La démarche ergonomique au travail

Ergonomie au travail - La démarche ergonomique pour éviter les problèmes de dos
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Depuis plusieurs années, la maîtrise et l’amélioration des conditions de travail est au cœur des préoccupations dans de nombreuses entreprises. Afin de diminuer les contraintes exercées sur les salariés et de réduire les risques professionnels, l’ergonomie est de plus en plus utilisée. De quoi s’agit-il ? Comment mener une démarche ergonomique ? Comment est-ce utilisé en entreprise ? La suite de l’article répondra à toutes ces questions ! 

L’ergonomie : qu’est-ce que c’est ? 

Définition de l’ergonomie 

De nombreuses définitions ont été données à l’ergonomie au cours du temps. Aujourd’hui, la définition retenue par l’Association internationale d’ergonomie (ou IEA, pour International Ergonomics Association – une fédération internationale regroupant plus de 50 sociétés d’ergonomie dont le but est de promouvoir la discipline) est que « L’ergonomie est la discipline scientifique qui vise la compréhension fondamentale des interactions entre les humains et les autres composantes d’un système, et la profession qui applique principes théoriques, données et méthodes en vue d’optimiser le bien-être des personnes et la performance globale des systèmes. » 

Ergonomie au travail - la démarche ergonomique

Ainsi, l’ergonomie est définie tout d’abord comme étant une étude basée sur une démarche scientifique, dont le principe sera détaillé plus loin dans l’article. Elle vise à comprendre les interactions entre l’Homme et son environnement de travail au sens le plus large possible (outils, produits, lieu de travail, collègues, délais, répétitions…) afin de maîtriser et de réduire les risques professionnels. 

La conclusion de l’étude doit permettre de proposer une adaptation optimale entre l’Homme et son environnement pour limiter les contraintes sur le travailleur sans pénaliser économiquement l’entreprise. 

Dès les débuts de l’ergonomie, deux définitions se sont opposées. L’ergonomie est-elle le fait d’adapter la machine à l’Homme ou est-ce d’adapter l’Homme à son métier ? La question est encore aujourd’hui en débat, mais la majorité des démarches actuellement suivies tendent à prendre l’Homme comme élément central et à adapter son environnement. 

Différents courants de l’ergonomie 

Il existe deux courants principaux en ergonomie : l’anglophone et le francophone. 

Le courant anglophone, aussi appelé « Human Factor », se base sur la connaissance de l’Homme. À travers une bonne compréhension des fonctions et des capacités humaines, il est possible d’imaginer un « homme standard » qui possèderait des capacités normalisées. Chaque activité ou poste de travail serait étudié en comparaison de cet « homme standard » afin de savoir s’il est adapté ou de mettre en évidence les écarts. 

C’est donc une approche basée sur la standardisation et la généralisation. Le poste de travail serait globalement adapté à une grande proportion de personnes, mais la variabilité entre les individus n’est pas prise en compte. Ainsi, cette méthode peut être appliquée pour la conception d’environnements de travail afin que ceux-ci conviennent à la majorité. 

Le courant francophone, ou « ergonomie de l’activité », se base sur l’étude de l’activité. C’est une compréhension détaillée du travail demandé qui permettra de l’adapter à l’employé. Ainsi, il est important de comparer la tâche théorique demandée avec celle réellement exécutée par le travailleur : les écarts pourront être analysés et des solutions seront proposées. 

L’un des points fondamentaux de cette démarche est l’observation. En effet, elle demande de pouvoir aller sur le terrain afin de voir dans le temps comment évoluent les travailleurs. De plus, il est important de pouvoir observer plusieurs travailleurs sur un même poste et un même travailleur reproduire l’activité plusieurs fois. Cela permet de noter les différences entre individus dans le premier cas et intra-individuelles dans le second. 

La démarche ergonomique 

Caractéristiques de l’étude ergonomique 

Ergonomie au travail - La démarche ergonomique pour éviter les problèmes de dos

Comme nous l’avons vu précédemment, l’ergonomie se base sur une démarche scientifique divisée en plusieurs étapes permettant au professionnel qui les réalise de cheminer vers les résultats. Il est important de savoir que pour arriver à des conclusions et à des propositions satisfaisantes, la démarche ergonomique doit présenter les trois caractéristiques suivantes : elle doit être globale, participative et pluridisciplinaire. 

L’étude réalisée par l’ergonome doit être globale, c’est-à-dire qu’elle doit s’attacher à observer et comprendre une situation de travail dans son intégralité. Ainsi, sur une chaîne de montage par exemple, il ne faut pas simplement regarder le mouvement de l’opérateur, mais aussi la cadence qui lui est imposée, la répétition des gestes, les charges à porter, les instructions présentes, la communication avec les opérateurs en amont et en aval, l’enchaînement des mouvements, les déplacements nécessaires, la répartition des activités, les sources d’information utilisées par l’opérateur, le bruit ambiant… 

C’est en étudiant l’intégralité des éléments qu’il sera possible de savoir sur lesquels il est nécessaire ou préférable d’agir et lesquels sont déjà adaptés. C’est aussi ce qui permettra d’intervenir globalement sur le poste de travail, au-delà de l’adaptation à l’opérateur lui-même. 

La démarche ergonomique se doit aussi d’être participative. En effet, l’étude ne serait pas complète si elle se basait uniquement sur les observations de l’ergonome. Il est essentiel que le travailleur dont la tâche est étudiée ait un rôle central dans l’étude, car c’est lui qui connait le mieux son travail et qui pourra rendre compte de la réalité du terrain, des difficultés rencontrées ou de la faisabilité d’un changement proposé. 

C’est la personne occupant le poste qui peut dire quelle activité est pour elle la plus pénible, où elle pense « perdre du temps ». Dans certaines situations, elle peut expliquer pourquoi certaines tâches, éventuellement contraignantes, ne peuvent être modifiées. Par exemple, la raison qui fait qu’on ne peut apporter un carton plus près de la machine, alors que ça la contraint à le porter elle-même (règles d’hygiène, de qualité, problème de manutention avec les engins de transport…). 

Finalement, l’étude ergonomique doit être pluridisciplinaire. De nombreuses disciplines sont impliquées dans l’ergonomie et l’ergonome ne peut être expert dans chacune d’elles. Ainsi, selon les situations, d’autres personnes peuvent intervenir : management ou direction, ingénieur, sociologue, psychologue, médecin du travail, CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail)… La combinaison de chaque point de vue et de chaque expertise permettra de faire ressortir les propositions les mieux adaptées et pouvant convenir au maximum de personnes. 

Étapes de l’étude ergonomique 

Chaque ergonome développe sa propre méthodologie pour mener à bien son étude ergonomique. Plusieurs réflexions théoriques ont été menées et je vais vous présenter ci-après les étapes retenues par F. Guérin et ses collaborateurs en 2006 dans leur livre Comprendre le Travail pour le Transformer. L’étude ergonomique dans son intégralité peut durer entre quelques jours et plusieurs semaines selon la complexité du poste étudié. 

L'ergonomie au travail - la démarche ergonomique

Étape 1 : Analyse de la demande et du contexte 

Le point de départ d’un ergonome est souvent l’émission d’une demande d’étude. Le professionnel commence par analyser cette demande afin de cerner plusieurs points : 
– Qui est le demandeur : est-ce à l’initiative d’un employé, du médecin du travail, du CHSCT ou plus dans une démarche d’amélioration continue issue du chef d’entreprise ou de service ? Le demandeur est-il le décisionnaire financier pour les solutions à mettre en place ? 
– Quels sont les enjeux : est-il question de potentiellement racheter un bureau pour un employé administratif ou plutôt de modifier un équipement de production complet ? Le problème dont est issue la demande a-t-il un coût pour l’entreprise ? 
– Quels sont les objectifs : l’étude permettra-t-elle de réduire le nombre d’accidents, d’améliorer le confort de l’employé, de répondre à la réglementation en vigueur, de diminuer les accidents… ? 
– Quel est le contexte : à quels facteurs, qu’ils soient organisationnels ou environnementaux, est soumise la situation à étudier ? Il peut s’agir de son importance sur le plan économique ou de production pour l’entreprise, des contraintes réglementaires ou législatives, du cadre social ou technique… 

Il est essentiel que l’ergonome connaisse tous ces éléments parce qu’ils peuvent influer sur la suite de l’étude et sur les propositions qu’il pourra faire. En effet, ils permettent de cibler si de grosses modifications coûteuses sont envisagées ou non ; si le problème actuel peut faire perdre de l’argent à l’entreprise (accidents du travail à répétition par exemple) et que la modification permettrait d’augmenter la rentabilité; si une demande réglementaire contraint l’employeur à mettre en place une action ou si c’est pour gagner en confort ; si l’employé et l’employeur sont aussi impliqués l’un que l’autre dans la démarche… 

Pour mener à bien cette étape, le spécialiste doit pouvoir échanger avec le demandeur et les autres personnes impliquées dans l’étude. 

Étape 2 : Exploration du fonctionnement de l’entreprise – Choix des situations à observer

Selon la demande formulée précédemment, l’ergonome peut avoir plus ou moins de liberté dans le choix des situations à observer. 

En effet, dans certains cas, en particulier lorsque l’entreprise possède un ergonome titulaire, ce dernier a la liberté de cibler un poste de travail et de l’étudier. En fonction des outils disponibles, le choix peut être orienté par une recrudescence d’accidents, un turn-over important, la multiplication des plaintes, l’apparition de troubles musculo-squelettiques… Il est essentiel que l’ergonome connaisse bien le fonctionnement de la structure afin d’orienter ses choix. 

Dans d’autres cas, en particulier lorsqu’une entreprise fait appel à un ergonome extérieur pour une mission, la ou les situations à étudier peuvent avoir été préétablies. Dans ce cas cette étape n’est pas appliquée par le professionnel, qui se renseigne simplement sur l’entreprise, les interlocuteurs et explique sa méthode. 

Étape 3 : Analyse du processus technique et des tâches 

Il s’agit de la première étape réellement « sur le terrain » : l’ergonome se rend au poste de travail à étudier et observe tous les éléments. Il est essentiel que l’ergonome reste entièrement neutre face à ce qu’il voit : l’objectif est uniquement de constater. 

L’ergonome peut alors prendre des notes. Un schéma du poste de travail est souvent élaboré à cette étape en faisant apparaître la position de l’opérateur ou des équipements, les différents flux de personnes ou d’objets… Il peut aussi utiliser des outils pour faire des mesures (de bruit ou de port de charges par exemple). 

L’objectif de cette étape est de mettre en évidence s’il existe des différences entre la tâche et l’activité : 
– La tâche correspond à ce qui est demandé, au travail théoriquement prescrit. Il s’agit donc d’identifier les étapes à suivre, les objectifs et les moyens mis à disposition ; 
– L’activité est le travail réellement effectué, c’est-à-dire l’enchaînement des actions mises en place par un travailleur répondre à une tâche. Contrairement à la tâche, l’activité n’est observable qu’en conditions réelles. 

Étape 3 bis : Analyse de l’activité 

Une fois que les observations ont été faites, l’ergonome peut commencer son analyse. C’est lors de cette étape qu’il va chercher à comprendre l’activité : pourquoi le travailleur fait de telle ou telle manière, ce qui est dicté dans la tâche et ce qu’il a adapté, ce qu’il ne fait peut-être pas et pourquoi, si un historique de changements déjà mis en place a pu conduire à un écart observé…. Pour cela, il est essentiel que l’ergonome puisse échanger avec les travailleurs. En effet, l’observation par l’ergonome ne peut se dérouler sur plusieurs années pour mettre en évidence les conséquences à long terme des conditions de travail (problèmes articulaires, TMS, troubles auditifs…), c’est pourquoi l’ergonome se base à la fois sur ses connaissances théoriques, sur son expérience et sur les retours des travailleurs. 

Cette partie est très importante, car elle guide l’ergonome dans son cheminement intellectuel menant à la proposition de solutions. En effet, elle peut confirmer ou infirmer certaines des hypothèses émises par le professionnel. 

Étape 4 : Diagnostic local et diagnostic global 

Ergonomie au travail - la démarche ergonomique

Il s’agit de la dernière étape de la démarche ergonomique : la présentation des observations, de l’analyse et des solutions proposées. Plusieurs métiers sont souvent représentés, afin de diversifier les avis et les points de vue : direction, opérateur, médecin, CHSCT, service sécurité… 

Chacun des participants a des préoccupations et des contraintes qui ne sont pas forcément les mêmes, et la réunion en groupe de travail pluridisciplinaire permet d’arriver à un compromis qui peut satisfaire le plus grand nombre. Elle permet aussi d’impliquer un maximum de personnes dans la démarche afin de rendre l’application du changement plus simple. 

Le diagnostic peut être local, c’est-à-dire centré sur un poste de travail, ou bien global, pouvant toucher plusieurs activités. Lorsque les propositions ont été acceptées et mises en place, l’ergonome a un rôle important dans leur suivi et leur évaluation : est-ce efficace ? Est-ce suffisant ? D’autres adaptations sont-elles nécessaires ? 

L’ergonomie en entreprise 

L’ergonomie prend de plus en plus d’importance au fil des années. Les réglementations sont en effet toujours plus strictes et les conditions de travail des salariés scrutées avec une attention croissante. De plus, en diminuant le nombre d’accidents ou de maladies, l’ergonomie permet d’augmenter le rendement et la productivité. 

Cependant, peu d’entreprises possèdent un ergonome titulaire. La majorité des sociétés qui en ont un sont de gros sites industriels où les risques d’accidents ou des troubles musculo-squelettiques sont plus élevés. Ils sont aussi présents dans les entreprises de conception de machines industrielles afin d’étudier l’aspect sécurité et conditions de travail des opérateurs sur le prototype. 

Dans les autres structures où les contraintes des postes sont plus faibles ou moins variées, il est plus rare de voir des ergonomes. Ainsi, lorsqu’un besoin se fait sentir, il est courant de faire appel à une société extérieure pour une prestation d’ergonomie très ciblée. 

Dans l’entreprise, l’ergonome a plusieurs missions. Globalement, il a pour rôle de garantir et de développer la santé et la sécurité, mais aussi d’améliorer les conditions de travail des employés. Pour cela, en plus des études ergonomiques, il peut réaliser de estimer le risque sécurité ou donner son avis lors de modifications de postes de travail, faire des propositions globales pour améliorer l’hygiène industrielle… 

Vous en savez maintenant plus sur l’ergonomie et son utilisation au sein de l’entreprise. Connaissiez-vous ce métier ? Avez-vous déjà eu affaire à un ergonome dans le cadre professionnel ? N’hésitez pas à partager votre expérience dans un commentaire ! 

Ursuline

Sources texte :

– Connaissances personnelles issues d’échanges avec un étudiant en Master 1ère année STAPS « Sciences du Mouvement et Ergonomie » à l’université de Caen Normandie

– Guérin, F., Laville, A., Daniellou, F., Duraffourg, J., & Kerguelen, A. (2007). Comprendre le travail pour le transformer: la pratique de l’ergonomie. Lyon: ANACT.

animation.hepvs.ch

ergonomie-self.org

unige.ch

Sources des images :

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1 réflexion sur “La démarche ergonomique au travail”

  1. Bonjour,

    Je tenais à vous féliciter pour votre article sur la démarche ergonomique au travail. Vos conseils sont pertinents et très utiles pour améliorer le confort et la productivité au travail. Votre article m’a donné envie de savoir plus sur les différentes techniques ergonomiques et comment les appliquer dans mon environnement de travail. Merci pour cet article instructif et intéressant. J’attends avec impatience votre réponse.

    Cordialement,

     

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