Les fermes à sang : des élevages de juments honteux

Jument élevée dans une ferme à sang pour l'hormone eCG
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Deux associations, la suisse TSB et l’allemande AWF, ont enquêté entre 2015 et 2017 sur les conditions d’élevage dans les fermes produisant l’hormone eCG en Amérique du Sud et ont révélé des conditions de vie abominables. Le scandale de maltraitance équine a été relayé fin 2017 par l’association Welfarm en France, mais rien ne semble avoir changé depuis… Revenons sur l’hormone produite dans ces élevages, les conditions de vie des animaux et les réactions attendues.

Remarque : les propos de l’article peuvent toucher certaines sensibilités en matière de souffrance animale et d’avortement.

Un élevage de juments pour produire l’hormone eCG

Les élevages de juments dénoncés par les associations sont utilisés pour produire une hormone appelée gonadotrophine chorionique équine (eCG) et sont surtout localisés en Amérique du Sud (essentiellement en Argentine et en Uruguay), bien que quelques autres élevages existent ailleurs dans le monde (en Islande par exemple). Cette hormone sécrétée par les juments gestantes est présente dans le sang des animaux et des prélèvements de sang sont nécessaires pour la récupérer, d’où le surnom donné à ces élevages : les fermes à sang.

Cette hormone est utilisée par les laboratoires pharmaceutiques qui la transforment en un médicament vétérinaire servant à déclencher et à synchroniser les chaleurs de divers animaux, à augmenter la fréquence des ovulations et à traiter la stérilité. Elle est ainsi utilisée dans beaucoup d’élevages de vaches, de moutons et de truies pour grouper les inséminations et ainsi augmenter la rentabilité. Dans les élevages de brebis et de chèvres, elle permet de s’assurer d’une production de lait toute l’année.

L’hormone eCG est ainsi importée en Europe et même en France par les laboratoires qui la transforment pour l’intégrer dans leurs produits. L’une des sociétés qui en exporte, Syntex, a déclaré avoir exporté environ 1,295 kg de cette hormone vers la France entre janvier et mai 2017. La demande française est d’ailleurs en très nette hausse : la branche argentine de Syntex a réalisé un chiffre d’affaire en France de 3,3 millions de dollars en 2016 et de 6 millions de dollars en 2017, soit près de 50 % d’augmentation. L’hormone eCG est vendue 1 million de dollars les 100 g et a donc un poids économique important depuis une trentaine d’années.

Des conditions d’élevage inadmissibles

Les associations qui ont enquêté sur ces élevages ont pu visiter cinq fermes sud-américaines et estiment qu’il y a au total environ 10 000 juments dans ce type d’élevage aux conditions de vie inadmissibles.

Plusieurs vidéos tournées sur place montrent que les juments sont fréquemment battues avec des fouets, des bâtons et même des aiguillons électriques pour qu’elles entrent dans les box de prélèvement ou qu’elles ne bougent pas lorsqu’elles y sont. Les animaux présentent des plaies sur le corps, mais aussi sur les organes génitaux, qui sont souvent la cible des coups malgré l’état gestant des juments.

Les problèmes de santé ne s’arrêtent pas là, puisque beaucoup de chevaux présentent des problèmes suite aux prélèvements de sang. En effet, la période de production et de collecte de l’hormone eCG est courte (environ 11 semaines, du deuxième au quatrième mois), donc les juments sont soumises à un rythme de saignées très soutenu : un à deux prélèvements par semaine, réalisé à l’aide d’une canule enfoncée dans la jugulaire par les fermiers, sans intervention d’un vétérinaire. La quantité de sang collecté est aussi très importante puisqu’elle peut aller jusqu’à 10 L en environ 10 minutes, soit environ un tiers de son sang. Cela correspondrait à 1,5 L pour un homme de 80 kg, sachant que lors d’un don de sang, environ 0,48 L sont prélevés). Tout cela peut provoquer une baisse du volume sanguin, une anémie, un affaiblissement général, une diminution de performance du système immunitaire et dans les cas les plus graves la mort.

La production de l’hormone eCG augmente progressivement en début de gestation et s’arrête après 4 mois. Ainsi, pour maximiser le rendement des fermes, les éleveurs ne laissent pas la gestation se poursuivre normalement et se terminer après 11 mois par le poulinage : ils avortent systématiquement les juments après la campagne de collecte et les remettent au pré jusqu’à ce qu’elles puissent débuter une nouvelle gestation. Cela peut déjà sembler inhumain, mais les conditions dans lesquelles c’est fait le sont encore plus : de façon manuelle, sans aucune anesthésie, en perçant simplement la poche des eaux, ce qui fait perdre le poulain. Avec cette méthode, la jument peut produire l’hormone eCG deux fois par an.

Les vétérinaires ne sont pas impliqués dans les actes médicaux que sont les prélèvements sanguins ou encore l’avortement, donc c’est sans surprise qu’on imagine qu’ils ne sont pas non plus appelés pour les soins divers. C’est ainsi que des juments évoluent avec des plaies ouvertes, des infections, des fractures…

Les vidéos montrent aussi que les juments sont souvent très amaigries, car leur alimentation n’est pas adaptée. Elles vivent dans de grands prés toute l’année, loin de toute surveillance, et ne sont approchées que lorsqu’elles produisent l’hormone eCG. L’herbe n’a pas le temps de pousser, elle y est rase et les juments n’ont pas ou très peu de compléments alimentaires. Les lieux de vie sont peu entretenus et des cadavres de juments ou de poulains avortés sont retrouvés régulièrement sur le sol.

Les conditions d’élevage étant très dures, de nombreuses juments en meurent. Les associations estiment qu’environ 30 % d’entre elles décèdent chaque année. Pour celles qui survivent, elles sont gardées au sein de la ferme maximum quatre ans puis sont envoyées à l’abattoir pour leur viande, dont une partie se retrouve sur le marché français. En effet, les juments sont alors épuisées et les avortements multiples les rendent stériles.7Jument élevée dans une ferme à sang pour l'hormone eCG

Des réactions qui se font attendre

La réglementation européenne est très stricte concernant l’importation de sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine, comme c’est le cas pour l’hormone eCG. Elle exige ainsi qu’un vétérinaire surveille l’état de santé des animaux pendant les trois mois précédant les prélèvements sanguins. En voyant les conditions de vie de ces juments, il est fort probable qu’aucun vétérinaire n’intervienne pour surveiller leur santé comme l’exige la loi.

Plusieurs pétitions ont été lancées pour attirer l’attention des laboratoires pharmaceutiques sur les pratiques de leurs fournisseurs. L’une d’elles a recueilli 326 000 signatures en 2016 et a poussé l’industriel MSD Santé animale à stopper toute relation avec ses partenaires d’Amérique du Sud. Une autre pétition demande même d’interdire l’importation d’eCG et a recueilli plus de 1,9 millions de signatures.

La situation est connue depuis longtemps, puisqu’en mars 2016, le Parlement européen a publié un amendement statuant sur la non-conformité de la production de l’hormone eCG en Argentine et en Uruguay vis-à-vis des règlementations de protection animale, mais c’est le Conseil de l’Union européenne qui doit maintenant agir.

Actuellement, seules des initiatives isolées permettent de limiter l’utilisation de produits contenant l’hormone eCG et de faire pression sur les laboratoires pharmaceutiques et leurs fournisseurs. Ainsi, en Suisse par exemple, de nombreux vétérinaires ont appelé les éleveurs à ne plus utiliser ces produits, ce qui a réduit leur utilisation de 80 %, en privilégiant une autre combinaison hormonale.

Peu d’alternatives existent cependant aujourd’hui. Une molécule synthétique développée par l’INRA a donné des résultats intéressants chez la chèvre et la brebis, mais elle est encore loin d’être mise sur le marché, car cela demanderait un investissement financier très important de la part des industriels.

Ces élevages sud-américains produisant l’hormone eCG ne respectent donc pas le bien-être animal en infligeant à leurs juments des conditions de vie et des traitements horribles. Malgré les campagnes de sensibilisation lancées par les associations, rien n’a bougé depuis bientôt un an. Aviez-vous déjà entendu parler de ces fermes à sang ? Comment la situation peut-elle évoluer selon vous ? N’hésitez pas à partager votre ressenti dans un commentaire.

Ursuline

Sources texte :

 – clicanimaux.com

 – liberation.fr

 – sciencesetavenir.fr

 – welfarm.fr

Sources images :

 – Image extraite de cette vidéo

1 réflexion sur “Les fermes à sang : des élevages de juments honteux”

  1. La situation est tout simplement cruel, inhumain il faut qu`on fasse quelques chose,une pétition car c est horrible!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

     

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