Arthur Rimbaud

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À l’occasion de d’une semaine de la poésie, j’ai décidé de vous présenter l’un de mes auteurs préférés, « l’homme aux semelles de vent » : Arthur Rimbaud.

Le Dormeur du Val

C’est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent*; où le soleil, de la montagne fière,
Luit* : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort* ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille*. Il a deux trous rouges au côté droit.

*Ces retours à la ligne en milieu de phrase s’appellent des rejets. Cela produit un effet de liberté, et le rythme est bouleversé.

À l’époque de Rimbaud, les poèmes devaient être composés de deux quatrains (strophe de quatre vers) puis de deux tercets (strophe de trois vers), et les vers devaient être des alexandrins (12 pieds) : cette forme précise s’appelait un sonnet. Mais Rimbaud aimait la modernité et il essaya de contourner ces règles, notamment grâce à l’utilisation de rejets.

Le Dormeur du Val est sans doute le poème le plus connu de Rimbaud. Il l’a écrit à l’âge de 16 ans. La guerre franco-prussienne de 1870 touchait alors à sa fin avec la bataille de Sedan, qui marqua la fin de cette guerre et la victoire de l’Allemagne sur la France.

Ce poète de génie est né le 20 octobre 1854 à Charleville, dans les Ardennes.

Au lycée, il commence à écrire des poèmes en français, et même en latin, matières pour lesquelles il est très doué.
Victor Hugo ainsi que Verlaine et Mallarmé l’influencent dans ses premiers vers.
Ses premiers poèmes reconnus datent de 1869, comme Étrennes des orphelins, qu’il écrit à l’âge de 15 ans et demi, aidé par son professeur de rhétorique Georges Izambard. Il envoie ensuite ses écrits à Théodore de Banville pour les publier dans le Parnasse Contemporain, une revue de l’époque, mais ils ne sont pas retenus.

Durant la guerre, le 29 août 1870, Arthur fugue une première fois pour Paris, mais il est reconduit chez lui en peu de temps, après quelques jours passés en prison. Plus tard, en 1871, il fugue une deuxième fois, se dirigeant cette fois-ci vers la Belgique pour devenir journaliste, en vain. Mais il continue d’écrire des poèmes, comme le Dormeur du Val ou Au cabaret vert, 5 heures du soir, s’inspirant de la guerre franco-prussienne et de son passage dans la ville ouvrière de Charleroi, en Belgique.

« Depuis huit jours, j’avais déchiré mes bottines
Aux cailloux des chemins. J’entrais à Charleroi.
– Au Cabaret-Vert : je demandai des tartines
Du beurre et du jambon qui fût à moitié froid. […]»

Fuguant pour la troisième fois, vers Paris de nouveau, il rejoint Verlaine, en septembre 1871, avec qui il débute une relation homosexuelle difficile et qui se termine en juillet 1873 sur coup de revolver tiré par Verlaine sur Rimbaud. Ce dernier revient alors chez ses parents, tandis que Verlaine se retrouve en prison.

À cette occasion, Rimbaud fait imprimer une plaquette, Une saison en enfer, un de ses poèmes en prose les plus connus, qui ne sera par contre jamais diffusé, car il ne paie pas l’imprimeur. Le début de cette œuvre est une sorte de biographie.

Le reste de ses poèmes libres de cette époque, en prose ou en vers, est regroupé dans le recueil nommé Illuminations publié par Verlaine en 1889.

En 1876, à l’âge de 22 ans, Arthur décide d’arrêter d’écrire et il se lance dans l’aventure en rejoignant les troupes coloniales des Indes néerlandaises (Indonésie actuelle). Il y renonce finalement et revient en Europe où il se fait engager comme agent commercial. Ensuite, il devient marchant d’armes, d’or, d’ivoire, de soie ou encore de bimbeloterie, en 1880, à Harar (Abyssinie). Il commerce notamment avec le roi du Choa et Empereur d’Ethiopie, Ménélik, à qui il vend des armes.

Mais en 1891, une terrible tumeur au genou droit le fait rapatrier en France. Il se fait opérer à Marseille, mais ne guérit pas.

Il meurt le 10 novembre 1891, à l’âge de 37 ans, à Marseille, et il est enterré à Charleville.

Voyelles

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d’ombre ; E, candeur des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silence traversés des Mondes et des Anges :
– O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! –

Voyelles est mon poème préféré de Rimbaud. Dans celui-ci, il associe les lettres et les choses à des couleurs, ce que je fais également quelques fois. Cela s’appelle la synesthésie, bien que Rimbaud ne soit pas considéré comme écrivant de tels poèmes.

 

Hubert-Félix Thiéfaine, un auteur et compositeur originaire du Jura, a écrit une chanson sur la vie de Rimbaud, appelée « Affaire Rimbaud » (voir vidéo ci-dessus).
Dans ses paroles, il fait de nombreuses références aux poèmes de Rimbaud et à sa vie.

La jambe de Rimbaud,
De retour à Marseille => référence à sa tumeur au genou 
Comme un affreux cargo
Chargé d’étrons vermeils,
Dérive en immondices
À travers les égouts.
La beauté fut assise
Un soir sur ce genou. => référence à quelques vers de « Une saison en enfer »
Horreur Harar Arthur, => référence à la guerre, à Harar où il a été marchand, et à son prénom
Et tu l’as injuriée. => référence à « Une saison en enfer »
Horreur Harar Arthur
Tu l’as trouvée amère… la beauté ? => référence à « Une saison en enfer »

Une saison en enfer => référence à « Une saison en enfer »
Foudroie l’Abyssinie.
Ô sorcière, ô misère,
Ô haine, ô guerre, voici => référence à « Une saison en enfer »
Le temps des assassins
Que tu sponsorisas
En livrant tous ces flingues
Au royaume de Choa. => référence à son commerce d’armes avec Ménélik
Horreur Harar Arthur,
Ô Bentley, ô châteaux,
Horreur Harar Arthur,
Quelle âme, Arthur est… sans défaut ?

Les poètes aujourd’hui
Ont la farce plus tranquille
Quand ils chantent au profit
Des derniers Danâkil.
Juste une affaire d’honneur
Mouillée de quelques larmes
C’est quand même un des leurs
Qui fournissait les armes.
Horreur Harar Arthur,
T’es vraiment d’outre-tombe.
Horreur Harar Arthur
Et pas de commission.
Horreur Harar Arthur
Et pas de cresson bleu => référence à un vers du « dormeur du val ».
Horreur Harar Arthur
Où la lumière pleut.

Sources :

 Minane

3 réflexions sur “Arthur Rimbaud”

  1. Pattenrond

    Article très clair et agréable à lire :).

    A tout hasard, vous ne savez pas d’où viennent (film) les images du clip?

     
  2. Article intéressant, dommage qu’il n’y ait pas plus d’informations sur son oeuvre ^^ J’ai bien aimé le commentaire de la chanson et d’avoir l’avis de la journaliste sur un poème, mais j’aurais trouvé ça sympa d’en savoir un peu plus sur les poèmes de Rimbaud ^^

    Quelqu’un sait d’où lui vient ce surnom d’ « homme aux semelles de vent » ? ^^

     
  3. Bonjour,
    Merci pour vos commentaires.
    Les images du clip viennent du film « Rimbaud/Verlaine » datant de 1995, avec Leonardo DiCaprio.
    Je suppose que ce surnom lui vient de ses nombreux voyages.

     

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