Le Moyen Âge : entre réalité historique et idées reçues

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À l’encontre de la Renaissance, le Moyen Âge est souvent décrit comme une période d’obscurantisme marquée par des souverains cruels, des épidémies de maladies mortelles, des guerres sans fin et des famines. Mais cette époque était-elle vraiment aussi sombre qu’on le pense ? Remontons au temps des chevaliers pour découvrir la réalité sur nombre d’idées reçues, bien ancrées dans l’imaginaire collectif.

Château

Le Moyen Âge en quelques mots 

Le Moyen Âge est une très vaste période qui débute officiellement par la chute de l’Empire romain d’Occident en 476 et s’étend sur pas moins de dix siècles. Aujourd’hui, beaucoup d’historiens font plutôt coïncider le début du Moyen Âge, appelé « haut Moyen Âge », avec le règne des Carolingiens qui débute en 751. En effet, cette dynastie, dont Charlemagne est le plus célèbre représentant, est à l’origine de la mise en place du système féodal. La féodalité est basée sur un principe d’échange entre un vassal et son seigneur : le vassal offre ses services en échange de protection et de terres appelées fiefs.

Les Xe et XIe siècle sont marqués par un retournement politique. C’est la fin de l’ère carolingienne et l’émergence de petits royaumes et principautés, cette période est appelée « Moyen Âge central ». Le pouvoir est aux mains de seigneurs châtelains dont la puissance est maintenue par les liens féodaux. Jusqu’à l’avènement de Philippe Auguste en 1180, les rois des Francs ne sont que des princes à la puissance comparable à celle de tous les autres princes. Le milieu du Moyen Âge est également marqué par la grande réforme de l’Église : le pouvoir des évêques est renforcé et la puissance du Pape devient immense. Cette réforme conduit au contrôle des croyances et à la chasse aux hérétiques. Du XIe au XIIIe siècle, une énorme croissance démographique et économique voit le jour : c’est le début des cathédrales et des universités. 

Enfin, les XIVe et XVe siècle, époque appelée « bas Moyen Âge », sont synonymes de crises : mauvaises récoltes, conflits comme la Guerre de Cent ans, épidémies de peste : c’est la période la plus sombre du Moyen Âge. Ainsi, aujourd’hui encore, on ne garde en mémoire que ces deux derniers siècles pour juger l’ensemble du Moyen Âge comme une époque de terreur et de violence. Laissez-moi donc vous montrer que ces dix siècles d’Histoire ne sont pas ceux que l’on pense ! 

Quelques idées reçues sur la vie au Moyen Âge 

1- Avoir une bonne hygiène n’était pas important 

Quand on pense au Moyen Âge, on s’imagine tout de suite des hommes sales qui ne se lavaient que deux fois par an et que les conditions d’hygiène collectives étaient déplorables. Il est vrai qu’à cette époque le système d’égout était rare et peu performant et que les cités médiévales étaient jonchées de déchets en tout genre et dégageaient une odeur pestilentielle. Niveau hygiène on repassera ! Mais, conscient du problème de pollution des villes et des risques d’infection, on commence à partir du XIIIe siècle à prendre des mesures drastiques : interdiction de jeter des ordures dans la rue, installation de réseaux d’évacuation des eaux usées et même apparition des premiers éboueurs !

Du côté de l’hygiène corporelle, le mythe du bain deux fois par an vient en réalité de certains moines qui pratiquaient des rituels spirituels dont le principe était de mépriser leur corps en évitant de se laver et en s’infligeant certains sévices comme la flagellation. Pourtant ces cas isolés ne reflètent pas la mentalité de la population : pour preuve, le savon a été inventé au Moyen Âge ! De plus, les fouilles archéologiques ont prouvé que les objets d’hygiène étaient déjà présents partout au haut Moyen Âge. On sait également qu’il était déjà habituel de se laver les mains avant chaque repas, que les femmes se lavaient entièrement au moins une fois par semaine et que les shampoings antipelliculaires et le dentifrice existaient déjà ! À partir du XIIe siècle, des bains publics sont apparus dans toutes les grandes villes, lieux très prisés où l’on pouvait venir se laver entre amis tout en dégustant un bon repas ou un verre de vin !

Bains publicsLes étuves – Le livre de Valère Maxime, XVe siècle Paris,
BNF, Arsenal, manuscrit 5196 fol. 372

Ainsi, bien que les règles d’hygiène étaient loin de celles appliquées aujourd’hui, elles n’étaient pas totalement absentes au Moyen Âge et on était déjà bien conscients de leur importance.

2- Seuls les nobles et les membres du clergé étaient lettrés 

On le sait, au Moyen Âge les membres du clergé avaient connaissance de la lecture et de l’écriture du latin pour permettre la retransmission des textes religieux et étaient donc litterati (lettrés), comme on le disait à l’époque, à l’opposé des illitterati (illettrés) qui ne comprenaient pas le latin. Mais, ce que l’on sait moins, c’est que ce savoir a vite été accessible à tous. Vous avez déjà tous entendu la célèbre chanson parlant de ce sacré Charlemagne qui a inventé l’école ? Eh bien, même si l’école existait avant lui, il est en effet à l’origine d’une révolution en termes d’éducation ! Il a instauré une législation pour permettre aux moines et aux évêques d’enseigner le latin dans les écoles, surtout destinées initialement aux futurs clercs. À partir de là et avec l’essor démographique, une multitude d’écoles commencèrent à apparaître et, au Moyen Âge central, tous les petits citadins – filles et garçons – de 7 à 14 ans avaient accès à l’éducation : précepteurs privés pour les familles aisées et « petites écoles élémentaires » ou « écoles de grammaire » pour les autres. Dans les campagnes, de telles écoles existaient également, mais seulement pour les garçons.

Cette multiplication des écoles et l’apparition des universités entraînèrent une réelle soif de connaissance et d’innovations : les XIIe et XIIIe siècles marquèrent l’âge d’or des encyclopédies médiévales et des grandes découvertes dans les domaines tels que la mécanique (l’horlogerie mécanique remplace les cadrans solaires et les sabliers), l’optique (apparition des premières lunettes de vue), l’astronomie, la chirurgie ou encore la navigation.

Livre médiéval

3- On brûlait les sorcières au Moyen Âge 

Contrairement à ce que l’on pense, les sorciers (car oui cela n’était pas réservé qu’aux femmes) étaient bien acceptés au Moyen Âge. Ils vivaient souvent reclus, mais ils étaient bien intégrés dans leurs communautés et ils n’étaient pas considérés comme hérétiques, donc pas poursuivis par l’Église. La plupart des sorciers étaient des guérisseurs, ils utilisaient pierres, herbes et onguents afin de jeter des sorts de ce qu’on nomme la magie blanche. D’autres, appelés nigromanciens, étaient des hommes pour la plupart, lettrés, qui pratiquaient l’invocation des démons. Ils tiraient leurs connaissances de livres dont l’utilisation était évidemment condamnée par l’Église.

Mais c’est le pape Jean XXII qui est le premier à déclarer que la sorcellerie est une hérésie en 1326. Pourtant, les persécutions contre les sorciers ne commencent réellement que dans les toutes dernières années du Moyen Âge et furent à leur apogée pendant la Renaissance et le Grand siècle (XVIIe siècle), entre 1580 et 1630 plus exactement. Elles débutent à la suite de la publication en 1486 de l’ouvrage Malleus Maleficarum (Marteau des sorcières) qui décrit les pratiques et les modes de vie des sorciers afin de les identifier facilement. Ce fut un énorme succès et l’Europe toute entière commença sa grande partie de chasse.

Ce que l’Inquisition (tribunal de l’Église catholique qui combattait les hérésies) reproche aux sorciers c’est, entre autres, de casser l’ordre social et notamment le mariage en pratiquant des avortements et des homicides. Ainsi, on considère qu’ils commettent des actes impurs qui ne peuvent être punis que par la disparition totale du corps, soit le bûché. On ne sait le nombre exact de personnes qui furent brûlées. Selon les historiens, cela peut se situer entre 50 000 et 100 000 personnes et le nombre de procès qui eurent lieu pourrait s’élever à 200 000.

Bûcher

4- Les femmes étaient exclues de la société 

Vous pensez qu’au Moyen Âge le seul rôle des femmes était de s’occuper des enfants et de la maison et qu’elles étaient exclues de la société ? Eh bien détrompez-vous, si l’on compare avec l’Antiquité ou avec l’époque moderne, c’est au Moyen Âge que les femmes avaient le plus de droits ! Elles pouvaient même voter comme les hommes pour l’élection des États Généraux (« assemblées extraordinaires réunissant les trois ordres féodaux – la noblesse, le clergé et le tiers-état – et convoquées par le roi pour traiter d’une crise politique ») ou des conseils communaux, par exemple.

Les femmes étaient considérées comme majeures à l’âge de douze ans (contre quatorze ans pour les hommes). À partir de là elles étaient indépendantes : elles pouvaient choisir le métier qui leur plaisait sans se limiter au devoir domestique. Ainsi on trouvait des femmes dans quasiment toutes les professions : artisane, marchande, guerrière, gérante de taverne, femme de lettres, armurière, sage-femme… le choix était vaste. Il n’était pas rare non plus qu’une fille reprenne l’entreprise de son père à son décès. L’une des figures les plus emblématiques de cette époque est certainement Jeanne d’Arc, à la fois femme et guerrière. Pourtant elle était loin d’être un cas isolé, beaucoup de femmes prenaient les armes au côté des hommes lors des guerres et des croisades.

Au niveau politique, on retrouve de nombreux exemples de femmes qui ont réellement régné comme Aliénor d’Aquitaine ou Blanche de Castille. Autre fait important qui n’a existé que durant le Moyen Âge, c’est le couronnement des reines. Il était considéré comme aussi important que celui des rois. La dernière reine qui aura ce privilège fut Marie de Médicis en 1610. Les femmes de seigneurs régnaient également en l’absence de leur mari et possédaient leurs propres terres.

À partir de la Renaissance, c’est le droit romain qui revient à la mode et qui va réduire considérablement les droits de femmes. Elles sont écartées de toute fonction d’État et n’ont plus aucune importance sociale. Ces inégalités arriveront à leur apogée sous Napoléon : les femmes n’auront alors plus rien le droit de posséder et plus aucun pouvoir décisionnaire sur leur famille.

5- Les paysans étaient des esclaves et ne se reposaient jamais 

Paysans

Qui dit Moyen Âge dit paysans trempés de sueur travaillant sans relâche pour nourrir leur famille et leur seigneur. Encore une fois, cette vision est plutôt différente de la réalité.

Il existe deux types de paysans au Moyen Âge : les serfs et les vilains. Les vilains sont indépendants, contrairement aux serfs ils n’appartiennent pas à un seigneur et doivent payer des impôts sur leurs récoltes. Les serfs, quant à eux, sont rattachés à une terre : si un seigneur décide de la vendre, ils seront alors rachetés avec elle. En échange de protection militaire, ils effectuent des corvées (labours, récoltes, creusement de puits, entretien des enclos, etc.). Ils doivent également fournir une partie de leur production agricole à leur suzerain et payer des taxes. Cela peut faire penser à de l’esclavage, mais c’est une pratique fortement condamnée par l’Église. Les serfs ont donc des droits : ils sont considérés comme des personnes à part entière, contrairement aux esclaves qui étaient juridiquement des objets, et peuvent en théorie quitter leur domaine quand ils le souhaitent. Ils ont également la possibilité de vendre ce qu’ils produisent en trop grande quantité.

De plus, il y a beaucoup de jours non travaillés au Moyen Âge : environ 1 jour sur 3 est chômé grâce aux nombreuses fêtes catholiques et païennes ainsi qu’aux dimanches. Au final, cela revient à peu près à 190 jours non travaillés par an ! Les journées s’organisaient en fonction du soleil, on devait donc travailler pendant 8 à 9 heures l’hiver et pendant 10 à 12 heures l’été. Sauf cas très exceptionnels, la loi interdisait de travailler la nuit. Contrairement à ce que l’on pense, la vie d’un paysan n’était donc pas particulièrement difficile, du moins jusqu’à la fin du Moyen Âge où la diminution démographique entraîne un manque de main d’œuvre et une chute des revenus seigneuriaux.

Alors, connaissiez-vous le Moyen Âge aussi bien que vous le pensiez ou l’avez-vous redécouvert grâce à cet article ? Si vous avez d’autres anecdotes à nous faire partager, n’hésitez pas à laisser un commentaire !

Sometimes

Sources Texte :

– Ouvrage : Le Moyen Âge : 10 siècles d’idées reçues, Laure Verdon

– Sites web : * * * * * * * * * * *

Sources Images :

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8 réflexions sur “Le Moyen Âge : entre réalité historique et idées reçues”

  1. J’ai adoré ton article. Des explications simples et complètes qui cassent les idées préconçues. Bravo !

     
  2. Ton article est super, j’ai adoré ! Et en effet, j’ai complètement redécouvert le Moyen Âge, j’ai été particulièrement surprise sur la position sociale des femmes ! Très intéressant en tout cas !

     
  3. Merci pour cet article ! Très intéressant la parti sur les serfs et les vilains. Ce pas si différent de notre société actuelle. Sur chaque euros que nous gagnons, nous en reversont presque les trois quart en charges diverses … Et c’est sur que l’on travaille plus de deux jours sur trois !

     

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