Je suis prof, mais je me soigne

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Si vous suivez un peu l’actualité française du moment, vous entendez très certainement beaucoup de choses sur les enseignants, sur leur vécu du métier et particulièrement sur leurs revendications en tant que fonctionnaires de l’État. Mais que connaissez-vous vraiment de cet univers ? Étant moi-même enseignante depuis septembre 2019, j’ai eu envie de vous partager mon expérience afin de vous faire découvrir une autre facette du métier, mais aussi de vous parler de mon propre ressenti. Si vous avez envie d’en savoir plus, poursuivez votre lecture !

Qui suis-je ?

Tout d’abord, il vous faut en savoir un peu plus sur moi pour comprendre la suite de cet article. Rassurez-vous, je ne vais pas vous raconter que j’ai à la maison un chat, un chien et une tortue et qu’ils sont adorables.
Pour faire simple, je suis professeure d’anglais dans un lycée général et technologique de Franche-Comté depuis septembre 2019.J’ai cette année des classes de seconde, de première STMG (Sciences et Technologies du Management et de la Gestion), de première générale et de première STI2D (Sciences et Technologies de l’Industrie et du Développement Durable) des élèves entre 15 et 16 ans donc. Comme je suis en stage, je travaille à mi-temps, à savoir 9 heures au lieu de 18 heures par semaine. Le reste du temps, je suis en formation.

Comment je suis devenue prof

Je vais être honnête avec vous, devenir professeure n’était pas spécialement une vocation. Je ne vais pas vous dire qu’il était hors-de-question que je fasse ce métier, c’est simplement que je ne l’avais jamais vraiment envisagé. Ma mère est enseignante dans un collège, et, si elle ne m’a jamais « dégoutée » du métier, dans ma tête d’adolescente en crise, je ne pouvais pas faire le même métier que l’un de mes parents.
Néanmoins, depuis le collège, j’aimais beaucoup les langues étrangères. Après mon bac économique et social (qui n’existera plus en septembre 2020, je me sens donc vieille), j’ai donc décidé de me lancer dans une licence en langues étrangères appliquées, après mon bac, c’est-à-dire en septembre 2011. Concrètement, cette filière est très générale : on y apprend les bases du droit, on refait de l’économie en poussant un peu plus loin, on fait de l’informatique, de la communication et bien sûr des langues étrangères (grammaire, traduction, civilisation et littérature…). Pour ma part, c’était de l’anglais et de l’allemand. J’ai effectué ma troisième année de licence (l’année scolaire 2013-2014) en Allemagne, dans le cadre du programme Erasmus, où j’ai à peu de choses près étudié la continuité de ce que je faisais en France.
Sans grande conviction, j’ai ensuite choisi de commencer un master de traduction en anglais et en allemand. J’ai tenté les concours pour entrer à l’IFSI de Strasbourg, une école de traduction littéraire, mais je ne les ai malheureusement pas réussis. L’université de Strasbourg proposait un master de traduction technique et informatique, en anglais et en allemand, c’est donc ce dans quoi je me suis lancée en septembre 2014… pendant quatre mois. J’ai très vite réalisé que ça ne correspondait en rien mon projet initial. Traduire des notices d’aspirateur, ce n’est quand même pas super marrant, je dois vous le dire. De plus, j’entendais partout que cette filière n’offrait aucun débouché, je n’ai donc pas hésité plus longtemps et ai cherché à me réorienter. Avant cela, j’ai choisi de faire une pause dans les études, et j’ai travaillé pendant plus de six mois en tant qu’adjointe administrative au port autonome de Strasbourg. Rien de très passionnant, mais c’était une expérience.
J’ai envisagé plusieurs choses avant l’enseignement : les ressources humaines, parce que je me suis dit que je travaillerais avec l’humain. Gros mépris. Le social, parce que je me suis dit que je travaillerais avec l’humain. Là, c’est vrai, et j’ai finalement travaillé en tant qu’assistante sociale (sans être formée) pendant plus d’un an, de mars 2016 à mai 2017. Finalement, ce n’était toujours pas quelque chose qui me correspondait vraiment, ou en tout cas, pas dans la structure dans laquelle j’avais eu un poste, et, sans formation, je pouvais difficilement viser autre chose. Je souhaitais travailler dans une mission locale, où j’avais eu la chance d’effectuer un stage, mais c’était impossible dans l’immédiat et encore une fois sans formation.
J’ai donc envisagé le pire : l’enseignement.

Regrets

Blague à part, au bout d’un moment, ce choix s’est comme imposé à moi. J’aimais l’anglais et j’avais envie de le partager, j’avais aussi envie de travailler avec des adolescents. Certes, ce ne sont pas forcément des arguments suffisants, mais j’en ai eu marre de chercher quoi faire de ma vie. Je me suis donc inscrite en master MEEF anglais à l’INSPE (pour les non-initiés, MEEF = Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation, et INSPE = Institut National Supérieur du Professorat et de l’Enseignement, et non ce n’est pas pompeux du tout) en septembre 2017. Cette année de master a été pour ainsi dire intensive. Trente heures de cours par semaine environ. J’ai mangé de la littérature et de la civilisation anglophones, ingurgité de la grammaire (plus exactement de la linguistique) ce qui m’a donné l’impression d’apprendre une nouvelle langue étrangère et j’ai plus ou moins appris à construire des cours d’anglais. On penche ceci dit plus vers le moins. Je ne vous parle pas des autres cours qui n’avaient pas grand intérêt.

secret

Cette première année était censée nous aider à préparer le CAPES d’anglais, c’est-à-dire le concours pour devenir enseignants, que nous passerions au mois de mars 2018. En ce qui me concerne, je n’avais jamais vraiment fait de littérature (c’est d’ailleurs à cause de cela que j’ai failli ne pas être acceptée dans le master) et j’avais encore moins fait de la grammaire aussi poussée. En parallèle, nous devions en plus commencer à préparer notre mémoire, chose qui me terrorisait. Le M1 a donc été particulièrement difficile pour moi. J’ai validé la première année, par contre, je n’ai pas réussi le concours, j’ai été recalé dès les écrits.

Fail

Le master 2 a donc commencé en septembre 2018. Normalement, lorsqu’on obtient le concours en M1, on est en quelque sorte en alternance en 2ème année : neuf heures le lundi, mardi et vendredi en établissement (collège ou lycée pour le second degré) et le mercredi et jeudi à l’INSPE. Pour ma part, je n’avais pas de stage puisque je n’avais pas eu le concours (c’est une condition), cette deuxième année a donc été bien plus légère. Ceci dit, pour ceux qui obtiennent le concours du premier coup en M1, le M2 est peut-être encore pire au niveau de la charge de travail. Les avis divergent. L’avantage, c’est qu’on fait enfin ce pour quoi on a travaillé dur pendant un an. Pour ma part, j’ai pu cette année-là valider mon M2, finir mon mémoire, préparer le concours pour un deuxième essai, travailler en tant qu’assistante d’éducation et même avoir enfin une vraie expérience de deux mois en tant que professeure d’anglais dans un collège. En effet, en étant contractuel, il est possible de faire des remplacements sans avoir le concours. Ce n’est pas une position très confortable et stable, mais ça m’a permis d’avoir une petite expérience du terrain. Une année toujours chargée, mais à mon sens bien plus supportable. D’ailleurs, très très bonne nouvelle, c’est avec ce deuxième essai que j’ai obtenu le CAPES !

Win

Mon année de stage

En septembre 2019, j’ai donc commencé à enseigner en tant que stagiaire dans un lycée. Même si j’avais validé le M2 en juin dernier, j’ai quand même dû retourner à l’INSPE et faire en parallèle un DU (Diplôme Universitaire). C’est un diplôme réservé à ceux qui ont déjà un master, mais qui sont enseignants stagiaires. Nous avons encore des dossiers à rendre, bien que ce soit encore moins chargé que le M2.
Il faut d’abord savoir qu’en tant que stagiaire, même si nous avons un tuteur qui nous accompagne tout au long de l’année, nous sommes face à une classe, seuls, dès le premier jour de la rentrée.

stress de la rentrée

C’est incroyablement stressant, mais formateur. Et puis, il faut bien se lancer. Je ne me suis pas évanouie, je n’ai pas vomi. J’ai survécu. Et j’ai ainsi commencé à apprendre à être prof d’anglais.
Le mot qui me vient en premier à l’esprit pour décrire cette année particulière, c’est le doute. Pour en discuter régulièrement avec beaucoup d’autres stagiaires (qu’ils enseignent de la maternelle au lycée), c’est ce qui revient le plus régulièrement. C’est une année où tout est sans arrêt remis en question. Par nos tuteurs, nos professeurs de l’INSPE, nos élèves, mais surtout par nous-mêmes. En tout cas, c’est ce que je ressens. C’est également une année très chargée, encore une fois. Malgré nos seulement neuf heures de cours par semaine, le travail de préparation en amont est colossal. Il y a également la correction des copies bien sûr. Étant cette année au lycée et ayant des classes de première, je corrige les copies de baccalauréat également. Pour ma part, je commence seulement (depuis le mois de février) à prendre un peu plus de temps pour moi. Je ne pourrais pas tenir sinon. Je pense que c’est une question de prise de recul et de savoir lâcher un peu de lest. Certains de mes collègues / camarades stagiaires travaillent encore sans arrêt.
Vous l’aurez compris, l’année de stage est donc riche en émotions, négatives comme positives. Après tout, même si devenir enseignante n’était pas une vocation pour moi, j’apprécie tout de même énormément travailler avec les élèves. Ces ados ont beau parfois me mettre la misère, je partage d’excellents moments avec eux. J’aime transmettre (quand j’y arrive), j’aime les voir réussir, progresser et voir la fierté dans leur regard quand c’est le cas, j’aime quand on arrive à plaisanter, à voir qu’ils ont confiance en moi malgré le fait que je patauge souvent dans la soupe parce que je débute.
En tant que bébé prof, je n’ai pas encore le recul suffisant pour vous faire un tableau vraiment clair du métier d’enseignant, mais je pense sincèrement que, bien que difficile, c’est une belle profession, qui peut apporter sur énormément de plans. Le chemin pour y arriver est certes chaotique, mais je pense qu’avec avec un peu plus de recul, je saurai en tirer le positif.

Nous voici arrivés à la fin de ce témoignage. J’espère que cela vous aura apporté quelques éclaircissements et vous aura peut-être donné envie de devenir enseignant. Qu’avez-vous envie de faire plus tard ? Aviez-vous déjà pensé à être prof ? Dites-nous vos impressions en commentaire.

Mimire

Source texte :

Expérience personnelle

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Image à la une créée par Élixir, illustratrice du MC Mag’

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3 réflexions sur “Je suis prof, mais je me soigne”

  1. Contente d’avoir pu lire ton témoignage Mimire. Tu as beaucoup de mérite ! Je suis « bébé-enseignante » aussi, j’ai commencé à travailler cette année scolaire-ci. Et franchement, je galère. Mais qu’est-ce que j’aime mon métier… et qu’est-ce que mes élèves me manquent, en cette période de confinement interminable !

     
    1. Merci pour ton commentaire ! Les débuts sont vraiment galères c’est le mot ! Mais oui, le plus beau c’est la relation avec les élèves, et c’est super de voir que malgré la difficulté du métier, c’est toujours ça qui prend le dessus. Bon courage pour le confinement, c’est très long !

       
  2. Un témoignage très intéressant ! J’espère qu’au fil du temps tu trouveras une voie professionnelle dans laquelle tu t’épanouisses vraiment. Mais je suis sûre que tes élèves ont de la chance de t’avoir en attendant ^^

     

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