La moitié des médicaments sont inefficaces

Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux
Notez cet article :

 « La moitié des médicaments ne servent à rien » est la phrase choc retrouvée dans la majorité des médias mi-septembre. Cette affaire fait suite au Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux. Celui-ci dénonce le fait que 50% des traitements sont inefficaces, 20% présentent un risque et 5% seraient même dangereux ! Comment ce constat est-il possible ? Comment 50% des produits de santé présents sur le marché peuvent-ils ne pas être efficaces ? Les enjeux sont-ils uniquement économiques, le livre indiquant que leur déremboursement pourrait faire économiser 10Mds€ à l’État, ou y a-t-il un réel problème de santé ? Décryptons tout cela !

Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux

Médicaments inefficaces : des responsables

Deux professeurs de médecine, Philippe Even (président de l’Institut Necker) et Bernard Debré (urologue, député UMP) ont étudié les 4000 médicaments les plus utilisés en France, afin d’évaluer leur efficacité et leur dangerosité. Ces deux professeurs de médecine pointent aussi du doigt le remboursement de ces produits : 70% des substances thérapeutiques peu efficaces et 28% de celles complètement inefficaces sont remboursées par la sécurité sociale.

L’industrie pharmaceutique est très largement visée dans ce livre. En effet, le remboursement de tous ces médicaments présents sur le marché (et parfois remboursés alors qu’ils sont inefficaces) incite les patients à les utiliser et ainsi à entretenir le cercle vicieux qui gave à son tour les industries pharmaceutiques, tout en creusant le trou de la sécurité sociale largement déficitaire.

L'industrie pharmaceutique est-elle responsable des médicaments inefficaces ?

Nous pouvons nous demander si la faute revient uniquement aux pharmaciens et à l’industrie pharmaceutique. N’est-il pas étrange que ce livre ait été écrit par des médecins et pas par des pharmaciens ? Ils pointent du doigt ces derniers alors que les pharmaciens délivrent les médicaments parfois inefficaces, mais ce sont bien les médecins qui les prescrivent, non ?

 Une plus grande rigueur dans la rédaction des ordonnances, ainsi qu’une volonté de les alléger ne pourrait-elle pas aller dans le sens de la réduction du trou de la sécurité sociale, mais aussi dans celui de la réduction du nombre de traitements inefficaces ? Si ces produits pointés du doigt n’étaient plus prescrits, ils ne seraient plus rentables pour l’industrie pharmaceutique qui arrêterait leur commercialisation.

En France, un patient est souvent satisfait de son passage chez le médecin si celui-ci lui prescrit des substances thérapeutiques et plus il y en a mieux c’est : le patient n’a ainsi pas l’impression d’être venu pour rien, le médecin a réellement trouvé ce qu’il a et il le soigne. Cette pensée arrange à la fois les professionnels de santé, car les patients repartent contents donc ils reviendront, les pharmaciens qui vendent davantage, mais aussi les laboratoires pharmaceutiques qui écoulent leurs stocks… Des patients plus raisonnables vis-à-vis de la consommation de médicaments (beaucoup de malades demandent à leur médecin de rajouter certains produits « au cas où » par exemple) permettraient de faire des économies et de cibler les produits réellement efficaces et utiles. Par conséquent, ceux qui sont inefficaces ne seraient plus prescrits et disparaîtraient du marché. Les mesures de prophylaxie comme la vaccination, les campagnes de prévention et une meilleure hygiène de vie permettraient de responsabiliser les patients.

L’industrie pharmaceutique n’est pas la seule cible de ce livre. Le système de contrôle des molécules mises sur le marché par l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé) est lui aussi critiqué. Philippe Even a travaillé pour la commission d’autorisation de mise sur le marché, qui dépend de l’ANSM et il dénonce de nombreux problèmes de fonctionnement :

Le parti-pris des dossiers présentés à la commission : des essais cliniques sont nécessaires avant l’autorisation de mise sur le marché du produit de santé afin d’évaluer les effets positifs et négatifs du médicament, mais aussi afin de savoir s’ils sont efficaces ou inefficaces. Ces essais sont menés par le laboratoire souhaitant le commercialiser, ce qui constitue un parti-pris.

La dissimulation d’effets indésirables ou de données importantes n’est pas rare afin d’accélérer le processus de mise sur le marché.

Les experts sont souvent juge et partie, car beaucoup travaillent dans l’industrie du pharmaceutique…

L’exemple de la pilule contraceptive (même si elle n’est pas encore pour hommes !) est assez parlant concernant des autorisations de mise sur le marché relativement contestables. Les pilules de 2e génération sont très efficaces, sans risques et remboursées. Cependant, après celles-ci, des pilules de 3e et de 4e génération sont apparues sur le marché, possédant la même efficacité, mais avec beaucoup plus d’effets secondaires : comment ces pilules, pas plus efficaces que les précédentes, mais plus dangereuses, ont malgré tout été autorisées à la vente ? L’État ne rembourse pas ces pilules, mais elles n’auraient peut-être simplement pas dû être mises sur le marché. La commission d’autorisation de mise sur le marché a-t-elle fait une erreur en accordant leur commercialisation ?

Comment savoir si un médicament est efficace ?

Médicaments inefficaces : des conséquences économiques

Les perspectives lancées par ce livre sont assez diverses, mais concernent en particulier un possible déremboursement de certains médicaments, en particulier ceux jugés inefficaces.

La France a des dépenses de santé jusqu’à deux fois supérieures à celles des autres grands pays européens et il est intéressant de se demander si le remboursement incite à cette consommation excessive, afin d’évaluer si le déremboursement est une piste légitime. Dans plusieurs pays où les produits de santé ne sont pas remboursés, on ne délivre que le nombre de comprimés nécessaires à se soigner, pas une boîte complète si seulement la moitié est nécessaire. En France, il n’est pas rare d’avoir des médicaments en trop, parfois même des boîtes entières. Le conditionnement en boîtes contenant exactement le nombre de comprimés nécessaires au traitement permettrait moins de gaspillage et donc des économies nettes, sans nécessiter un déremboursement de ces médicaments.

Cependant, le problème est-il bien situé ? Le remboursement ou non des médicaments est-il central ? En effet, le déremboursement ne résoudrait en aucun cas le fait que beaucoup de substances thérapeutiques sur le marché sont inefficaces ou même dangereuses : il faut les retirer du marché pour éradiquer le problème à sa base.

Le déremboursement des médicaments ne ferait qu’accentuer les différences entre les personnes pouvant se les payer et celles qui n’en ont pas les moyens. Un déremboursement excessif et massif inciterait à ne plus se soigner pour une maladie bénigne, qui pourrait alors s’aggraver et multiplier le coût des soins à apporter : finalement, le patient est contraint de payer plus cher, le bénéfice n’est pas réel. Un exemple intéressant est celui de l’avortement. Cette opération coûte cher et est remboursée. Cependant, la méthode préventive qu’est la pilule contraceptive n’est pas dans tous les cas remboursée : la logique voudrait que les moyens de prévention (dans ce cas la pilule) soient remboursés, pour éviter des dépenses supplémentaires et très importantes.

Un médicament sur ordonnance est-il efficace ?

Le remboursement des médicaments permet donc de rendre accessibles des traitements qui ne le seraient peut-être pas pour tout le monde dans le cas contraire. La question des prix peut alors se poser : ces prix, fixés par le comité économique des produits de santé ainsi que le laboratoire pharmaceutique, sont souvent élevés, mais sont-ils légitimes ? Des prix moins élevés ne pourraient pas réduire les dépenses de santé ?

Chaque médicament nécessite plusieurs années de recherche avant d’être mis au point, un service de veille sanitaire, une éducation thérapeutique pour les médecins et les pharmaciens sont nécessaires… Tout cela a un coût, qui entre en jeu dans la détermination du prix de vente.

Les innovations dans le domaine pharmaceutique sont cependant de plus en plus rares, de nombreuses molécules tombent dans le domaine public (des génériques, utilisant la même formule que le médicament de base, sont alors commercialisés, ce qui multiplie les produits utilisant la même molécule). Ainsi, les laboratoires n’inventent que peu de nouvelles molécules, mais ils modifient le dosage, la voie d’administration, les molécules associées pour sortir de nouvelles gammes de produits. Les prix se justifient-ils alors toujours ?

En conclusion, ce livre soulève de nombreuses interrogations sur les enjeux du nombre de médicaments présents sur le marché et leur coût. Il permet de semer le doute afin que l’industrie pharmaceutique (mais pas que !) se remette en question concernant les médicaments parfois inefficaces en vente et peut-être voir des évolutions au niveau politique. Aujourd’hui, le service médical rendu, reflet de l’efficacité du médicament, doit être affiché sur les boîtes.

Bien qu’étant un sujet important, le système de santé peut être traité de manière humoristique. Concluons cet article avec un sketch comique de Karim Duval, « Accroc aux médicaments » : à le voir, on peut au moins avoir la certitude que tous ne sont pas inefficaces…

 Ursuline

Sources texte:

C Durable – Guide des 4000 médicaments utiles inutiles ou dangereux

Le parisien: la moitié des médicaments ne serviraient à rien

Viva Presse – Dix questions sur le médicament

Viva Presse – Philippe Even et Bernard Debre

Sources images:

Image 1

Image 2

Image 3

Image 4

4 réflexions sur “La moitié des médicaments sont inefficaces”

  1. C’est rassurant de voir que la moitier des médicaments qu’on prend ou que d’autres prennent ne servent à rien ! Je ne vois pas l’intérêt de poursuivre leur vente si ce n’est arnaquer les clients ! Si en plus ça a autant d’impact sur l’économie, personne n’est gagnant ! Je ne pense pas que ce soit bien de « jouer » avec la santé des gens comme ça.

     
    1. C’est sûr que la santé ne devrait pas se marchander, mais c’est malheureusement le cas 🙁
      Les gagnants, il y en a pourtant bien, l’industrie pharmaceutique qui vend ces médicaments par exemple. Ca fait dans tous les cas plus de médicaments vendus, donc plus de chiffre d’affaire!
      En tout cas, ce livre soulève de nombreuses questions et fait réfléchir… C’est avec des chiffres chocs comme ça qui marquent qu’une prise de conscience sera possible!

       
      1. Oui ! Et une chance qu’il y en a pour dénoncer ces faits !
        Et je n’avais pas penser aux compagnies pharmaceutiques, c’est vrai qu’eux s’en mettent pleins les poches au dépend de la population qui pense se soigner en achetant leur médicament… 🙁

         
  2. Pattenrond

    Comme l’à dit Ursuline se sont des médecins, et en plus des gastro entérologue si mes souvenirs sont bons.

    Est ce que vous feriez confiance à votre pharmacien pour vous opérer? J’en doute. alors pourquoi l’inverse? Ils ont créés ce livre car ils savaient que ça ferait vendre.

    J’ai plusieurs professeurs qui sont pharmacien, dont une prof directrice de l’ANSM de ma région, et à moins qu’ils soient tous pourris ils dénoncent ce livre qui ne fait que cracher sans toujours (loin de là) dire des choses vraies.

    « Cependant, après celles-ci, des pilules de 3e et de 4e génération sont apparues sur le marché, possédant la même efficacité, mais avec beaucoup plus d’effets secondaires : comment ces pilules, pas plus efficaces que les précédentes, mais plus dangereuses, ont malgré tout été autorisées à la vente ? »

    – Tout simplement parce que ces pilules sont utiles dans certains cas, et qu’il est bien demander aux gynécos d’évaluer les facteurs de risques. De plus les effets rares sont difficile à déterminer avant la phase de mise sur le marché. C’est pourquoi l’ANSM existe, elle a pour but de recenser les effets secondaire, de faire des études épidémiologique. Les risques sont connus, et comme pour tout médoc il faut faire la balance bénéfice risque. L’autorisation de mise sur le marché est donnée pour 5 ans avant d’être réévaluer à fond pour tous les médicaments.

    Et pour les perspectives données par le livre elles sont déjà étudiées voir en cours.

    Il vaudrait mieux s’inquiéter du fait qu’il n’y a plus de recherche sur les antibios, et que d’ici aller 10 ans on risque de bien le sentir passer.

     

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut