Venez découvrir l’histoire d’Australe, une superbe jument, trait bretonne, racontée par Australe (sa propriétaire) !
Australe : une naissance pas comme les autres
L’histoire d’Australe commence en juin 2010. J’avais 18 ans et j’étais alors en stage pour mon BTS dans une exploitation agricole biologique qui élevait des juments laitières en Normandie. Au bout de deux semaines de stage, je vis arriver un matin un petit poulain adorable provenant d’un élevage voisin. Cette pouliche, car c’était une fille, était née dans la nuit du 25 juin et avait été séparée de sa maman. Cette dernière avait pour rôle d’adopter un poulain de valeur. La demoiselle, de race bretonne, avait une belle robe alezan clair avec quatre balzanes à différentes hauteurs, allant du boulet sur les antérieurs jusqu’au jarret sur les postérieurs. Une belle liste blanche traçait la route de son front jusqu’à son menton. Elle faisait partie des chevaux qui, selon l’expression consacrée, « boivent dans leur blanc ».
Elle marchait avec précaution, encore frêle sur ses jambes de bébé. Elle fut mise dans une grande case, à côté de la jument qui devait l’adopter, une grande percheronne, réputée très maternelle, dont nous avions stimulé la production de lait par des méthodes homéopathiques. La pouliche devait recevoir un biberon de lait toutes les heures en attendant que sa nouvelle maman l’accepte. En tant que stagiaire, ce fut mon rôle. Je m’armai donc du biberon plein de lait de jument et entrai dans la case. La petite pouliche vint tout de suite vers moi et chercha directement la tétine. Je lui tendis, et elle but vigoureusement son lait. C’était un moment magique et adorable. Je passais ma main dans sa crinière toute petite et sur son dos que je grattouillais.
Dans la journée, nous avons tenté de faire accepter la pouliche par la jument. Malheureusement, ça ne s’est pas bien passé du tout : la jument refusait obstinément de se laisser approcher par ce bébé et menaçait de botter. Nous avons dû abandonner pour le reste de la journée et nous nous sommes organisés pour nous relayer la nuit afin de donner le biberon. Le lendemain, face à un nouveau refus de la jument, une idée nous vint. Si elle ne voulait pas de cette pouliche, c’était inutile d’insister. Deux jours plus tôt, une jument ardennaise nommée Radieuse avait perdu son poulain. Depuis, elle appelait dans le pré, traumatisée. Nous décidâmes de réunir la jument malheureuse et la pouliche orpheline. À peine la jument entrée dans la case, elle accepta aussitôt la pouliche. Cette dernière eut enfin le plaisir de téter une maman. Je ne retournai plus dans la case pour donner le biberon, mais il m’arriva d’aller simplement caresser la pouliche ou de jouer avec elle.
Vous avez compris, j’étais tombée éperdument amoureuse de cette boule de poils. Qui n’aurait pas succombé à son charme ?
Australe bébé
Radieuse, la jument adoptante
Australe : comment oublier cette petite bête si mignonne ? On ne peut pas !
Mon stage ne dura que trois semaines, dont une seulement passée avec cette petite boule de poils. Je rentrai chez moi et repris le cours de ma vie. Cependant, je ne pus oublier ce cheval, et une idée folle apparut : si je l’achetais ? Si elle devenait « mon » cheval ? J’avais toujours rêvé de posséder mon propre cheval et je montais en club depuis une douzaine d’années déjà, mais mes parents n’avaient jamais accepté de m’offrir un cheval, trop coûteux quand on habite en région parisienne. Et puis, que ferais-je d’un cheval de trait, moi qui n’y connaissais rien en attelage ?
Malgré des doutes, des incertitudes et un tas de questions, cette idée perdura jusqu’au mois d’octobre, où je commençai à en parler sérieusement avec mes parents. Contrairement à mes craintes, ils étaient plutôt favorables : j’avais obtenu mon permis de conduire, ils m’avaient confié la voiture familiale et je faisais mes études dans une région agricole. Je re-contactai mes anciens maîtres de stage au sujet de la pouliche. J’appris qu’elle avait en fait une robe aubère, c’est-à-dire que des poils blancs étaient apparus parmi les poils marron, et qu’elle s’appelait Australe. Ce nom me plut tout de suite. Je retournai la voir le 13 novembre avec mes parents. Australe n’était pas farouche du tout et se laissa caresser. Elle n’eut aucun geste de peur ou d’agressivité. Seulement de la curiosité envers ces humains qui venaient la voir. Ses propriétaires me dirent qu’elle ne posait jamais de problème, qu’elle était adorable et qu’ils acceptaient de la vendre.
C’est ainsi qu’Australe devint mon cheval le 26 novembre 2010 à l’âge de 5 mois seulement. Je lui trouvais une pension sérieuse et agréable près de mon lieu d’étude, et elle voyagea sans problème. La séparation de sa maman fut assez brutale et Australe passa ses deux premiers jours à hennir en arpentant le pré.
Australe : édu… quoi ? Éducation ? Connais pas…
Mes études me laissaient le temps de voir mon poulain assez régulièrement. Les premiers jours, je me contentais de la suivre dans le pré, de la photographier (flou et loin !), de la caresser. J’effectuai son premier véritable pansage sans qu’elle ne bronche. Hiver oblige, je la brossais de plus en plus souvent. Bon j’avoue, ça n’avait aucun intérêt sanitaire, c’était par pur plaisir esthétique. Je n’aime pas le look poney sauvage, Australe est mieux en mode « je suis propre et j’ai l’air éduquée ». Parfois, elle arrêtait même de brouter pour apprécier le massage ainsi procuré, ce qui relève d’un exploit connaissant l’appétit féroce de la bêbête (200 kg tout en muscles, ça en fait de l’herbe à ingérer !).
L’un des premiers apprentissages fut d’ailleurs de marcher à la longe sans s’arrêter pour brouter toutes les 30 secondes. Cela prit du temps. Je revois encore la tête d’Australe quand je lui saisissais le toupet pour l’empêcher de brouter. Le regard de tueuse ! Ça arrivait tout le temps, mais ça me fait encore rire !
Après la marche en avant vint l’autre possibilité… La marche en arrière ! Australe connaissait déjà vaguement le principe. Il fallait s’arc-bouter contre ce placide et robuste « petit » cheval de presque 250 kg pour obtenir qu’elle recule de quelques pas ; là, vous m’imaginez aisément poussant de toutes mes faibles forces contre le poitrail musclé d’un poulain qui ne bouge pas d’un poil !. Heureusement, en matière d’éducation, rien n’est impossible avec de la patience et du temps. J’ai pratiqué la méthode dite éthologique, remixée à ma sauce, pour lui apprendre à reculer. Le principe est de demander avec de plus en plus de force, quitte à bousculer franchement (parfois le bourrin n’est pas celui qu’on croit !) et récompenser dès que j’obtiens une réponse positive. Petit à petit, la demande est de plus en plus légère. Désormais un ordre vocal associé à petite tape, bien légère, sur l’épaule suffit à enclencher la marche arrière, avec une petite aide en tirant sur la longe vers l’arrière.
Ceux qui n’ont connu que des chevaux dans le sang ne savent peut-être pas quelle est la principale difficulté quand on se trouve face une grosse mémère tranquille. Contrairement aux chevaux sensibles qu’il faut ménager et désensibiliser à tout ce que vous croisez, les chevaux de trait, surtout s’ils vous connaissent bien, sont un peu « bourrins ». Le poids n’est pas que dans la tête. Il faut vraiment insister pour déplacer un cheval lourd au début de son éducation. Mais comme je vous le disais, avec du temps, on y arrive. Australe est maintenant capable de me suivre, d’avancer ou de reculer, sans faire son gros bourrin brut de décoffrage. Si vous avez un poulain un jour, retenez bien de ne JAMAIS vous laisser bousculer. Surtout s’il doit peser 800 kg à l’âge adulte (ce conseil reste valable pour tous les poids et toutes les tailles).
J’ai eu la chance de m’occuper d’Australe très jeune et très régulièrement. Je l’ai habituée à ma façon d’être et je me suis également adaptée à elle. Mon caractère très tranquille lui correspond parfaitement. Je lui ai appris d’autres exercices utiles dans sa future vie de cheval monté : déplacement des épaules (un peu dur), déplacement des hanches (plus facile déjà !), cession de la nuque vers le bas. Pour le dernier, le principe a été difficile à saisir : Australe gardait la tête à la même hauteur tandis que je mettais tout mon poids sur la longe pour l’entraîner vers le bas. Un cheval plus sensible aurait peut-être réfléchi au fait que son confort se trouvait potentiellement dans une autre position. Mais les chevaux de trait ont plus de force et ont tendance à résister à la pression plus longtemps. Australe a fini par céder une fois, deux fois, puis elle a compris le principe. Un jour, je lui ai demandé de baisser la tête alors que nous étions au pré. Le fait de céder pour trouver de l’herbe fut un excellent renforcement positif et, après quoi, lui faire baisser la tête devint beaucoup plus facile !
Australe : c’est dur de devenir un cheval éduqué
Le chemin qui mène le poulain vers le cheval éduqué est plus long et compliqué qu’on ne pense. On a l’impression d’avoir un animal à l’écoute, qui suit quand on l’emmène en longe , mais en fait, il se permet de vous dépasser quand vous vous arrêtez ! Honteux écart du droit chemin ! Ne laissez pas votre cheval faire ça : quand vous vous arrêtez, il doit s’arrêter de lui-même, et non pas continuer sa route le nez en l’air, rêveur. Une petite séance d’explications fut nécessaire à Australe quand je m’aperçus qu’elle ne respectait pas les arrêts. Et pourtant, ça fait partie du respect. Après ça, mon brave poulain est devenu plus attentif à mes déplacements au point de marcher, de tourner et de s’arrêter sans intervention sur la longe. Un petit rappel s’avère utile de temps en temps, histoire de ne pas perdre les bonnes manières.
Un autre point important que je n’ai pas encore abordé est d’apprendre à donner ses pieds. Ça m’a pris beaucoup de temps. Je pense que l’élément déterminant pour intégrer cet exercice est la répétition. Demander le pied, lever le pied, autoriser à le reposer. Recommencer avec chaque pied, chaque jour. Garder le pied un peu plus longtemps à chaque fois. L’obstination a été payante avec Australe ; il faut dire que ce n’était pas gagné au début. Encore une fois, si vous avez un poulain, profitez-en quand il est petit ! Soulever son pied est beaucoup plus facile quand il est bébé que lorsqu’il est adulte, et c’est d’autant plus vrai pour les chevaux dits lourds qui portent bien leur nom.
Je suis fière d’avoir appris ça à mon petit cheval, à force de lui curer les pieds tous les jours pendant des mois. Avouez que c’est plus agréable quand vous mettez à peine la main sur le canon et que le pied se lève déjà, plutôt que de pousser l’épaule ou la hanche en tirant sur les fanons.
J’ai appris avec Australe combien les chevaux étaient des animaux étonnants, capables de s’adapter aux humains de manière spectaculaire. Ma pouliche a désormais deux ans et c’est un animal adorable, toujours aussi gentil, très gourmand… en somme, génial ! Elle a appris à donner les pieds, à respecter l’humain, à pousser ses épaules et ses hanches, à marcher en décalant ses hanches, à céder dans la nuque. Elle progresse de jour en jour, et c’est un véritable bonheur de m’en occuper. Quand je pense qu’on me demande toujours « Un cheval de trait ?! Mais tu vas faire quoi avec ça? » lorsque je donne la race de mon cheval… Ce sera une monture de loisir et de randonnée, montée et pourquoi pas attelée, qui sait ?
Quand je vois toute la gentillesse, toute la générosité de cet animal… Pourquoi les chevaux de trait sont-ils mal considérés ? Il n’y a pas plus adorable compagnon équin. Et rustique avec ça. Il paraît qu’Australe a une corne très solide. Ça lui sera utile en promenade.
Mais d’ici là, le pré c’est bien aussi. De l’herbe, des copains, tout pour être un cheval heureux !
Australe à son deuxième hiver (décembre 2011)
Je n’ai jamais su à quoi ressemblait la véritable maman d’Australe, mais j’ai trouvé son papa sur internet. Cet étalon magnifique a transmis toutes ses qualités à son produit, sans aucun doute, ainsi que sa robe aubère très seyante !
Merci d’avoir suivi cette belle histoire !
j’adore ton histoire et la maman de austral est telle morte et quelle age a austral maintenant et austral a telle déjà pouliner
Non la maman d’Australe n’est pas morte. On lui a retiré son poulain pour qu’elle puisse adopter un poulain de sport (pour que a mère à lui ne mette pas sa carrière entre parenthèse à cause de la maternité). C’est un peu stupide dit comme ça (vu qu’on retire un poulain pour en mettre un autre, ça en fait toujours un à adopter), mais ça se fait. Australe a deux ans et demi, elle n’a jamais pouliné mais peut-être le fera-t-elle un jour, on verra où on en sera dans 3-4 ans. ^^
En tous cas, je lui choisirais un étalon de se race pour produire un petit pur Breton ! =D
Oh, je ne savais pas que la petite avait été retirée de sa mère … Je trouve ça honteux 🙁 J’ai connu un petit poulain qui était dans le même cas. Mais lui n’a jamais trouvé de maman de substitution 🙁
Très belle histoire en tout cas ! Je souhaite que ça continue encore trèèèès longtemps !
Elle a eu de la chance de te trouver ! C’est vraiment une jolie histoire !
Je vous souhaite tout plein de bonheur ! =D
Quelle histoire touchante et qu’elle belle rencontre, d’avoir mis ce bébé sur ton chemin dès son plus jeune âge! On voit qu’une belle relation a pu s’établir entre vous deux, et vous apporte beaucoup à toutes les deux, c’est superbe!
C’est vrai que les traits ne sont pas toujours acceptés à leur juste valeur! Je suis sûre que ta poulette te ravira dans le travail que vous ferez toutes les deux. Elle doit avoir un pied sûr, elle sera sûrement très agréable à monter/atteler en rando!
Ton histoire est magnifique ! Entre l’humour de tes propos et la sensibilité de l’histoire en elle même.
Je me suis régalée a la lecture ! Australe est magnifique, j’aime beaucoup les chevaux de trait, le côté massif et en même temps « grosse peluche ».
Merci pour ce bon moment que tu viens de me faire passer ! Et bonne suite avec ta jolie Australe.
Australe est magnifique et votre histoire est très touchante, longue vie à vous deux !