Reines de France

Détail du bassin de Latone à Versailles
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L’Histoire est tantôt juste, tantôt ingrate. Les croyances populaires ajoutées aux médisances des courtisans prennent parfois le pas sur la réalité, créant ou faisant perdurer jusqu’à nous une certaine image de nos Reines qui ne correspond pas à ce que ces femmes étaient réellement. Certaines d’entre elles portent des noms qui ont traversé le temps : Catherine de Médicis, Anne d’Autriche ou encore Isabeau de Bavière. D’autres ont été tellement effacées par leurs maris que l’Histoire a à peine retenu leur nom et pourtant, ces femmes ont toutes su, à leur manière, marquer leur époque de leur empreinte. Elles ont pour nom Maria Leczinska, Marie Thérèse d’Autriche ou Marguerite de France. Je vous propose donc une série d’articles consacrés à ces femmes d’exception, ces femmes qui ont façonné en bien ou en mal notre Histoire de France.

Détail du bassin de Latone à Versailles - © EPV/ Thomas Garnier

Qu’est-ce que qu’une reine de France ?

Mais avant de commencer cette série d’article, revenons sur la définition du mot « reine » et ce que ce titre impliquait à cette époque-là.

Voilà donc la question qui est posée : qu’est-ce qu’une reine ? Facile, me direz-vous, c’est l’épouse du roi. On définit donc une reine par rapport au statut de son mari. Pas très féministe comme approche ! Ce sens-là est le premier qui nous vient à l’esprit. Il montre combien nous sommes encore conditionnés par les lois ancestrales. Si je vous pose la question « qu’est-ce qu’un roi ? », avouez que la majorité d’entre nous pense d’abord à une définition telle que « c’est celui qui gouvernait jadis le royaume de France ». Le Roi a donc le droit d’être une entité propre, tandis que la Reine se place en retrait, masquée par l’autorité de son mari.

Portraits de rois et reines de France – Jean François Campion (1/11/2003)

Pourtant, si on en revient aux origines du mot et donc au latin, le mot « regina » désigne « une personne féminine détentrice d’un pouvoir monarchique ». Mais si la Reine avait quelques pouvoirs attachés à sa fonction, ils étaient extrêmement limités. Le plus louable est sûrement celui de pouvoir impressionner ses sujets : il faut comprendre que ces femmes n’apparaissaient en public que parées de robes somptueuses et couvertes de joyaux, leur conférant ainsi un statut à mi-chemin entre la femme et la déesse. Cela compensait le fait que parfois, la Reine n’était pas une belle femme. Elle apparaissait quand même comme une sorte de statue vivante, mais inaccessible. Et surtout, qui oserait imaginer une reine laide ? Dans l’imaginaire populaire, et ce,  même encore à notre époque, une reine jeune est toujours charmante ou gracieuse, tandis qu’avec l’âge, elle est désignée par des qualificatifs tels qu’aimable ou imposante. À l’échelle des curiosités qu’elles suscitaient (et suscitent encore), on peut mesurer les sentiments qu’elles déchaînaient : on les admirait, on les haïssait, on les enviait, on les plaignait, mais aucune n’a jamais laissé ses sujets indifférents. Quant à celles qui étaient vraiment très belles, elles ont déchaîné les passions et viennent encore troubler ou ravir les esprits de notre époque. En effet, combien d’amoureux comptent encore aujourd’hui Marie-Antoinette, l’Impératrice Joséphine ou encore l’incomparable Sissi ?

Détail du portrait de l’Impératrice Elisabeth par Franz Winterhalter

 

Que cache le rôle d’une reine de France ?

Mais l’envers du décor est beaucoup moins agréable. Il faut savoir que cette image de statue vivante inaccessible était valable pour tous les hommes, excepté un : le Roi. Dans le meilleur des cas, l’épouse imposée pouvait être aimée, voir respectée. Mais le cas d’un mariage heureux est une rareté dans l’Histoire de France. Le Roi n’est pas l’égal de la Reine, mais son souverain, son maître. Il est le seul qui pouvait confronter la réalité de la femme derrière l’image de la Reine, et ce, dès le soir de ses noces. Une fois dépouillée de son apparat royal, la Reine perdait son statut d’idole pour redevenir une femme comme les autres, avec toutes ses qualités, mais aussi ses défauts. Mariée à un homme qui ne l’aimait pas, voire parfois ne l’estimait pas, la bafouait publiquement avec une ou plusieurs maîtresses, n’ayant aucun droit de se mêler de politique, la vie de la Reine se résumait à donner des enfants à la couronne (en public, pour vérifier qu’il n’y avait pas substitution de l’enfant royal à sa naissance), mais surtout des fils pour assurer la descendance. Sachez qu’on la rendait responsable si l’héritier tant attendu ne venait pas au monde. Ainsi, ce sont nos Rois qui ont inventé le devoir conjugal, au sens le plus déplaisant de l’expression. La Reine se devait également de paraître aux côtés du Roi lors des représentations officielles, comme un objet qu’on exhibe. Elle tenait également le rôle de mécène* auprès des artistes dans la limite de la générosité du Roi, puisque c’est lui qui alimentait la cassette* personnelle de sa femme. Tout cela en respectant un grand nombre de règles regroupées en un texte qu’on appelle l’Étiquette. Elle définissait la bienséance du comportement royal et celui  des courtisans, depuis le lever de la Reine jusqu’à son coucher. Toute sa journée était publique et réglée comme du papier à musique : ce qu’elle devait manger, qui devait l’habiller et comment, quand elle pouvait dormir, jusqu’au moment où le Roi devait la rejoindre pour une partie de la nuit.

Livre retraçant une partie du cérémonial en vigueur à la cour de France, disponible à la Bibliothèque de France

Nous noterons également que ce que le Roi peut, la Reine ne peut pas. Combien de favorites royales sont mieux connues de nos jours que les reines de France ? L’explication est à la fois injuste et simple : un roi pouvait avoir autant d’aventures qu’il le souhaitait. Mystérieuse ou hautement revendiquée, la favorite du moment était parée des plus beaux bijoux, Louis XIV allant même se servir dans la cassette de sa femme ! Admirée de tous, car possédant la faveur, voire l’amour du Roi ; tandis que la Reine, en plus d’être humiliée face aux courtisans, ne pouvait même pas espérer se réchauffer dans les bras d’un amant jeune et fougueux. Garante de la dynastie, le premier qui osait poser la main sur elle risquait sa vie. Alorsimaginez un amant ! Non seulement l’outrecuidant* touchait la Reine, mais en plus il compromettait la pureté de la descendance royale. Car si ce n’était pas celui de France, les enfants royaux étaient destinés à régner sur un quelconque pays d’Europe. Mais l’amant n’était pas le seul en cause : parfois, le châtiment atteignait aussi la coupable adultère, coupable au fond d’avoir laissé l’amour ou la passion l’emporter hors d’un mariage de convention et des contraintes imposées à son rang, rang qu’elle n’avait pas choisi, étant donné qu’elle était corsetée depuis sa naissance dans une éducation en vue de devenir reine d’un pays d’Europe et qu’elle n’avait pas le choix de son époux

En conclusion, si on regarde celles qui furent nos souveraines, on remarque que ce titre de Reine de France contient beaucoup de paradoxes. Tout d’abord, le terme de reine renvoie à une idée de pouvoir et de souveraineté, tandis que ces femmes restaient malgré tout sujettes du roi de France. Rarement françaises, elles étaient pourtant première dame de France. N’ayant aucun droit à la succession sur le trône de France, elles étaient garantes de la continuité dynastique par leur rôle  de mère, de régente, de veuve ou de douairière*, mais jamais d’épouse. Malgré tout, elles continuent à nous faire rêver, bien longtemps après la fin du règne de notre dernière monarque en 1848 (Marie Amélie des Deux Siciles, épouse de Louis Philippe Ier sous la Monarchie de Juillet).

Et vous, quelle idée vous faites-vous de celles qui furent Reines de France ? Ces femmes vous font-elles rêver ? Auriez-vous aimé être à leur place ?

Si cet article vous a plu, ne manquez pas le prochain article consacré à Maria Leczinska, qui fut notre reine durant près de 43 ans.

*Mécène : personnalité riche qui subvenait aux besoins des artistes en les payant et en promouvant leur art (écrits, peintures, etc.)

*Cassette : coffret contenant des bijoux, des pierreries, des papiers importants, par exemple.

*Outrecuidant : présomptueux, impertinent.

*Douairière : la Reine douairière est la veuve du Roi. Ce titre permet de la différencier de la femme du Dauphin devenu Roi à la mort du Roi son père. (Exemple : Anne d’Autriche, la mère de Louis XIV est devenue Reine douairière lorsque son fils, monté sur le trône, a épousé Marie Thérèse d’Autriche qui est donc devenue Reine !)

NB : vous l’aurez peut-être remarqué, « roi » et « reine » prennent une majuscule lorsqu’il s’agit de la personne. Lorsqu’on fait référence à la fonction, il n’y en a pas.

Shini

Sources :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Reine

http://www.chateauversailles.fr

Benzoni Juliette, 1983-1984, Dans le lit des Rois et des Reines, édition Pocket

Sources images :

https://www.facebook.com/chateauversailles?fref=ts

http://jean-francois.campion.perso.neuf.fr/Portraits.htm

http://www.schoenbrunn.at/fr/nc/service/nouvelles/detail-nouvelles-start/artikel/sternenschmuck-der-kaiserin-elisabeth-3.html

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k132087v

2 réflexions sur “Reines de France”

  1. Pattenrond

    J’adore !

    Avant de commenter je voudrais savoir si vous avez lu ce livre : Benzoni Juliette, 1983-1984, Dans le lit des Rois et des Reines, édition Pocket ? (ou si vous avez seulement trouvez des extraits sur internet ?)

    Je sens que je vais adorer ! Je suis très très curieuse et quand on me montre l’envers du décors j’adore ! (je sais je me répète).

    J’aime beaucoup le ton employer, j’ai l’impression que l’on me raconte un secret, qu’on soulève un rideau devant moi pour me montrer telle ou telle chose.

    Je n’ai qu’une hâte: lire la suite !

     
    1. Merci pour votre commentaire très positif, je suis ravie que ça vous ait plu.
      Pour vous répondre, j’ai effectivement cette édition chez moi, ce qui m’a permis de la lire plusieurs fois (il s’agit d’une édition spéciale regroupant deux livres, Dans le lit des Rois et Dans le lit des Reines), composée de plusieurs récits de nuits de noce parfois idylliques, parfois franchement cruelles. Si vous aimez les détails secrets de l’Histoire, je vous le recommande : il est écrit de manière à nous laisser pénétrer dans les alcôves royales.
      J’espère que la suite vous plaira tout autant !

       

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