L’art de parler québécois : leçon #1

Art de parler québécois
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Art de parler québécois

Ce week-end aura lieu la fête de la Saint-Jean-Baptiste. Fête d’origine catholique, le 24 juin est célébré dans de nombreux pays et il serait intéressant de nous pencher un peu plus sur cette fête historique. Cependant, la même journée, un autre évènement de taille s’impose : la fête nationale du Québec. Rituels et célébrations se côtoient dans la belle Province pendant le week-end alors que le drapeau québécois est à l’honneur. Autre partie intégrante de l’identité québécoise : la langue française. Cette dernière, après plusieurs siècles passés en Amérique, a évolué séparément de sa cousine en Europe : c’est ce qu’on peut aujourd’hui qualifier de français québécois. Vous ne le comprenez pas ? On dirait du Chinois ? Je vous propose de vous démêler un peu en vous apprenant quelques bases et expressions que le Québécois utilise quotidiennement. Cependant, pour l’accent, il va falloir apprendre à l’aimer, puisque je n’y peux strictement rien !

 

Commençons par les expressions qui seraient susceptibles de vous offenser si vous n’êtes pas dans la confidence. Imaginez : vous êtes une femme brune et vous rencontrez un Québécois. Il correspond en tout point à ce que vous recherchez. Vous commencez donc à le fréquenter et tout va bien, jusqu’au moment où vous surprenez une conversation où il parle de sa « blonde ». Ne vous énervez pas tout de suite ! Non, il ne parle probablement pas d’une autre femme aux cheveux blonds. Non, il ne souffre sûrement pas de daltonisme sévère. C’est tout simplement l’expression qui désigne une amoureuse au Québec. Bien que les origines ne soient pas très claires, il est supposé que cela vient du vieux français, comme beaucoup d’autres expressions québécoises.

 

D’autre part, il se peut aussi que vos connaissances de la région vous donnent un petit surnom (trèèèèès affectueux, vous verrez) si vous êtes du genre intellectuel et brillant. Si quelqu’un vous lance un « bolé(e) », ne vous jetez pas sur cette personne. Le mot n’a rien à voir avec un quelconque bol, rassurez-vous. En fait, vous venez tout juste de vous faire gravement insulter – si on considère bien sûr qu’être « intelligent » est un défaut majeur. Bien entendu, quand quelqu’un vous surnomme de cette manière, ce n’est généralement pas pour vous complimenter, mais pour exprimer sa frustration face à votre génie. N’y voyez que la gentillesse, et laissez tomber cette jalousie vaine !

 

En cette fête nationale du Québec, plongeons-nous un peu plus dans les expressions héritées du vieux français qui sont encore célèbres dans la belle province. On dit souvent que lorsqu’un Québécois parle, il raconte un peu l’histoire de son pays. Pourquoi ? Parce que nombre d’expressions sont héritées de nos ancêtres. Au fil de l’occupation française, puis de l’occupation britannique, le français du Québec a évolué indépendamment de celui de sa première métropole, réunissant divers patois et anglicismes qui ont dessiné les bases de ce que le Québécois est aujourd’hui. Notons que parfois, on peut observer des traces de paresse flagrantes dans certaines des expressions typiques comme « asteur » (à cette heure) ou « pantoute » (pas du tout). Nous, Québécois, somme prêts à tout pour économiser quelques syllabes ! Pourtant, il ne faut pas toujours se fier aux apparences, car une toute autre expression, comme « se tirer une bûche » (se prendre une chaise), pourrait témoigner de notre force phénoménale ! Sachant que cette expression n’en était même pas une à la base, car il est vrai que les moins riches se servaient autrefois de bûches pour remplacer les chaises, entendons-nous pour dire que les Québécois sont plein de contradictions !

 

Vous n’en avez pas assez ? Oui, le Québécois, c’est tellement joli, tellement noble… Je sais, vous enviez notre accent d’aristocrate et nos expressions distinguées comme lorsqu’on trouve une culotte par terre et qu’on demande si quelqu’un a perdu ses « bobettes »… Que vous êtes jaloux de notre langage si terre-à-terre quand, l’été, par temps de grandes chaleurs, nous renions le débardeur et enfilons plutôt une « camisole »… Je sais que vous êtes un Québécois dans vos rêves les plus fous, des rêves de « flots », ou d’« enfants » si vous préférez (mais surtout pas de « gosses », car le mot n’a pas du tout la même signification au Québec qu’en France, je vous averti). Je sais également qu’en ce moment, avec tous mes « je sais », je vous « achale » et que vous aimeriez bien me faire « bêcher » dans un escalier, question que je me brise éventuellement la nuque… Méchant petit Européen ! Pas de discrimination, je vous en prie ! Par contre, le Québécois n’étant pas toujours gentil lui non plus, il sait être insultant quand on lui en donne l’opportunité. Par exemple, lorsqu’une personne a les oreilles décollées, on peut dire qu’elle a les oreilles « en porte de grange ». Sympathique, non ?

 

Mal à la tête ? Oh là là, il va falloir travailler votre endurance, car vous n’avez encore rien vu, vous, de l’autre côté de l’océan. Ne faites pas la « baboune » : souriez, plutôt ! La vie est belle, tout va bien ! Personne n’aime les « casseux de party » après tout…

 

Au Québec, comme partout ailleurs dans le monde, il ne fait pas toujours beau. C’est l’occasion idéale pour ses habitants de faire preuve d’imagination. Comme Gad Elmaleh le dit si bien, notre entreprise des lettres recyclées des mots qu’on ne prononce pas jusqu’au bout a décidé de donner un peu de caractère au mot passablement terne qu’est « frais ». De ce fait, au Québec, il ne fait jamais frais : il fait « frette » ! L’entreprise avait d’ailleurs trop de lettres en stock : pour s’en débarrasser, elle a offert une nouvelle expression à nos esprits indépendants : il « mouille ». Ne me regardez pas comme ça, ça veut tout simplement dire « il pleut » ! Finalement, comme nous vénérons le climat qui nous offre chaque année engelures, piqûres de moustiques, coups de soleil et rhumes, nous leur avons attribué un rôle bien précis : le « gelé », celui de qualifier une personne sous l’effet de la drogue, et à « chaud », celui de désigner une personne saoule. Si en plus vous avez un petit surplus de poids, le Québécois l’identifiera comme étant une « bedaine de bière ». Troquez la bouteille contre le sport, c’est meilleur pour la santé ! Et ce conseil vaut aussi pour les autres habitants de la belle Province : la Saint-Jean, en bonne fête qu’elle est, est souvent (pour ne pas dire toujours) synonyme de consommation…

 

Si la consommation d’alcool doit être bien gérée, vous pouvez toutefois vous servir à volonté des expressions québécoises ! Jusqu’à plus soif, et bien au-delà même !

 

– « Broche à foin » s’utilise pour désigner quelque chose qui a été bâclé, improvisé. L’origine de cette expression remonte au temps où les agriculteurs les plus pauvres employaient la broche à foin pour attacher leurs balles de foin ; la corde cassant après très peu de temps, il fallait refaire le travail encore et encore.

 

– Vous l’avez sûrement souvent vu utiliser par les Québécois du forum de MonChval : « quétaine » ! Afin que vous puissiez être dans la confidence, « quétaine » est tout simplement un synonyme de « ringard ». Ce n’était pas si compliqué, si ?

 

– On ne les aime pas, par chez nous, les « two faces » ! On pourrait traduire littéralement l’expression par « deux-faces », mais au cas où cette précision ne vous avancerait à rien, le sens d’« hypocrite » pourrait également s’y appliquer.

 

– « Change de disque ! » qu’on lancerait à un ami qui se la joue perroquet. Un peu comme un CD qu’on fait rejouer encore et encore… Ou une cassette, car la variante existe, elle aussi : « change de cassette ! ».

 

– « Donner un lift ou une ride » : vive les anglicismes ! Cela signifie simplement qu’on fournit un moyen de transport à une personne. Par exemple, si un ami vous embarque dans sa voiture, il vous donne un lift !

 

– Quelque chose qu’un Québécois a « en masse », c’est quelque chose qu’il a juste assez ou en trop grande quantité. Si vous demandez a un Québécois de vous donner, disons, un crayon et qu’il vous répond : « oui oui, pas de problème, j’en ai en masse ! », c’est qu’il en a beaucoup. Si à l’inverse, vous lui proposez un crayon et qu’il répond : « ça va, j’en ai en masse », c’est qu’il en a suffisamment.

 

Votre cerveau est en bouillie ? D’accord, épargnons-le un peu, je vous laisse le temps d’assimiler tout ce que vous avez appris aujourd’hui et je vous dis « à demain », pour la seconde leçon de « comment comprendre le Québécois » ! Bon week-end de la fête nationale du Québec également, en espérant que, même de l’autre côté de l’océan, vous voudrez bien partager avec nous nos festivités !

Jorkane

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7 réflexions sur “L’art de parler québécois : leçon #1”

  1. Pattenrond

    Très bel article, très intéressant :). Il y a tout de même plusieurs expressions qui existent aussi en France ^^.

     
  2. C’est normal ! Comme je dis dans l’article, bcp de nos expressions viennent de patois originaires de France. :p

     
  3. Mais, mais… Il fallait mettre le fameux « De ‘Quessé ? » ! 🙁
    Sinon, aussi surprenant que cela puisse paraître, tu m’as appris des expressions.

     
    1. Oui mais c’est parce que toi t’es un faux québécois. 🙁

      Non plus sérieusement, ça m’étonne pas : y’a souvent des expressions qui sont de régions et qu’on ne retrouve pas partout. ^^

      Pour le « De ‘Quessé ? », sorry, y’en a plein que j’ai pas mis mais on a un vocabulaire trop riche, un article ne suffit pas (pas même trois !)

       
  4. Ah merci pour cet article, c’est vrai que parfois c’est un peu difficile de comprendre certaines expressions (parfois il y a le contexte qui aide, mais d’autres fois non – j’imagine bien le truc pour la blonde haha)! Style bien dynamique, très agréable à lire, merci!

     

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