L’histoire de Maria Leszczynska, née le 23 juin 1703 à Trzebnica en Pologne, aurait pu être imaginée par un auteur de contes. Pourtant fille de roi, son destin était loin d’être tracé au jour de sa naissance.
Son père, Stanislas Leszczynski, a été roi de Pologne de 1704 à 1709. Il est passé à la postérité sous le nom de Stanislas Ier, par la grâce de Charles XII de Suède qui, en repoussant les Russes de Pierre Ier (dit Le Grand), s’est emparé de la Pologne. Cependant, Pierre Ier n’a pas dit son dernier mot et, en 1709, il récupère la Pologne, fait emprisonner Charles XII et fait chasser Stanislas Ier du trône de Pologne. Maria a alors 5 ans, et commencent pour elle de longues années d’exil.
Education en exil
L’enfance de Maria peut être qualifiée d’errante : en effet, la conjoncture et l’instabilité politique de cette époque imposent à son père Stanislas de fuir le palais royal suite à l’arrestation de son protecteur, Charles XII. Maria confiera plus tard à Voltaire qu’elle avait failli être laissée sur place à cause de la désorganisation des femmes chargées de préparer la fuite du Roi : heureusement, malgré la précipitation du départ, une des ces femmes a repéré un tas de linge qui traînait dans la cour et est allée le ramasser pour l’emporter. Ce tas de linge, c’était la petite Maria. Après s’être installé à Stockholm avec sa famille, Stanislas est une nouvelle fois contraint de fuir en 1716, vers le Palatinat de Zweibrücken (situé en Rhénanie Palatinat, au sud-ouest de l’Allemagne actuelle). Le choix de cette destination n’était pas le fruit du hasard : le Palatinat était placé sous la protection de Charles XII de Suède. Il faut imaginer que le train de vie de Stanislas n’était pas un de ces exils dorés tels qu’on les pratiquait en France à cette époque. Contrairement à certains membres de la noblesse exilés dans des châteaux luxueux tels que Chenonceau ou Anet, Stanislas vivait dans le dénuement matériel le plus total. En 1720, la mort de Charles XII contraint une nouvelle fois la famille polonaise à déménager.
La France, à cette époque, est gouvernée par le Régent qui n’est autre que le duc d’Orléans. En effet, le petit Louis XV n’a que 5 ans quand son arrière grand-père Louis XIV décède. Comme la loi de l’époque le prévoit, il faut donc assurer la régence jusqu’à sa majorité. Dans son testament, le Roi Soleil avait nommé un Conseil de Régence. Or, ceci n’est pas du goût du neveu de Louis XIV, le duc d’Orléans, qui fait casser le testament pour s’emparer des pleins pouvoirs et devient alors le Régent de France. Un jour de janvier 1719, il reçoit la visite du baron Stanislas-Constantin de Meszek, qui n’est autre que l’homme de confiance de Stanislas Leszczynski. Le baron vient négocier la venue de Stanislas et de sa famille en Alsace. C’est ainsi qu’en mars de la même année, ils s’installent à Wissembourg sous la protection de la France : le destin est en marche.
Cette vie errante va contribuer à créer des liens affectifs très forts entre Maria et son père. Malgré des conditions de vie difficiles, Maria est entourée d’un amour paternel inconditionnel. De plus, son père, devenu par nécessité son précepteur, lui enseigne tout ce qu’il sait et partage avec elle sa passion pour la musique et les arts. De ce fait, elle apprend le clavecin, le chant et la danse. Ainsi, Maria reçoit une éducation à la fois morale, philosophique et artistique, ce qui contribue à faire d’elle une jeune fille accomplie, charmante, intelligente et parlant plusieurs langues.
La mort du Régent de France en 1723 va faire basculer définitivement la vie de Maria.
Un joli coup du destin : Maria devient Marie.
En 1723, Louis XV est déclaré majeur à 13 ans, suite au décès du Régent. C’est Philippe d’Orléans, duc de Bourbon qui devient premier Ministre. Par le jeu des alliances politiques, Louis XV est fiancé à sa cousine germaine, Marie Anne Victoire d’Espagne, âgée alors de 5 ans. Cependant, la santé fragile du jeune Roi fait craindre au duc de Bourbon et à sa maîtresse, la marquise de Prie, que Louis XV ne décède sans héritier mâle. Dans cette éventualité, c’est le nouveau duc d’Orléans qui monterait sur le trône, en tant que plus proche parent du Roi. Le duc de Bourbon, dont il est le principal rival, perdrait alors son statut de premier Ministre et d’homme le plus puissant du royaume de France. En effet, Louis XV n’était pas passionné de politique. Il préférait chasser et laisser le soin de gouverner au duc de Bourbon et au cardinal de Fleury. L’idée de marier le Roi au plus vite va germer suite à un événement important. En février 1725, Louis XV tombe gravement malade, probablement suite à un excès de chasse et de nourriture. Le duc de Bourbon prend peur et, sous l’emprise de la belle marquise, il décide de renvoyer l’Infante-Reine Marie Anne Victoire en Espagne, malgré les conséquences diplomatiques désastreuses de cette décision. Il ne reste plus aux deux conspirateurs qu’à trouver la future Reine parfaite. Pour cela, ils dressent la liste de toutes les jeunes filles à marier, soit une centaine de personnes en Europe. Ils éliminent ensuite les plus jeunes, les plus âgées et celles de religion non-catholique (comme la fille du Tsar, par exemple). Ne reste de disponible sur la liste qu’une simple demoiselle polonaise, très peu connue. Madame de Prie est aux anges : une jeune fille pauvre, qui ne connaît rien à la cour, ne pourra être que reconnaissante aux personnes qui l’ont placée sur le trône. Ainsi, la marquise et le duc pourront garder leurs positions politiques et ne seront pas gênés par la future Reine. Cette demoiselle polonaise, c’est Maria Leszczynska.
Le 27 mai 1725, Louis XV annonce à son lever sa décision d’épouser la princesse exilée. Scandale à la cour de France ! Il arrive que les courtisans soient plus royalistes que le Roi lui-même. On s’offusque de cette mésalliance : comment le Roi de France, le souverain le plus puissant du monde, peut-il épouser une demoiselle sans le sou, qui n’appartient même pas aux grandes familles polonaises ? Les rumeurs les plus folles vont alors courir, car bien évidemment, personne ne l’a vue. On raconte qu’elle est laide, qu’elle est bête et même scrofuleuse*. Les courtisans sont mesquins, certes, mais il y a derrière cette campagne de médisance les partisans du duc d’Orléans qui aimeraient bien contrecarrer les plans de la marquise de Prie.
Pendant ce temps, en exil, Maria est devenue une jeune fille sensible, timide, très pieuse et très attachée à son père. Lorsque ce dernier entre dans la pièce principale pour lui annoncer une grande nouvelle, elle croit d’abord que Stanislas est rappelé au trône de Pologne. Rayonnant, son père se tourne vers elle et lui dit : « Non ma fille, vous êtes Reine de France ». Maria va ainsi devenir Marie Leszczynska, Reine de France.
Le mariage a d’abord lieu par procuration à Strasbourg, le jour de la sainte Marie, selon le vœu de la future Reine. La véritable cérémonie du mariage se déroulera à Fontainebleau, le 5 septembre 1725, le temps pour Marie de rejoindre un Louis XV impatient, déjà sous le charme de son épouse dont il n’a pourtant vu qu’un portrait.
Cependant, Marie est très angoissée : va-t-elle réussir à plaire à ce Louis XV adolescent, elle qui a 7 ans de plus que lui ? Va-t-elle assumer son devoir de Reine et lui donner au moins un héritier ? Ce voyage vers Fontainebleau va permettre aux Français d’ouvrir leur cœur à Marie : séduits par son sourire, sa générosité, sa gaieté, les Français se mirent à adorer celle qu’ils surnommeraient plus tard « notre bonne Reine ». Car Marie est dotée d’une inépuisable charité : elle qui a tant souffert de la pauvreté découvre avec délice le pouvoir de soulager cette misère chez son peuple.
La veille du mariage, c’est la rencontre tant attendue entre les futurs époux. Marie descend de son carrosse pour s’agenouiller devant le Roi, comme le veut la tradition, mais Louis XV bouscule le protocole et se précipite vers elle pour l’embrasser à plusieurs reprises. De mémoire de courtisan, jamais on n’a vu le Roi aussi heureux. D’ailleurs, il est tellement impatient d’épouser sa Cendrillon polonaise qu’il s’introduit chez elle lors de la préparation de sa toilette de mariée, le jour du mariage. Il se fait bien évidemment chasser par les dames d’honneur de la future Reine. Trois heures plus tard, quand Marie est enfin prête, le pauvre Louis croit mourir d’impatience, car il ne peut toujours pas profiter de sa femme : direction la chapelle ! La cérémonie, somptueuse, met à rude épreuve les nerfs de Louis, d’autant qu’après la messe, c’est l’heure du repas. Puis la distribution de cadeaux de la part de la Reine, ce dont Marie s’acquitte avec la générosité qui est la sienne et une joie qu’on imagine enfantine. Louis XV ne tient plus en place, mais pas question de garder sa femme pour lui tout seul : c’est l’heure du théâtre, avec une représentation de Molière en l’honneur des jeunes époux. Puis le souper. Puis le feu d’artifice. Puis le cérémonial du coucher du Roi, qu’il expédie avec une hâte qu’on devine aisément. Voilà enfin le moment tant attendu : après une journée écrasante, Louis peut enfin rejoindre celle qui est sa femme et qui fait battre son cœur depuis qu’il l’a aperçue. À peine couché, il se relève et court rejoindre la dame de ses pensées dans ses appartements. Le cérémonial lui souffle-t-on. Qu’importe ! Louis congédie tout le monde de manière royale et se retrouve enfin seul avec sa femme. Ce que fut cette nuit de noce, personne ne le sait. Ce qu’on sait en revanche, c’est qu’au petit matin, les premiers ducs à pouvoir pénétrer dans la chambre nuptiale pourront observer un spectacle charmant mais néanmoins assez rare : sous l’alcôve royale se trouve un couple amoureux. D’ailleurs, le maréchal de Villars écrira : « Ils montraient l’un et l’autre une vraie satisfaction de nouveaux mariés ».
Au lever, la cour entière découvre que le Roi est totalement amoureux de sa petite Reine polonaise et que c’est réciproque. Cette belle nuit de noce va déboucher sur 10 ans d’amour entre Marie et Louis.
Les années bonheur
Le Roi le plus puissant du monde et son épouse ne peuvent malheureusement pas rester à Fontainebleau, pour des raisons d’image. Louis et Marie déménagent donc à Versailles, le 1er décembre 1725. La coutume veut que ce soit la Reine Mère qui accueille la nouvelle souveraine. Or, Louis XV est un orphelin : ses parents sont morts alors qu’il était encore un bébé. Il n’y a donc personne pour guider une Marie tellement intimidée par tant de richesses qu’il lui faudra quelques mois d’adaptation avant qu’elle n’ose apporter sa touche personnelle à ses appartements. Elle va ainsi personnaliser sa chambre de manière très significative : elle accroche un portrait de son père juste en face de son lit. N’oublions pas que cette fille aimante, très proche de son père, ne peut que lui écrire, car Stanislas est un roi en exil. Ces premiers mois vont être un peu difficiles pour Marie, notamment à cause de l’étiquette : bien qu’elle ait reçu une éducation digne d’une princesse, elle n’avait jamais eu l’occasion auparavant d’appliquer toutes les règles de bienséance qui régissaient la Cour de France à cette époque. Cependant, elle finit par s’adapter, aussi bien à l’étiquette qu’aux critiques. Et puis, Louis se révèle être un amant d’autant plus fougueux qu’il est amoureux : il rejoint sa femme toutes les nuits. Il faut savoir que c’est toujours le Roi qui se rend chez la Reine : une fois tous les courtisans partis après la cérémonie du coucher, Louis XV se relève et, par une petite porte jamais fermée à clef, il rejoint la Reine en passant par plusieurs pièces, ce qui lui permet d’arriver directement à l’alcôve de la Reine. À noter que l’étiquette a tout prévu, puisque le lit de la Reine est toujours plus large que celui du Roi.
Et toutes ces folles nuits vont porter leur fruit. La Reine va en effet donner naissance à 10 enfants en 10 ans ! Soit une grossesse tous les 15 mois, ce qui lui fera dire « Toujours couchée, toujours grosse, toujours accouchée ». Mais pour l’instant, nous sommes dans l’attente de la première naissance. La chambre de la Reine est noire de monde, car l’accouchement est public : Marie est rouge, elle souffle, elle souffre. Et voilà que ce premier bébé tant désiré pointe le bout de son nez : il s’agit d’une petite fille. Les courtisans sont déçus, mais pas Louis, qui se révèlera être un très bon père. Alors qu’il s’extasie, un cri de surprise retentit dans la chambre et une autre petite fille fait son apparition. Le Roi est fou de joie, car avoir des jumelles est signe de fécondité. L’année suivante, c’est encore d’une petite fille que la Reine accouche. Les courtisans commencent alors à se demander si cette « Polonaise » ne porterait pas malheur au Roi. Et finalement, la troisième année, c’est un petit garçon qui arrive. Marie devient alors « l’Etoile du Nord », et cette naissance est fêtée dans tout le royaume. En tant que mère du dauphin, sa position à Versailles est consolidée. Sur ses 10 enfants, Marie ne donnera au Roi que deux garçons. Au milieu de toutes ces petites filles, il était difficile de retenir tous les prénoms : les princesses sont donc nommées en fonction de leur ordre de naissance, à savoir Madame Première, Madame Deuxième, etc.
Marie et Louis vont faire leur maximum pour conjuguer leurs devoirs royaux et l’éducation de leurs enfants : d’habitudes plutôt bourgeoises, ils vont se faire construire des appartements privés pour s’éloigner de la cour. Ces appartements sont situés dans ce qui est considéré encore aujourd’hui comme l’un des plus beaux monuments de l’architecture française : le Pavillon français de Versailles.
Ce pavillon va être un lieu de recueillement pour la famille royale. Ils y vivent simplement et partagent des moments de complicité. C’est également un lieu de lecture, de collation et de concerts intimes. Louis XV joue avec ses enfants, Marie s’installe au clavecin pour enseigner la musique à ses filles. Elle est une mère qui regrette de ne pas pouvoir s’occuper davantage de ses enfants et qui se retrouve prisonnière malgré elle des visites protocolaires. Cependant, le bonheur n’est jamais acquis, et le cœur de mère de Marie va être confronté à plusieurs épreuves terribles.
Tout d’abord en 1733, décèdent tour à tour son fils Philippe, frère du Dauphin et sa fille Marie Louise, la petite Madame Troisième. Puis en 1738, le cardinal de Fleury, alors premier Ministre du Roi, trouve que le train de vie des princesses commence à coûter cher à la trésorerie royale. En effet, chaque naissance donne droit à une suite d’appartements (qu’on appelle une « maison ») et Versailles ne peut plus loger une famille aussi nombreuse. Il décide donc d’envoyer les plus jeunes princesses à l’abbaye de Fontevraud, qui sert aussi de maison d’éducation, et ce, sans consulter l’avis de la Reine. La séparation d’avec ses filles va creuser un trou un peu plus béant dans le cœur de Marie, car elle sait qu’elle ne va pas les revoir pendant de longues années : le train de voyage d’une Reine de France coûte très cher, et Marie ne veut pas dépenser égoïstement tandis que son peuple souffre de misère, ni demander de l’argent au Roi à cause de sa timidité. Au moment de la séparation, la petite Adélaïde (Madame Quatrième) fait une scène terrible à ses parents. Face à son désarroi et à ses larmes, Louis ne peut résister et décide de la garder près de lui. La cour de France va donc abriter uniquement le Dauphin, les jumelles et Madame Quatrième. Cette même année 1738, Marie fait une fausse couche : les médecins la mettent en garde contre les dangers d’une nouvelle grossesse. Désemparée, la Reine choisit de ne pas en parler au Roi et lui ferme dorénavant sa porte.
Fontevraud a un climat très rude : la petite vérole emporte Madame Septième à l’âge de 8 ans. Elle n’aura jamais revu ses parents. Conscient de la détresse de sa femme, Louis va faire appel au portraitiste officiel de la cour, Jean-Marc Nattier, afin qu’il peigne les princesses Victoire, Sophie et Louise. Mais le beau roman d’amour des débuts va s’étioler pour laisser place à une nouvelle relation : Marie, toujours aussi éprise de son époux, va devenir à la fois sa mère, sa grande sœur et sa meilleure amie, tandis que Louis va profiter de sa jeunesse.
La « Bonne Reine»
Marie est sûrement une des Reines de France les plus bafouées et les plus outragées, car on connaît surtout les maîtresses de Louis XV. Pourtant, c’est elle qui a régné le plus longtemps sur la France, puisqu’elle est restée reine durant 43 ans.
En 1738, Marie a 35 ans et ne peut plus avoir d’enfant. Soucieuse de préserver les bonnes grâces de son mari, elle lui cache son état de santé et ferme la porte de ses appartements. C’est le début de la séparation du couple. Chacun va mener une existence parallèle, même s’ils continuent de se voir avec amitié. La différence d’âge les éloigne : la Reine est déjà vieille pour l’époque et elle a beaucoup perdu de sa fraîcheur suite à ses nombreuses grossesses. Si le Roi a été fidèle à son épouse pendant 7 ans, il estime à présent que son devoir est rempli et qu’il peut aller s’aventurer vers de plus verts pâturages. La première d’une longue série de femmes est la comtesse de Mailly, avec laquelle il s’affiche, sans aucun scrupule pour sa femme. La Reine en est profondément meurtrie, car la comtesse est une de ses dames d’honneur : elle est donc obligée de supporter la présence de la maîtresse de son mari tous les jours. Triste mais non désespérée, elle pleure mais décide tout de même de se battre : elle qui déteste ça, elle suit la chasse (c’est-à-dire qu’elle monte à cheval pour parcourir les forêts en sa compagnie afin de débusquer du gibier) quand Louis part avec la belle comtesse. Puis elle prend conscience qu’être reine, c’est savoir être patiente et accepter la situation imposée par son mari. Dans un siècle dominé par le libertinage, plus Louis va s’étourdir de plaisir (dans les bras des quatre filles du duc de Nesles, par exemple), plus Marie va faire pâle figure, car elle renonce à toute forme de coquetterie. Elle sent qu’elle n’a pas sa place dans ce monde de passion et de nuits enchanteresses. Elle s’enferme donc dans le Pavillon français qui devient alors un refuge pour cacher sa peine et sa douleur.
La douceur et la piété de Marie est sans limite : lorsque la plus jeune des sœurs de Nesles décède, Marie priera quand même pour elle bien qu’elle ait été la plus détestable des maîtresses de Louis. Pour elle, c’est une façon de partager le chagrin du Roi par amour. Quelques mois plus tard, Louis XV va se consoler dans les bras de celle qui sera l’amour de sa vie : la très célèbre Madame de Pompadour. C’est une femme cultivée, ravissante, très élégante et qui fréquente les écrivains et les philosophes. Intelligente, elle va pousser Louis à avoir des attentions pour sa femme, et la Reine le sait. C’est pour cette raison que ce ménage à trois va relativement bien fonctionner, et ce, malgré la haine des enfants du couple royal, qui ne lui pardonne ni son origine trop modeste, ni son statut de « Maman putain », car, en véritable mère maquerelle, c’est elle qui fournissait au Roi des jeunes filles pour satisfaire son bon plaisir. De son côté, Marie pense qu’elle doit racheter les écarts de conduite de son époux : plus Louis est adultère, plus Marie devient pieuse. Mais la messe n’est pas son seul loisir. Elle s’aménage du temps libre dans le parc de Versailles et s’adonne à son amour pour les fleurs, ce qui lui permet d’assurer sa fonction de Reine avec autant de dignité que possible. Dans ses appartements privés, elle reçoit ses amis et son entourage restreint, séduit par ses manières simples et sa culture et sa simplicité, car l’étiquette n’a pas sa place dans ces petites réunions. Durant ces assemblées, on lit des poèmes, on écoute de la musique, on joue. Marie, qui aime donner aux autres, s’endette personnellement pour soutenir des bonnes œuvres et va même jusqu’à demander à ses dames d’honneur de faire de la couture pour offrir des vêtements aux plus démunis.
Mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, Marie n’est pas une sainte ! S’il y a un péché qu’on peut lui attribuer, c’est la gourmandise. Elle adore les douceurs, les gâteaux et la bonne chair. D’ailleurs, elle a gardé à son service le pâtisser de son père. Parmi les desserts préférés de la Reine, on trouve le baba au rhum, dont l’origine est attribuée à Stanislas, ainsi que les madeleines. Elle appréciait également particulièrement les bouchées à la reine, dont elle est l’inspiratrice. Sa deuxième faiblesse connue, c’est le jeu. A cette époque, jouer est interdit dans tout le royaume sauf à Versailles, et Marie s’en donne à cœur joie. Elle ne joue quasiment qu’au jeu de cavagnole, sorte de loto, qui l’amuse follement (mais elle seule, les courtisans s’ennuient profondément lorsqu’elle y joue pendant des heures). De par son éducation, la Reine est douée pour la peinture et le dessin : prenant des cours pour cultiver ce don, elle va révolutionner la peinture de son époque en commandant un portrait simple d’elle, sans les attributs royaux, à Jean Marc Nattier, peintre officiel de la cour.
Elle est également influente dans le domaine musical : cet art n’avait pas été dépoussiéré depuis Louis XIV et on ne jouait encore que du Lully à la cour. En 1737, elle fait venir le déjà très célèbre castra Farinelli à la cour de France et, en 1764, elle invite un jeune prodige, âgé de 8 ans, qui espère beaucoup de sa venue au royaume de Louis XV pour faire des rencontres importantes pour son avenir. Ce petit garçon va jouer très brillamment sur son instrument de prédilection, le clavecin. Il est doué à un tel point qu’il est capable de transposer ses morceaux dans une autre tonalité en temps réel, et ce, même avec un drap posé sur le clavier. Ce jeune génie musical a même le privilège de s’asseoir à table à côté de la Reine, qui prend plaisir à converser avec lui en allemand. Ce qui surprend les courtisans, car ils ont tendance à considérer la timidité de Marie comme de la stupidité et en oublient qu’elle parle couramment plusieurs langues. Ce jeune garçon, c’est Wolfgang Amadeus Mozart.
Mais malgré l’occupation de son temps libre, Marie souffre de l’indifférence de son mari. L’année 1752 va marquer un tournant dans sa vie. Tout d’abord, elle perd l’aînée de ses filles, Henriette, à l’âge de 24 ans. Puis, c’est sa sœur jumelle Elisabeth qui la suit dans la tombe quelques années plus tard, succombant à la petite vérole. Marie doit ensuite faire face au décès du petit duc de Bourgogne, le fils du Dauphin, qui décède à l’âge de 10 ans. La lignée est tout de même assurée, car la Dauphine Marie Josèphe de Saxe (épouse du Dauphin, fils de Marie) a donné 5 fils à son mari, dont les futurs Louis XVI, Louis XVIII et Charles X. En 1763, la Reine perd sa confidente et meilleure amie, la duchesse de Luynes. Lorsque la Pompadour meurt en 1764 après avoir passé près de 20 ans à Versailles, Marie doit soutenir Louis qui est d’autant plus inconsolable qu’il ne peut lui rendre un dernier hommage : il se contentera de suivre son cercueil des yeux. Mais la série noire ne s’arrête pas là. En 1765, c’est le Dauphin qui est atteint de la tuberculose. La femme meurtrie qu’est devenue la Reine a besoin de se retrouver auprès de celui qui l’a toujours soutenu : son père, Stanislas, âgé maintenant de 87 ans. Marie part donc pour Commercy, où son père déploie tout son savoir-faire pour l’égayer et la réconforter. Ces trois semaines passées en compagnie de son père vont être ses derniers moments de joie. Quelques mois après son retour, son fils meurt des suites de sa tuberculose : il ne reste que quatre filles sur les dix enfants qu’elle a donné au Roi. Mère meurtrie, elle apprend quelques temps plus tard le décès de son père adoré, en février 1766. C’est la rupture du dernier lien qui la rattachait à la vie : elle entre lentement en agonie et, suite à un refroidissement*, elle se laisse tout simplement mourir. Sa dernière œuvre de charité sera la création du Couvent de la Reine, un établissement d’éducation pour les jeunes filles pauvres de la noblesse.
Touché malgré tout par la fin de celle qui a été son tout premier amour, Louis XV retrouve une intimité avec sa femme, qui s’éteint en 1768 entourée des siens. Le peuple pour qui elle a été si généreuse, va la pleurer longtemps. Louis XV, qui a toujours gardé un tendre sentiment pour sa femme, va organiser des funérailles dignes de la « Bonne Reine » comme l’avaient surnommée les Français et, sur le chemin de Versailles à Saint Denis, les gens des alentours vont allumer des torches pour tracer un chemin de lumière ininterrompu.
Marie Leszczynska est la dernière Reine de France à être enterrée à Saint-Denis. C’est également la dernière Reine qui meurt avec sa couronne. Selon ses souhaits, son cœur repose à Nancy, près de la tombe de son père.
Et vous, connaissiez-vous l’histoire de Marie Leszczynska ? Que pensez-vous de cette Cendrillon polonaise ?
Shini
*scrofuleuse : maladie qui entraîne des boutons et des ganglions au niveau de la gorge, pouvant déboucher sur des ulcères.
*refroidissement : maladie qui reflète un état grippal.
NB : vous aurez sûrement remarqué que Marie et son père ne portent pas tout à fait le même nom de famille. Il s’agit d’une règle appliquée au nom de famille dans les familles nobles. Ainsi, le suffixe « ski » signifie seulement « fils de », tandis que le suffixe « ska » désigne la « fille de ».
Sources
Antoine de Meaux, Secrets d’histoire, Louis XV et Marie Leszczynska : tromperies à Versailles, France 2, 24/07/2012.
Mathieu Méric, Mon Histoire de France. Edition Hachette Jeunesse, 1996.316p
http://www.chateau-versailles-magazine.fr/2011/10/la-reine-marie-leszczyn%CC%81ska/
http://lorraine-cafe.fr
Images
http://www.chateauversailles.fr/
http://fr.wikipedia.org/wiki//wiki/Marie_Leszczyńska
http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_XV_de_France
Je te remercie pour cet article. Vraiment.
Moi qui déteste l’histoire et tout, j’ai trouvé que cette histoire parallèle au règne de Louis XV était très émouvante. On n’imagine pas qu’une reine puisse être aussi « simple », aussi bienveillante avec son peuple. Sa vie n’a pas été simple.
En tout cas, ton article est très bien écrit, je n’ai eu aucun mal à tout lire d’une traite ! =)