L’azuré de la sanguisorbe (Maculinea teleius)

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En France métropolitaine, il existe environ 260 espèces de papillons de jour. Elles sont réparties dans 5 grandes familles différentes dont font partie les Lycaenidae, plus couramment appelés les lycènes, les azurés ou encore, les petits bleus ! Mais qui sont-ils vraiment ?

50 nuances de bleu

papillon azuré de la sanguisorbe

Ce sont tous ces petits papillons qui laissent apparaître de superbes couleurs bleu-violet lorsqu’ils ouvrent leurs ailes en direction du soleil. Lorsque vous verrez un tel insecte dans votre jardin ou lors d’une promenade, vous pourrez sans trop vous tromper dire “Tiens, un azuré !”.

Mais attention, il est très difficile d’aller plus loin. En effet, il existe près de 50 espèces différentes parmi tous ces petits bleus. Et chez la plupart d’entre eux, le dessus (lorsque le papillon a les ailes ouvertes) des mâles est bleu, alors que celui des femelles est brun ! C’est ce que l’on appelle le dimorphisme sexuel (lorsqu’il existe une grande différence entre les mâles et les femelles).

La chenille et la fourmi

Ces papillons ont une vie pour le moins originale. Tout le monde sait qu’avant d’être papillon volant et butinant, ce bel insecte est chenille, rampante et dévorante. Cette dernière possède un capital sympathie bien moins fort que sa version ailée adulte. Néanmoins, gardons toujours en tête qu’il n’y a pas de papillons sans chenilles ! Mais en quoi la vie de la chenille des azurés est-elle originale ?

Presque toutes les chenilles de lycènes sont élevées par des fourmis ! Ces dernières soignent et protègent la larve étrangère en échange d’une sécrétion sucrée dont elles raffolent, le miellat. Si, pour la majeure partie des espèces, la présence des fourmis n’est pas indispensable, elle l’est pour 5 espèces protégées en France appartenant toutes au même genre, celui des Maculinea (= Phengaris).

la femelle pond son oeuf sur une plante

Notre azuré de la sanguisorbe (Maculinea teleius) fait donc partie de ces espèces pour lesquelles les fourmis sont véritablement indispensables. Tout commence par un œuf. Un œuf minuscule qui aura été déposé par la femelle en juillet-août sur la fleur d’une plante unique qui aime pousser les pieds dans l’eau (prairies et fossés humides, marais), la Grande sanguisorbe ou Grande pimprenelle (Sanguisorba officinalis). La femelle n’a pas le droit à l’erreur. Il faut impérativement qu’elle choisisse la bonne plante (à l’aide de ses antennes et de ses premières pattes avant), sans quoi la future chenille sera condamnée à mourir de faim. Vous l’aurez compris, avant même son éclosion, elle a de grandes exigences!  Durant sa courte existence (quelques jours seulement), elle va ainsi distribuer sa réserve d’œufs en prenant soin de n’en déposer qu’un par fleur afin d’assurer à sa descendance un maximum de réserve alimentaire.

Une fois sortie de son œuf, la minuscule larve va se nourrir de la fleur de sa plante hôte, la Grande sanguisorbe. À force de manger, la petite chenille va grandir. Tellement grandir, qu’au bout d’un moment, sa peau sera trop petite. Il faudra donc qu’elle la change ! C’est ce que l’on appelle la mue. Avant d’atteindre son dernier stade de développement, les chenilles subissent entre quatre et cinq mues. Lorsqu’elle aura bien grandi et changé de peau plusieurs fois, notre chenille va arrêter de manger la fleur sur laquelle elle est née. Elle va se laisser tomber au sol, et se mettre à parler un langage très particulier, elle va parler fourmi ! Mais attention, elle ne parle pas le langage de n’importe quelle fourmi, elle discute uniquement avec celles appartenant à l’espèce Myrmica scabrinodis, une minuscule fourmi de couleur orange. Lorsqu’une fourmi entend l’appel de la chenille, elle va la prendre en charge et la guider jusqu’à l’intérieur de la fourmilière. Elle ira même jusqu’à l’installer confortablement parmi les larves de sa propre espèce, dans la pouponnière ! Et voilà que notre ingrate chenille va alors changer de régime alimentaire et devenir carnivore. Elle finira donc de grandir en dévorant le couvain de ses hôtes. En échange, elle produira un peu de miellat, ce qui empêchera les fourmis d’avoir un esprit de vengeance. Durant tout ce temps, la larve du papillon continuera à parler le même langage que les fourmis en utilisant les mêmes ultrasons et ira même jusqu’à produire les mêmes phéromones ! En d’autres termes, elle fait tout pour essayer de ressembler à une fourmi !

Une fois sa croissance terminée, notre chenille grassouillette va devoir changer de peau une toute dernière fois. Et dessous, une nouvelle peau apparaîtra. Elle sera complètement différente des précédentes et ne sera plus qu’une sorte d’enveloppe que l’on va appeler la chrysalide. C’est à l’intérieur de cette chrysalide que va se produire ce que l’on appelle la métamorphose, c’est-à-dire la transformation de la chenille en papillon. Dans le cas de l’azuré de la sanguisorbe, la chrysalide passera tout l’hiver tranquillement installée dans la fourmilière.

Au mois de juillet suivant la ponte de l’œuf, un nouveau papillon sortira de la chrysalide et devra trouver la sortie de la fourmilière afin de finir de développer ses ailes au grand air. Une fois que ses ailes seront utilisables, le papillon adulte, appelé imago, prendra son premier bain de soleil, puis s’envolera pour aller butiner le nectar de la Grande sanguisorbe. Mâle et femelle se rencontreront pour s’accoupler afin de recommencer un nouveau cycle de vie.

azuré de la sanguisorbe

Le prix fort à payer quand on est exigent

Vous l’aurez compris, il s’agit d’un papillon extrêmement fragile. Pour vivre, il a non seulement besoin d’une plante particulière, mais également d’une espèce de fourmi hôte. Ces trois espèces se rencontrent dans des habitats également particuliers, les zones humides (marais, fossés humides). Ces milieux, d’une grande fragilité, sont en voie de disparition en France et font partie des habitats les plus menacés (assèchement, urbanisation, agriculture, etc.). C’est pourquoi l’azuré de la sanguisorbe figure parmi les quelques papillons qui sont protégés par la loi à l’échelle de la France et de l’Europe. Il fait actuellement partie des insectes les plus menacés et bénéficie d’un programme particulier de conservation.

Si vous pensez avoir déjà croisé ce papillon lors d’une promenade, n’hésitez pas à partager cette information en laissant un petit commentaire !

Dark*Shadow

Sources texte :

Sources personnelles

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4 réflexions sur “L’azuré de la sanguisorbe (Maculinea teleius)”

  1. Un magnifique article ! (la première photo est particulièrement réussie ! 😎 ) J’ai appris beaucoup de chose sur cette espèce que je ne connaissais pas, j’espère que ce magnifique papillon ne disparaîtra pas ! :'(

     
  2. Ce papillon est vraiment superbe, merci beaucoup pour cet article ! Effectivement, il a une vie plutôt originale !

     
  3. Je ne me suis jamais réellement intéressée aux papillons et à leur cycle, je découvre totalement ! J’aime beaucoup la façon dont tu l’écris, comme si tu racontais une histoire à un enfant. C’est fascinant de voir qu’une chenille sans défense arrive à survivre si « facilement » dans la fourmilière, « tends la main, on te prend le bras ». Vraiment dommage que de si belles choses disparaissent petit à petit…

     
  4. Très bon article !
    Pour ceux que ça intéresse, j’ai un site web consacré aux papillons où vous trouverez un blog ainsi qu’une boutique proposant des produits à l’effigie du papillon !

     

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