Hokusai : l’art ukiyo-e

la grande vague de kanagawa
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Vous ne connaissez peut-être pas son nom, mais il est sûr que vous avez déjà aperçu quelques unes de ses œuvres. Hokusai est un artiste japonais de l’ère Edo (1600 – 1868) qui est mondialement connu pour sa série Trente-Six vues du mont Fuji et plus particulièrement pour « La Grande Vague de Kanagawa ». Découvrez-en plus sur ce peintre qui a inspiré les plus grands, dans la suite de cet article !

Biographie

Portrait d'hokusai par lui-même

Autoportrait d’Hokusai

Katsushika Hokusai est né en 1760 et décédé en 1849 à Edo (ancien nom donné à Tokyo), dans l’actuel quatier de Katsushika. Il est connu sous le nom de Hokusai, ou sous son surnom de « Vieux Fou de la peinture ».
C’est un peintre, dessinateur spécialiste de l’ukiyo-e (mouvement artistique de l’ère Edo), graveur et auteur d’écrits populaires japonais. Son œuvre a influencé de nombreux artistes européens, en particulier Gauguin, Van Gogh et Monet, ainsi que le mouvement du japonisme. Il est parfois vu comme le père du manga, mot qu’il a inventé et qui signifie à peu près « esquisse spontanée ».
Après avoir été formé dans un atelier de xylographie (procédé de reproduction d’image avec des plaques de bois creusées), il intègre, en 1778, l’atelier du maître Katsukawa Shunsho (1726- 1792), un peintre d’estampes ukiyo-e, spécialiste des portraits d’acteurs. C’est dans cet atelier que commence son travail d’artisan du dessin et de l’estampe aux revenus modestes. Il y restera un an, jusqu’à la mort du maître. Il connaîtra alors de nombreuses années de grande pauvreté, tout en continuant à se former aux différents arts de l’estampe, mais également de l’art occidental.
Après avoir intégré une école classique en 1794 (le clan Tawaraya de l’école Rimpa), c’est en 1795 qu’il illustre sous le nom de Sōri le recueil poétique Kyōka Edo no Murasaki, ce qui lui vaudra son premier succès.

En 1812, Hokusai commence à parcourir le pays, de l’ancienne capitale Kyoto à la ville nouvelle de Edo. Il s’arrête à Nagoya, où il rencontre Bokusen, un autre artiste. Suivant les conseils de ce dernier, deux ans plus tard, il publie sa Manga : recueils de ses innombrables carnets de croquis, d’études originales et marginales. La publication de cette série de livres d’images s’étend jusqu’en 1834 et comprend 12 volumes.
C’est en 1831 que paraîtra l’une de ses œuvres majeures, la série d’estampes Fugaku Sanjūrokkei ou Trente-six vues du mont Fuji, qui lui vaut une reconnaissance mondiale. Il se sert alors du bleu de Prusse, introduit au Japon en 1829 et dont l’artiste Keisai Eisen avait déjà tiré profit. Dans la même période, il produit plusieurs séries d’estampes qui rompent toutes avec la tradition de l’ukiyo-e. C’est ainsi au début des années 1830 que voient le jour les séries des Cascades, des Ponts, des Oiseaux et des Fantômes.
Il quitte Edo fin 1834 pour passer une année à Suruga dans la péninsule de Miura au sud d’Edo et publie, l’année suivante, sa série Fugaku Hyakkei ou les Cent Vues du Mont Fuji, qui reprend au trait tout son travail sur le paysage.

Qu’est-ce que l’ukiyo-e ?

 

Technique de l'ukiyo-e

L’ukiyo-e (traduisible par « image du monde flottant ») est mouvement artistique japonais de l’époque d’Édo (1603-1868) qui comprend une peinture populaire et narrative originale, mais aussi et surtout les estampes japonaises gravées sur bois.
Le Japon connaît à cette époque une ère de paix et de prospérité qui se traduit par la perte d’influence de l’aristocratie militaire et par l’émergence d’une bourgeoisie urbaine et marchande. Cette évolution sociale et économique s’accompagne d’un changement des formes artistiques, avec la naissance de l’ukiyo-e et des techniques d’estampe permettant une reproduction sur papier peu coûteuse, bien loin des peintures sur soie ou des arrière-plans à la feuille d’or que l’on pouvait retrouver sur les paravents des aristocrates.
Les thèmes de l’ukiyo-e représentent une réelle rupture avec la période précédente (dominée par l’aristocratie militaire), car ils correspondent désormais aux centres d’intérêt de la bourgeoisie : les femmes et les oiran (courtisanes) célèbres, les shunga (scènes érotiques), le théâtre kabuki (théâtre traditionnel japonais) et les lutteurs de sumo, les yōkai (créatures fantastiques), les egoyomi (calendriers) et les surimono (cartes de vœux), le spectacle de la nature…
Alors qu’il passe au Japon pour vulgaire de par sa valorisation de sujets issus du quotidien et de sa publication de masse liée à la technique d’impression de l’estampe, l’ikiyo-e connaît dès la fin du XIXe siècle un grand succès auprès des Occidentaux.

Les épreuves d’estampes ukiyo-e sont produites de la manière suivante :
– Tout d’abord, l’artiste réalise un dessin-maître à l’encre, appelé« shita-e ».
– Un graveur professionnel (qui n’est pas l’artiste) colle ensuite ce dessin contre une planche de bois (cerisier ou catalpa), puis évide à l’aide de gouges (marunomi) les zones où le papier est blanc, créant ainsi le dessin en relief sur la planche. L’œuvre originale s’en retrouve alors détruite.
– L’artiste prend ensuite le relais : la planche ainsi gravée (« planche de trait ») est encrée et imprimée de manière à produire des copies quasiment parfaites du dessin original, cela fonctionne comme un tampon.
– Ces épreuves sont à leur tour collées à de nouvelles planches de bois, et les zones du dessin à colorer d’une couleur particulière sont laissées en relief. Chacune des planches imprimera au moins une couleur dans l’image finale. Elles sont appelées « planches de couleurs » ;
– L’ensemble des planches de bois résultant est encré dans les différentes couleurs et appliqué successivement sur le papier. Le parfait ajustement de chaque planche par rapport au reste de l’image est obtenu par des marques de calage appelées « kento ». L’encrage est révélé en frottant le papier contre la planche encrée à l’aide d’un tampon (baren) en corde de bambou.
L’impression finale porte les motifs de chacune des planches, certaines pouvant être appliquées plus d’une fois afin d’obtenir la profondeur de teinte souhaitée.

Les ukiyo-e sont donc abordables financièrement, car vous l’aurez compris, ils peuvent être reproduits en grande série (de l’ordre de quelques centaines, car après trois cents exemplaires environ, le bois s’émousse et les traits deviennent moins précis). Ils sont principalement destinés aux citadins qui ne sont généralement pas assez riches pour s’offrir une peinture. Ce développement de l’ukiyo-e s’accompagne de celui d’une littérature populaire à la même époque.

Pour finir, j’avais envie de vous présenter en détail une analyse de l’estampe la plus connue d’Hokusai, La Grande Vague de Kanagawa !

Analyse de La Grande Vague de Kanagawa 

La grande vague de kanagawa

La grande vague de kanagawa

Cette estampe est la première de la série « Trente-Six Vues du Mont Fuji », qui en comporte 46 (36 à contours bleu et 10 supplémentaires à contours noir), réalisées avec la technique dite du « nishiki-e » (gravure sur bois polychrome), et toutes dans un format d’environ 25 x 38 cm.

Cette estampe est désormais emblématique de l’art japonais. On peut y voir une grande vague qui encadre au loin le mont Fuji. C’est ici que débute le travail symbolique de Hokusai, se basant sur les croyances bouddhistes : la vague contraste grandement avec le mont Fuji et c’est ce qu’Hokusai veut montrer, c’est-à-dire à la fois la force de la nature et sa douceur.
La vague semble ainsi lancer de puissantes tentacules, on distingue même comme des griffes d’animaux formées dans les écumes qui se mettent à l’assaut de trois embarcations de pêcheurs. On peut donc imaginer que Hokusai cherche à humaniser la nature, les éléments étant déterminants dans les croyances bouddhistes. On peut également remarquer que les pêcheurs sont par groupe de quatre dans chaque embarcation : le chiffre quatre est considéré au Japon comme porte-malheur, car il peut se prononcer de la même manière que « mort ».

Au loin, immobile, on voit se profiler le mont Fuji enneigé, qui fait écho à la petite vague au premier plan. Le dynamisme de la composition met en valeur le contraste saisissant entre la fragilité de la vie humaine et la force de la nature, grandiose. L’humanité paraît en effet insignifiante et soumise, comme un jouet entre les mains d’une nature puissante et destructrice.

La ligne de démarcation entre la mer et le ciel forme le symbole éternel du yin et du yang, ce qui accentue ainsi graphiquement l’opposition entre les forces obscures et terrestres d’un côté, célestes et lumineuses de l’autre. Cette estampe revêt donc une dimension quasiment religieuse, car elle conjugue les valeurs spirituelles du bouddhisme, axées sur le caractère éphémère des choses ; et celles du shintoïsme, orientées vers la toute puissance de la nature. On peut voir dans cette scène une métaphore du monde éphémère et flottant (ukiyo). Malgré tout, on remarque l’influence de la perspective occidentale dans cette œuvre, dans la mesure où les artistes japonais de l’époque auraient donné au volcan une dimension bien supérieure à celle de la vague, tandis qu’Hokusai se place au cœur de l’action, et place le mont en arrière-plan, ce qui lui donne une taille minuscule.

La Vague permet de se rendre compte de la maîtrise qu’avait atteint Hokusai : cette image paraît très simple, mais est en réalité le fruit d’un long travail, d’une réflexion méthodique. La fondation même de cette méthode a été posée dès 1812 par Hokusai dans son ouvrage Initiation rapide au dessin abrégé, où il expose sa théorie selon laquelle tout objet se dessine par la relation du cercle avec le carré.

En Occident, la Grande Vague a inspiré de nombreux peintres et même des compositeurs comme Claude Debussy, qui en fit faire une reproduction pour la couverture de sa symphonie « La mer ».

Autres œuvres notables

Le Fuji par temps clair (aussi appelé Fuji Rouge)

Le Fuji par temps clair

Ne croyez pas que La Grande Vague est la seule œuvre que l’artiste aurait autant réfléchie… Chaque dessin de la série des 36 vues, et à fortiori de la série des 100 vues, est très précis dans ses lignes, sa construction…

Voici l’une des seules vues où le volcan est le sujet principal : Le Fuji par temps clair, plus connue sous le nom de Fuji rouge. C’est la deuxième estampe de la série. Ce titre évoque les teintes rouge brique que prend la montagne, au matin, sous l’effet du soleil levant, à la fin de l’été ou au début de l’automne.
L’aube symbolise bien sûr le début de la vie, de la nature et de la terre, comme Hokusai se plaît à le retranscrire. Les pentes de la montagne sont rendues par des effets de dégradés qui laissent apparaître les veines de la planche de bois utilisée pour l’impression. On peut aisément imaginer une nouvelle fois une métaphore de la vie, comme si la montagne avait du sang qui parcourait la nature et qu’elle pouvait mourir comme un humain meurt (d’où le rouge presque sanguin). Le sommet du mont est zébré de coulées de neige et sa base, verte et noir, disparaît sous une forêt. Ces arbres très nombreux et réduits à des petits points, rendent plus majestueuse et imposante la Montagne Sacrée. Grâce à la lumière naissante, elle se détache d’un ciel bleu strié de nuages blancs, nuages se confondant presque avec la neige, renforçant l’idée de corrélation entre tous les éléments naturels.

Je vous invite à regarder l’œuvre d’Hokusai plus en détail, ses autres estampes ainsi que le reste des séries des vues du Mont Fuji, car il serait bien long d’analyser chaque dessin qu’il a produit… Pour finir voici quelques images d’autres estampes, sans aucune analyse.

 

Le Lac Suwa dans la province de Shinano

Le Lac Suwa dans la province de Shinano

le pêcheur de Kajikazawa

Le pêcheur de Kajikazawa

La scierie à Honjo

La scierie à Honjo

Connaissiez-vous Hokusai et l’art ukiyo-e et toutes les symboliques que l’artiste japonais a montré dans ses dessins ? Appréciez-vous son travail ? Dites-nous tout dans un commentaire !

Audy-kun

Sources textes

Hokusai

Expositions BnF – Hokusai

Sumida Hokusai Museum, Tokyo

Sources images

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5 réflexions sur “Hokusai : l’art ukiyo-e”

  1. J’adore cette forme d’art. D’ailleurs, les œuvres que je préfères sont celles de Kawase Hasui.
    Si vous ne connaissez pas, je vous conseille de jeter un coup d’œil sur ce qu’il a fait.

     
  2. Magnifique article, cet art Japonnais n’est pas assez mis en avant alors bravo.
    Voici d’autres artistes que vous pouvez aussi consulter : Kiyonaga, Sharaku et Utamaro.
    C’est une véritable mine d’or ☺.

     
  3. J’adore cet artiste.
    Ele’ je ne connais pas du tout Kawase Hasui, tu me donne envie d’aller me renseigner si il fait dans le même style 😀

     
  4. Je ne connaissais pas l’artiste, mais j’avais déjà vu plusieurs de ses oeuvres (en particulier La Grande Vague ou le Fuji Rouge ! Je trouve qu’elles ont un côté apaisant (même La Grande Vague, malgré la puissance qu’elle dégage aussi) 🙂

     
  5. Evidemment la grande vague est l’oeuvre qui touche beaucoup de monde, faisant désormais parti de la pop culture. Merci pour cette découverte plus en profondeur d’un artiste finalement méconnu.

     

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