Polémique autour du Dengvaxia, le vaccin contre la dengue

Il était prévu de produire 100 millions de doses du Dengvaxia par an
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En mai 2015, je vous parlais de la dengue, de l’enjeu de santé publique qu’elle représente et de l’espoir d’un vaccin pour lutter contre cette maladie. Depuis, Sanofi Pasteur a commencé à commercialiser son vaccin, mais l’entreprise se retrouve au cœur d’une polémique à cause de décès qui pourraient être liés à ce produit. Revenons dans cet article sur la commercialisation du Dengvaxia et sur les problèmes qui sont aujourd’hui soulevés.

La commercialisation du vaccin contre la dengue

Dans les années 90, Sanofi Pasteur a lancé une grande campagne de Recherche et Développement pour la mise en point d’un vaccin efficace pour se protéger contre la dengue. Après des années de recherche, un investissement dépassant les 1,5 milliard d’euros et des essais cliniques aux conclusions positives, les premières doses commerciales devaient être disponibles à la fin de l’année 2015.

La stratégie de Sanofi Pasteur était de mettre tout d’abord l’accent sur les pays du Sud, particulièrement touchés par la dengue. Dans un second temps, il était prévu de demander l’autorisation de vendre le vaccin à l’Union européenne (le dossier est actuellement en cours d’étude) ou aux États-Unis (la décision de soumettre le dossier sera prise dans la première moitié de l’année 2018).

Le Mexique a été le premier pays à donner une autorisation de mise sur le marché (accord préalable à toute commercialisation d’un médicament) pour ce vaccin début décembre 2015. Il n’est pas étonnant que ce pays ait rapidement saisi l’occasion de protéger sa population contre ce virus, car le seul moyen de se prémunir contre la dengue était jusqu’alors d’éviter la piqûre de moustique qui est à l’origine de la contamination. De plus, le Mexique a subi une épidémie début 2015 et était donc particulièrement attentif à des innovations pour diminuer l’impact de cette maladie.

Sanofi Pasteur avait aussi déposé une demande d’autorisation de mise sur le marché dans une vingtaine de pays d’Asie et d’Amérique latine, où la maladie est particulièrement présente. Les Philippines et le Brésil n’ont pas tardé à suivre le Mexique et ont accordé le droit de commercialiser le médicament sur leur territoire avant la fin de l’année 2015.

Le Brésil avait de grandes attentes concernant le vaccin, puisqu’il a été estimé qu’en 2015 plus d’1,5 million de cas de dengue y avaient été recensés et que 800 décès pouvaient être directement imputés à cette maladie. Les Philippines avaient ensuite été le premier pays à commander le Dengvaxia et à organiser une grande campagne de vaccination dans environ 6 000 écoles publiques, ce qui concernait à peu près un million d’élèves, dès le mois d’avril 2016.

Sanofi Pasteur avait déjà produit quelques millions de doses de vaccin pour son lancement et misait sur la fabrication de 100 millions de doses chaque année à partir de 2017. L’un des plus grands enjeux pour la réussite de ce vaccin a été le prix. La stratégie du groupe pharmaceutique étant de prioriser les pays émergents, le prix devait y être adapté pour que le vaccin soit accessible. Pourtant, trois doses sont nécessaires selon le protocole vaccinal et, à 7,5 € la dose, cela reste cher pour ces pays ce qui peut expliquer que les ventes aient du mal à atteindre les prévisions.

Les doutes concernant les effets du vaccin contre la dengue

Le Dengvaxia ou vaccin contre la dengue peut éviter d'être malade après une piqûre de moustique

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que la dengue est la maladie transmissible par les piqûres de moustiques qui se propage le plus rapidement au niveau mondial. En effet, près de 400 millions de personnes sont infectées chaque année, et 22 000 en meurent. Cela a sûrement été l’un des éléments qui ont poussé les autorités de santé à autoriser le vaccin de Sanofi Pasteur aussi rapidement.

Après avoir étudié de près les résultats des essais cliniques, l’OMS a publié certaines recommandations sur l’utilisation du vaccin. Ainsi, elle préconise de ne l’utiliser que dans les régions où le virus est très présent (séroprévalence ≥ 70 %, c’est-à-dire qu’au moins 70 % de la population a déjà été en contact avec le virus). De plus, la vaccination ne serait pas une réponse efficace pour lutter contre une épidémie déjà déclarée, mais elle pourrait être un des moyens de la contrôler. La France a suivi ces conseils pour ses départements d’outre-mer et n’a pas introduit le vaccin à La Réunion et à Mayotte, mais la question est encore ouverte pour les départements d’Amérique (Guyane, Martinique, Guadeloupe…).

Il faut savoir que toutes les autorités de santé n’ont pas souhaité se contenter des résultats des premiers essais cliniques pour autoriser la commercialisation du vaccin. C’est par exemple le cas de l’Inde, qui a demandé à Sanofi Pasteur de produire des résultats plus spécifiques à la population indienne avant de donner l’autorisation de mise sur le marché.

De plus, certains éléments devaient toujours être déterminés avec précision à l’issue des essais cliniques. L’efficacité du vaccin ne semblait pas optimale chez les enfants de moins de 9 ans, sans qu’il y ait d’explication particulière. C’est pour cette raison que le produit n’est inoculé qu’aux personnes âgées de 9 à 45 ans. Bien que l’efficacité optimale du vaccin ne soit observée que jusqu’à 16 ans, il peut aujourd’hui être administré jusqu’à 45 ans pour protéger une plus grande proportion de la population.

Finalement, l’efficacité ne serait pas équivalente sur les quatre types de virus qui existent et qui peuvent provoquer la dengue ; la protection de la population ne serait donc pas uniforme selon le type de virus qui infecterait les personnes.

La polémique sur le vaccin contre la dengue

Sanofi Pasteur a essuyé un gros revers fin 2017, alors qu’il a été contraint de déconseiller l’utilisation du vaccin sur les personnes qui n’ont jamais été exposées au virus (dites « séronégatives »). En effet, l’industriel continuait à faire des études cliniques et à récolter les données d’utilisation à grande échelle du vaccin, et ces informations ont montré que le vaccin ne présentait pas la même efficacité selon l’exposition du patient au virus avant la vaccination.

Ainsi, chez les personnes qui n’avaient jamais été infectées par le virus, le vaccin pouvait être à l’origine de cas graves de dengue en cas d’infection. Ça n’est donc pas le vaccin lui-même qui provoquerait la dengue, mais il serait à l’origine d’une réaction plus grave lorsque le patient se trouve confronté au virus après vaccination, contrairement à ce qui est normalement attendu d’un vaccin. Ces réactions n’étaient pas observées chez les patients ayant déjà été en contact avec le virus avant de se faire vacciner.

La notice d’utilisation a donc été mise à jour afin de demander aux professionnels de déterminer si leurs patients avaient déjà pu être infectés ou non avant de les vacciner. Cette évaluation restait cependant une simple probabilité de contact antérieur avec le virus, puisque les tests de diagnostic sont rares et chers et qu’une obligation de tester avant chaque vaccination serait difficile à mettre en place.

Cela n’a pas modifié le positionnement de l’OMS quant aux recommandations de vaccination, puisqu’elle avait déjà pris en compte cet aspect pour rendre son avis : « […] il est possible que la vaccination soit inefficace, ou même, en théorie, qu’elle augmente le risque futur d’hospitalisations ou de dengue sévère chez les personnes séronégatives au moment de la première vaccination, quel que soit leur âge ». Selon l’OMS, la vaccination restait un moyen de limiter la propagation de la maladie dans les pays fortement infectés, ce qui avait un bénéfice important sur la santé publique, malgré ce risque.

Pour relativiser cette déconvenue, Sanofi Pasteur a rappelé qu’il est estimé qu’environ 70 à 90 % des habitants auraient été exposés au virus avant l’adolescence dans les pays les plus fortement touchés par la maladie et que pour un cas de dengue grave survenu suite à la vaccination, 10 cas auraient été évités. Cet argument n’a pas convaincu bon nombre de scientifiques, qui trouvent cela inacceptable qu’un produit censé protéger la santé des patients puisse les rendre malades, même s’il y a un bénéfice collectif.

14 décès ont été observés aux Philippines après l’administration du vaccin parmi les 830 000 enfants vaccinés, et cela a contribué à faire enfler la polémique. Le pays a d’ailleurs suspendu sa campagne de vaccination et toutes les ventes de Dengvaxia en attendant les conclusions d’une enquête confiée à des experts scientifiques et à l’OMS.

De son côté, Sanofi Pasteur se défend de tout lien entre l’administration du vaccin et les décès. Malgré cela, la famille d’une fillette de 10 ans décédée après avoir reçu le vaccin demande un dédommagement de plus de 65 000 euros tandis que l’État philippin réclame le remboursement de sa campagne de vaccination (60 millions d’euros). Sanofi Pasteur a déjà accepté de rembourser les doses non utilisées suite à l’interdiction d’utilisation du Dengvaxia, soit près de 23 millions d’euros, afin d’apaiser les tensions entourant ce vaccin.

Quel avenir pour le vaccin contre la dengue ?

Il est possible de se faire vacciner contre la dengue grâce au Dengvaxia

D’un point de vue économique, le Dengvaxia semble déjà être un échec pour Sanofi Pasteur. Alors que l’entreprise misait sur cette innovation très attendue pour briller dans le monde, les ventes n’ont jamais atteint le niveau attendu. Elles étaient prometteuses au lancement en 2016 (50 millions d’euros de chiffre d’affaires entre janvier et septembre), mais ce chiffre a été divisé par plus de deux en 2017 (22 millions d’euros de chiffre d’affaires sur la même période, dont seulement 4 millions entre juillet et septembre).

L’usine de production était préparée à écouler les 100 millions de doses qu’elle fabrique chaque année, mais fin 2017, seulement un dixième avait trouvé acheteur, ce qui a contraint Sanofi Pasteur à limiter la production pour éviter que les doses déjà prêtes ne se périment avant utilisation, et à lancer une réflexion pour fabriquer d’autres vaccins sur ce site afin d’y maintenir une activité.

Les conclusions de l’enquête menée par les experts scientifiques et par l’OMS auront un impact déterminant sur l’utilisation future du vaccin. Elles pourraient demander de faire systématiquement un test chez les personnes à vacciner pour surveiller leur sérologie et écarter les séronégatives, demander l’arrêt pur et simple de l’utilisation du vaccin ou encore le maintenir avec les recommandations actuelles.

Il faut savoir que le Dengvaxia n’est pas le premier vaccin à faire l’objet de ce genre de polémique. En voici quelques exemples :

  • Un vaccin contre le rotavirus (responsable de gastro-entérites) provoquait chez les nouveau-nés des complications très graves, ce qui a poussé à le retirer du marché après seulement un an de commercialisation,
  • Un vaccin contre la poliomyélite est à l’origine d’une polio paralysante dans un à quatre cas sur un million.

À la différence des produits ci-dessus, le Dengvaxia ne provoque d’effets indésirables que chez une population qui peut être détectée, et non pas de façon aléatoire.

Les attentes liées au Dengvaxia étaient grandes pour aider à contrôler la propagation de la maladie dans le monde, mais les doutes qui persistaient sur son efficacité et les effets indésirables chez les personnes séronégatives ont été à l’origine de nombreuses réticences. Avez-vous entendu parler de ce vaccin ? Êtes-vous d’accord avec les recommandations de l’OMS en faveur du bénéfice collectif ou trouvez-vous cela inacceptable qu’avoir des effets indésirables aussi graves chez certains patients ? Qu’attendez-vous de l’enquête lancée par l’OMS et les experts scientifiques ? Dites-nous tout dans un commentaire !

Ursuline

Sources texte :

 – capital.fr

 – europe1.fr 1 et 2

 – francetvinfo.fr

 – la-croix.com

 – lefigaro.fr

 – lemonde.fr

 – mesvaccins.net

 – nouvelobs.com

 – ouest-france.fr

 – reuters.com

Sources images :

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 – Image à la une

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