée. Il semblerait donc que la photo ait été vendue à une entreprise proche du photographe qui souhaitait augmenter la côte de ce dernier.

Phantom de Peter Lik

Peter Lik – Phantom

À l’heure actuelle, Rhein II reste donc toujours officiellement la photographie la plus chère de tous les temps.

Considéré comme le plus grand photographe contemporain, on peut dire qu’Andreas Gursky apporte une vision unique et personnelle du temps qui passe, de la notion de foule et du fonctionnement socio-économique de notre monde contemporain. Il joue avec les angles et les procédés techniques pour créer des images uniques, gigantesques, parfaites techniquement et pour ainsi présenter à nos yeux de pures merveilles photographiques.

Connaissiez-vous Gursky et l’école de Düsseldorf ? Que pensez-vous de Rhein II ? Pensez-vous que la valeur monétaire d’une œuvre doit correspondre à une esthétique particulière ? Dites-nous tout dans un commentaire !

Audy-Kun.

Sources texte

Wikipedia – Andreas Gursky
Okcowboy
Premiere
Wikipedia – Becher
Contact Episode II
Telegraph

sources images

c4gallery.com : xx

vam.ac.uk : x

lik.com : x

boumbang.com : x

4 réflexions sur “Andreas Gursky”

  1. Je ne connaissais pas du tout ce photographe ! Pour Rhein II, je sais pas si c’est le fait de savoir que normalement il y a un bâtiment et tout, mais je trouve qu’il manque un truc à cette photo, elle arrive à capter mon attention parce que je cherche ce fameux truc qui est absent xD

     
  2. Je ne connaissais pas du tout cet artiste.
    Ce qui me dérange, c’est de le considérer comme un photographe sachant qu’il effectue des montages à posteriori, basés certes sur ses vrais clichés, mais je trouve qu’il les dénature, c’est dommage. Après, c’est vrai que c’est une façon originale de faire de l’art, que je ne connaissais pas !

     
  3. Je ne connais pas grand chose à la photo mais ton article est très intéressant, ça m’a donné envie d’en savoir plus ! J’aime beaucoup Rhein II, je saurais pas dire pourquoi mais c’est très graphique j’adore, je vais essayer de trouver l’image en plus grand. En plus tu as une très belle plume Audy !

     
  4. J’aime beaucoup la première photographie, je ne connaissait pas du tout cet artiste et j’avoue que son art m’interpelle. Voir ses tableaux en vrai cela doit être autre chose ! Enfin j’ai déjà l’impression de me perdre dans ses tableaux ( surtout Board of Trade II et 99 cents II ), on ne sait pas vraiment où regarder tellement il y a de stimuli visuels, on se sent déjà tout petit !
    En ce qui concerne la valeur monétaire… J’ai envie de dire quand on aime on ne compte pas ! 🙂
    Très bon article en tout cas 🙂

     

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