« Le Vaisseau d’or » d’Émile Nelligan

Il s'agit d'un portrait d'Émile Nelligan, l'auteur du Vaisseau d'or.
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Depuis longtemps, les hommes transmettent leurs émotions grâce aux poèmes. Ces derniers, chargés d’amour, de peine ou de colère, touchent les lecteurs et marquent leur imaginaire. Un poème, écrit par Émile Nelligan, m’a beaucoup émue : « Le Vaisseau d’or ». Bien qu’il soit très bien écrit, ce dernier se démarque surtout par le sens profond du texte. Si vous souhaitez explorer la poésie québécoise, découvrir ce grand auteur et lire l’analyse de ce poème, poursuivez la lecture de cet article.


Émile Nelligan : sa vie en bref

Il s'agit d'un portrait d'Émile Nelligan, l'auteur du Vaisseau d'or.

Émile Nelligan, un des poètes les plus talentueux du Canada, est né à Montréal, au Québec, le 24 décembre 1879. Il est le fils de David Nelligan, un Irlandais, et d’Émilie Amanda Hudon, une Québécoise francophone. Ces derniers ont aussi eu deux filles, Béatrice et Gertrude, les sœurs du poète. Jusqu’à l’âge de treize ans, sa mère s’occupait de l’éducation de son fils. En 1893, au Collège de Montréal, Émile Nelligan échoue un cours Classique, un programme menant à l’obtention d’un baccalauréat en art, à cause du latin qu’il ne maîtrisait pas. Finalement, trois années plus tard, il reprit son parcours scolaire dans le même domaine au Collège Sainte-Marie. Le 13 juin 1896, à l’âge de 16 ans, Émile publie déjà son premier poème « Rêve fantastique » dans le journal Le Samedi de Montréal. Il intègre l’École littéraire de Montréal vers ses dix-huit ans avec l’aide financière de son mentor, Joseph Mélançon, qui faisait déjà partie de cette institution. Cependant, son parcours n’a pas duré longtemps, puisqu’il a quitté cette institution un mois plus tard. Assistant à la vie plutôt marginale de son fils qui ne s’intéressait qu’à la poésie, son père le force à devenir comptable. Finalement, grâce au contact que sa mère avait avec l’un des membres de l’École littéraire, Émile réussit à réintégrer cette institution de renom. Le 26 mai 1899, ce Québécois a récité pour la dernière fois un de ses poèmes en public : il s’agissait de « La Romance du vin ». Après cette date, une psychose lui a été diagnostiquée. Le 8 août 1899, ses parents confient leur fils à la Retraite Saint-Benoit, un asile se situant à l’est de Montréal. Vingt-six années plus tard, il a été transféré à l’asile de Saint-Jean-de-Dieu. Émile y a passé le reste de sa vie et y est décédé le 18 novembre 1941, à l’âge de soixante et un ans.
À cause de sa maladie mentale, il n’a jamais terminé la rédaction de son premier recueil de poésie qui, selon ses notes, aurait eu comme titre Le Récital des anges. Au cours des trois petites années d’écriture, Émile Nelligan a composé une centaine de poèmes, dont le fameux « Soir d’hiver ». La plupart des Québécois reconnaissent le premier vers de ce dernier poème, car il est très populaire (« Ah ! Comme la neige a neigé ! »).

Dans ce recueil d'Émile Nelligan se trouve le poème Le Vaisseau d'or.
La trace de cet homme est encore présente dans la Belle Province. En effet, le catalogue qui fait l’inventaire des bibliothèques de Montréal porte le nom de ce poète. De plus, une école primaire faisant partie de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys s’appelle également Émile Nelligan.
Même si seulement vingt-trois de ses poèmes ont été publiés avant qu’il ne meure, sa mère ainsi que son ami se sont chargés de publier un recueil de poésie posthume. Paru en 1904, celui-ci regroupe cent sept poèmes et se nomme Émile Nelligan et son œuvre. L’édition la plus complète de l’œuvre de ce Québécois date de 1952 et porte le nom de Poésies complètes 1869-1899.
On peut d’ailleurs retrouver « Le Vaisseau d’or » dans ces recueils. Ce poème est l’un de ses écrits les plus populaires pour la profondeur du texte.



« Le Vaisseau d’or » d’Émile Nelligan : une analyse

Il s'agit du navire du Vaisseau d'or, le poème d'Émile Nelligan.

Le poème

« C’était un grand Vaisseau taillé dans l’or massif :
Ses mâts touchaient l’azur, sur des mers inconnues ;
La Cyprine d’amour, cheveux épars, chairs nues,
S’étalait à sa proue, au soleil excessif.

Mais il vint une nuit frapper le grand écueil
Dans l’Océan trompeur où chantait la Sirène,
Et le naufrage horrible inclina sa carène
Aux profondeurs du Gouffre, immuable cercueil.

Ce fut un Vaisseau d’Or, dont les flancs diaphanes
Révélaient des trésors que les marins profanes,
Dégoût, Haine et Névrose, entre eux ont disputés.

Que reste-t-il de lui dans la tempête brève ?
Qu’est devenu mon cœur, navire déserté ?
Hélas ! Il a sombré dans l’abîme du Rêve ! »

« Le Vaisseau d’or » d’Émile Nelligan : sa forme 

Comme vous avez pu le constater, ce poème est formé de quatre strophes (paragraphes). Les deux premières ont chacune quatre vers (lignes) et les deux dernières, trois. Ce type de poème est un sonnet.
De plus, en comptant les syllabes de chaque vers, on constate qu’il y en a toujours douze. « Le Vaisseau d’or » est donc écrit en alexandrin.
La fin des vers des deux premiers quatrains (strophes ayant quatre vers) nous signalent que les rimes sont embrassées. En effet, le premier et le quatrième vers se terminent en « ssif » alors que le deuxième et le troisième vers se terminent en « nues ». Cette forme est aussi répétée dans le paragraphe suivant puisque le cinquième et le huitième vers finissent en « ueil » tandis que le sixième et le septième finissent en « ène ». De plus, les rimes de ces deux premières strophes sont suffisantes, car il y a toujours une homophonie de deux sons.
Les deux dernières strophes sont des tercets (strophes ayant trois vers). Les rimes « phanes » des neuvième et dixième vers sont plates puisqu’elles se suivent. Celles des douzième et quatorzième vers sont croisées et ont en commun le son « rève ». 
Étant donné qu’il s’agit d’un poème en alexandrin, chacun des vers a subi une césure après la sixième syllabe, sans que la coupure ne scinde un mot en deux. Par exemple, le vers « C’était un grand Vaisseau / taillé dans l’or massif » démontre bien que la coupure ne sépare pas un mot. 
En portant attention aux mots qu’Émile Nelligan a utilisés, il est facile de découvrir des figures de style. Par exemple, dans le deuxième vers, une métaphore est présente puisque l’azur est en fait le ciel. De plus, au sixième vers, l’océan est qualifié de trompeur. Lorsqu’un objet reçoit un attribut humain, cela signifie qu’il s’agit d’une personnification. Les majuscules à certains mots comme « Dégoût », « Haine » et « Névrose » sont des personnifications de type allégorie puisque le poète décide de leur donner un caractère humain en les faisant se disputer.
Cependant, certains mots peuvent poser des problèmes à la compréhension du poème puisqu’ils sont moins utilisés aujourd’hui. Au troisième vers, « cyprine » désigne les sécrétions vaginales. « Carène » est un autre mot pour une partie basse de la coque d’un bateau. 
On peut aussi remarquer un contre rejet (la signification du vers commence à celui qui le suit) entre les troisième et quatrième vers et les neuvième et dixième vers. En effet, le sujet est nommé au premier vers, mais prend son sens quand on continue notre lecture à la ligne suivante.
Étant donné qu’il s’agit de vers en alexandrin, le rythme du poème ne change pas à ce niveau-là. Par contre, la forme de sonnet fait que les deux premières strophes sont des quatrains et les deux suivantes des tercets. Vers le milieu de cette œuvre, le rythme change et devient plus rapide étant donné que le nombre de vers diminue.
Les deux questions aux douzième et treizième vers peuvent laisser croire que l’auteur est perdu, voire désespéré, et ce désarroi est confirmé lorsque, dans le quatorzième vers, il s’exclame et s’horrifie de savoir que le navire a définitivement disparu.

« Le Vaisseau d’or » d’Émile Nelligan : son fond

Bien qu’il existe autant d’interprétations du « Vaisseau d’or » qu’il y a de personnes sur Terre, la plus logique est que le vaisseau dont il est question représente Émile Nelligan. En effet, au début de son aventure, le navire était beau et fier. Cependant, une tempête est venue perturber son existence et elle a même causé sa perte. Finalement, ce périple représente bien ce qui s’est produit dans la vie d’Émile Nelligan, car, sans le savoir, à travers ce poème, ce Québécois a prédit son avenir. Tout comme le vaisseau qui a disparu dans les eaux, ce poète du XIXe siècle a sombré dans la folie. La tempête représente pour moi un élément déclencheur dans sa vie qui a causé l’apparition de ses psychoses. 
Les mâts touchant l’azur et le vaisseau se dirigeant vers des mers inconnues pourraient représenter le futur prometteur qu’Émile Nelligan avait dans sa jeunesse, avant que sa maladie mentale ne vienne briser sa vie. 
Pour certains, la Cyprine représente une personne dont le poète était profondément amoureux pendant sa jeunesse. 
Selon moi, il y a aussi un lien à faire entre les trésors s’échappant par les flancs brisés du navire et la psychose d’Émile Nelligan. Effectivement, ces objets précieux pourraient représenter les idées, l’ambition et l’intelligence de l’auteur. À la suite de la tempête, les trésors auraient disparu comme le talent du poète puisque sa carrière en tant qu’écrivain a brusquement cessé une fois sa maladie déclarée. 


Les élèves francophones à travers le Québec analysent cette œuvre qui fait partie du patrimoine de leur province. Qu’ils soient au secondaire, au cégep ou à l’université, ces derniers liront « Le Vaisseau d’or » dans leurs cours de français pour sa qualité. Aviez-vous déjà lu un poème d’Émile Nelligan ? Connaissiez-vous déjà cet homme talentueux au destin tragique ? Cet article vous a-t-il donné envie de découvrir d’autres poèmes ? Comment interprétez-vous ce poème ? N’hésitez pas à nous faire partager votre opinion sur Émile Nelligan et « Le Vaisseau d’or ».

Véronique B.


Sources texte :

Jesuismort

Felix.cyberscol

Poésie webnet

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Elisabeth Kennel

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Collections Canada

Sources images :

Patrimoine culturel du gouvernement du Canada

Laurentiana

Littérature audio

2 réflexions sur “« Le Vaisseau d’or » d’Émile Nelligan”

  1. Belle interprétation ! J’ai étudié ce poème l’année dernière, mais le professeur penchait plus vers un sens érotique plutôt qu’un parallèle entre la vie de Nelligan et les péripéties d’un navire. Cela dit, ça montre la richesse du poème qui évoque plus d’une interprétation !

     
  2. Nef du capitaine Crochet
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    Sur son noble vaisseau, le pirate est pensif,
    Il se souvient des mots d’une belle inconnue ;
    Son coeur en est troublé, son âme est comme nue,
    Ce sentiment l’accable et lui semble excessif.

    La nef est en danger de frapper un récif ;
    La barre cependant, habilement tenue
    Par un homme intrépide et plein de retenue,
    Sauve d’un tel destin le navire massif.

    Capitaine et barreur, en des plaisirs profanes,
    Marins de comédie, héros d’Aristophane,
    Vident plusieurs godets, perdant toute fierté.

    Que leur apportera leur navigation brève ?
    Pourront-ils découvrir un lieu de liberté ?
    Il leur reste, sinon, le continent du Rêve.

     

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