14 Juillet : une fête nationale

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Nous avons récemment fêté le 14 Juillet. Mais savez-vous quel événement est pour toujours associé à cette date devenue fête nationale ? Je vous propose de le découvrir à travers cet article, mais attention : il se peut que vous soyez surpris !

Qu’est-ce qu’une fête nationale ?

Chacun d’entre vous le sait, tous les ans à la mi-juillet, c’est l’effervescence nationale : traditionnel bal des pompiers, multiples feux d’artifice tous plus beaux les uns que les autres, retransmission télévisuelle du défilé militaire et surtout, jour férié qui signifie que la majorité des Français ne travaille pas. Cependant, nous ne savons pas toujours ce qui se cache derrière cette date si particulière.
Tout d’abord, arrêtons-nous sur la définition d’une fête nationale : vous ne l’aurez pas forcément remarqué, mais parmi les nombreux jours fériés que nous avons en France, il n’y a qu’une seule fête nationale. Il faut savoir que cette date est fixée afin de commémorer un événement lié à l’État, qu’il soit d’ordre politique, culturel ou historique. Selon les pays, cet événement peut être :

– l’anniversaire d’un souverain, comme au Grand-Duché du Luxembourg par exemple, où le 23 juin célèbre l’anniversaire de la Grande Duchesse Charlotte (née le 23 janvier 1896 et décédée le 9 juillet 1985)1

– la naissance d’une nation, comme aux États-Unis où le 4 juillet est un jour fêtant la signature de la Déclaration d’indépendance vis-à-vis de la Grande Bretagne en 1776

– la proclamation d’un nouveau régime, comme au Niger où le 18 décembre de chaque année rappelle la naissance de la République en 1958

– la célébration d’un événement particulier : en Grèce, le 25 mars commémore le début de la guerre d’indépendance contre les Turcs en 1821.

En France, il faudra attendre les républicains de Jules Ferry en 1880 pour que le 14 Juillet devienne fête nationale. Cette date est associée à deux faits historiques : la prise de la Bastille en 1789 et la fête de la Fédération en 1790. Petit retour sur ces deux événements.

14 juillet 1789 ou 14 juillet 1790 ?

1789 : une année qui évoque dans tous les esprits la Révolution française et les atrocités qui ont pourtant vu naître les bases de notre démocratie actuelle. Mais comment la Révolution a-t-elle pris forme ?

Bastille

Il faut déjà se replacer dans le contexte de l’époque.
Au début de cette année-là, la France traverse une grave crise économique, accentuée par un hiver glacial et la famine qui ravage le pays. Le déficit français s’est creusé suite aux dépenses faramineuses de la Cour mais également à cause du soutien financier important que Louis XVI a apporté à la guerre d’indépendance des États-Unis. Le peuple est miséreux et se met à exécrer le couple royal, qui nage dans l’opulence : Marie-Antoinette, décrite comme très dépensière, cristallise à elle seule une haine incommensurable de la part de ses sujets.
Pour éviter la banqueroute de son pays, Louis XVI n’a d’autre moyen que de convoquer les États Généraux, ce qu’il fait sur les conseils de Necker, son ministre des finances. Cependant, il le fait en contradiction totale avec sa façon de considérer la politique puisqu’il estime que ses sujets n’ont pas à s’immiscer dans sa politique.
Ainsi, le 5 mai 1789, 1139 députés représentant le clergé, la noblesse et la bourgeoisie du tiers état vont se réunir à l’hôtel des Menus Plaisirs que Louis XVI a fait spécialement construire pour l’occasion. Il faut savoir que Louis XVI est un homme très grand pour son époque et possède un physique qui, s’il n’impose pas le respect à ses interlocuteurs, est tout de même impressionnant. Doté d’un fort embonpoint malgré la chasse qu’il pratique assidûment, il aurait été un bourgeois campagnard parfait, mais il lui manque le charisme dont faisait preuve ses ancêtres. Au moment des États Généraux, il cherche à montrer qu’il est le maître incontesté de la France et met en scène la salle des Menus Plaisirs pour signifier sa grandeur à son peuple.
Malheureusement, il commet, de pair avec Necker, une faute diplomatique grave : alors que les représentants du tiers état sont venus avec des questions et des réformes, Louis XVI s’enferme dans son rôle de Roi, ne répond à aucune des interrogations et ne cède devant aucune réforme. De plus, la Reine, qui est également présente, ne cache pas son ennui. Avec le recul, on ne peut lui en vouloir : élevée à la rigide cour d’Autriche, Marie-Antoinette ne comprendra jamais que le peuple puisse se mêler de politique.
La situation est donc bloquée aux États Généraux : le tiers état se heurte au clergé et à la noblesse pour lesquels il est hors de question d’abandonner le moindre privilège. Suite à cette première séance ratée, un drame personnel va venir faire basculer un peu plus les événements qui couvaient : c’est la mort du Dauphin. De santé fragile surtout depuis la variolisation (immunisation d’un sujet contre une variole grave) qu’il a subi en 1785, l’héritier du trône meurt des suites d’une tuberculose mal soignée combinée à une gangrène des vertèbres.

Le couple royal est anéanti par cette disparition et bien trop occupé à faire son deuil pour noter que cette nouvelle passe quasiment inaperçue, à une époque où le peuple ne vivait qu’à travers la famille royale : la révolution des esprits est en cours. Le pouvoir monarchique est donc affaibli : les espoirs royaux reposent maintenant uniquement sur le cadet, le jeune Louis Charles, âgé de seulement 4 ans. Cette tragédie va contribuer à éloigner un peu plus le Roi des événements politiques agitant la France.
Constatant l’absence du pouvoir royal, le tiers état s’autoproclame Assemblée Nationale. Louis XVI riposte en faisant fermer la salle des Menus Plaisirs, signifiant ainsi sa volonté de mettre un terme à ce qu’il considère comme un simple échauffement du peuple.
Mais les députés du tiers état n’ont pas dit leur dernier mot et se réunissent dans la salle du Jeu de Paume, ce qui constitue une attaque directe au pouvoir monarchique. Le 23 juin, Louis XVI déclare que les décisions prises par cette Assemblée Nationale sont nulles, illégales et inconstitutionnelles et ordonne la dispersion des députés. Il sort ensuite de la salle, suivi par le clergé et la noblesse, mais les députés du tiers état restent sur place et s’élève alors la voix de Mirabeau, clamant qu’ils ne sortiront que par la force des baïonnettes.
Devant cet affront, Louis XVI accepte l’existence de cette nouvelle institution, qui se nomme désormais Assemblée Constituante, chargée d’organiser la vie politique du royaume. En apparence, cela se présente dans de bonnes conditions pour la mise en place d’une monarchie constitutionnelle, mais en apparence seulement. En effet, Louis XVI a fait mine de capituler, mais en même temps, des régiments de mercenaires convergent vers Paris dès fin juin. Avant toute chose, il faut reconnaître que Louis XVI a tout fait pour ne pas verser le sang de son peuple, et c’est une des qualités qu’on ne peut que louer chez lui.
Le 11 juillet, Louis XVI congédie Necker, jugé trop libéral, et le remplace par le baron de Breteuil, choisissant ainsi la voie de l’affrontement2.

Le lendemain, la nouvelle du renvoi de Necker se répand comme une traînée de poudre dans les jardins du Palais Royal. Parmi la foule, un jeune journaliste du nom de Camille Desmoulins appelle aux armes pour « la Saint Barthélémy des patriotes » et invite ses partisans à choisir une cocarde verte comme signe de ralliement. C’est alors que surgit un régiment de cavalerie et que tout bascule : le régiment charge la foule, les Parisiens font face dans un premier temps, mais finissent par se répandre dans Paris.
Or, cette bavure va enflammer les émeutiers : dans la nuit du 12 au 13 juillet, les premières barricades se mettent en place, et les bourgeois organisent la résistance, allant même jusqu’à piller le Mont de Piété pour obtenir des armes3.

Pendant ce temps à Versailles, la Reine est à Trianon et le Roi chasse : il s’agit d’une journée très ordinaire pour eux ! N’oublions pas que Versailles est séparé de Paris par une vingtaine de kilomètres et que les informations ne circulaient pas aussi vite à l’époque que de nos jours.
Le 14 juillet, les émeutiers se dirigent vers la réserve d’armes la plus importante de la capitale : l’hôtel des Invalides, dirigé par le marquis de Sombreuil qui ouvre les portes aux émeutiers afin de protéger à la fois sa vie et celle de sa garnison. Ainsi armée, la foule se dirige maintenant vers la Bastille, qui abrite la plus grosse réserve de poudre de la capitale (les armes sans poudre étant inutiles). Mais le gouverneur de la Bastille, M. De Launey, n’a pas le charisme du marquis de Sombreuil. N’ayant aucun ordre de Versailles, il n’a que deux solutions : ouvrir les portes de la Bastille ou faire tirer sur les émeutiers. Or, il ne fait rien : les esprits échauffés finissent par tirer et la Bastille est assiégée. De Launey finira par capituler, en demandant la vie sauve pour lui-même et pour sa garnison, mais cela ne l’empêchera pas de devenir la tristement célèbre première tête piquée de la Révolution. Malgré tous ces actes, les émeutiers ne sont pas punis !

 

L’année suivante, en pleine tourmente de la Révolution, c’est le jour du 14 juillet qui est choisi par l’Assemblée pour fêter la réconciliation avec le Roi. Même si la prise de la Bastille et les horreurs de l’année précédente restent présentes en chacun, il s’agit ici d’apaiser les esprits. L’idée de l’Assemblée était de réconcilier tous les Français : c’est Lafayette qui va être chargé d’organiser cette fête. Il fait appel à l’évêque d’Autun, le fameux Charles Maurice de Talleyrand Périgord, pour célébrer la messe, et il entreprend des travaux pour aménager le Champ de Mars pour les célébrations. Il faut savoir que les ouvriers ont côtoyé les nobles et même le Roi durant ces travaux ! Cette fête est une réussite : Louis XVI se joint aux députés et prête serment à la Nation. La fête de la Fédération est donc la première fête de la jeune République qui se met doucement en place.
Malheureusement, malgré l’enthousiasme populaire, cette fête n’aura pas l’effet escompté puisque la Révolution finira par tuer le pouvoir monarchique.

14 juillet 2

Mais que reste-t-il de ces événements dans les célébrations d’aujourd’hui ?

Zoom sur la fête nationale en France

De nos jours, le 14 Juillet est l’occasion de faire la fête en célébrant la République. La journée débute chaque année depuis 1880 par le défilé militaire, qui se tient sur les Champs Élysées à Paris.
Les unités pédestres, montées, motorisées et aériennes descendent la plus belle avenue du monde depuis la place de l’Étoile (ou place Charles de Gaulle) jusqu’à la place de la Concorde. Là, une estrade est dressée pour que chaque corps militaire puisse saluer le Président de la République. Il faut savoir qu’il existe d’autres défilés militaires, généralement dans les villes de garnison comme Marseille ou Rochefort, mais ils sont beaucoup moins médiatisés que celui de Paris.

Mais quel rapport entre cet étalage d’uniformes et la Révolution Française ? Il n’y en a pas !
En 1880, le gouvernement décide de définir le 14 juillet comme fête nationale. A cette époque, la guerre franco-allemande de 1870 reste une cuisante défaite dans les esprits français, le territoire de l’Alsace Lorraine étant désormais passé sous la direction de la Prusse. Il faut alors redorer le blason de la puissance militaire française et donner confiance au peuple afin que chacun soit mobilisé pour partir à la reconquête des territoires perdus.
Il faut savoir que ce défilé militaire se faisait sur l’hippodrome de Longchamp : le défilé sur les Champs Élysées se fera après la fin de la Première Guerre mondiale, symbole de la « revanche française ».
Si nous avons tous en tête cette revue militaire effectuée par le Président de la République et le chef des Armées, il ne faut pas oublier que le spectacle est aussi assuré dans les airs, grâce aux virtuoses de la Patrouille de France. Aux commandes d’avions de chasse équipés de fumigènes, ces pilotes offrent un spectacle bleu, blanc et rouge d’une réelle beauté.

Une fois le défilé militaire terminé, la fête s’octroie une après-midi de calme avant l’effervescence du soir.
C’est d’abord le traditionnel bal des pompiers. Cette tradition parisienne trouve son origine au XXe siècle : les pompiers avaient l’habitude de passer la fête nationale entourés par leur famille, autour de jeux communs et d’animations diverses. Le 14 juillet 1937, à Montmartre, une petite foule de curieux s’est regroupée devant la porte de la caserne, espérant pouvoir participer à cette liesse. Généreux, les pompiers leur ouvrirent et les invitèrent à passer la soirée en leur compagnie. L’année suivante, plusieurs casernes ont fait de même et c’est ainsi que, malgré une suspension durant la Seconde Guerre mondiale, la tradition de célébrer la Fête Nationale au côté des hommes du feu a perduré jusqu’à nous.
Enfin, après avoir dansé une bonne partie de la soirée, les Français se regroupent sur les diverses esplanades, parcs ou autres endroits dégagés pour admirer le feu d’artifice. Il faut savoir que cette manifestation est la seule que nous avons conservé qui ait un rapport direct avec la monarchie. Vous n’êtes pas sans ignorer que la France a importé les feux d’artifice d’Asie. Cependant, beaucoup d’entre nous ignorent que c’est au mariage de Louis XIII avec Anne d’Autriche en 1612 qu’a été tiré le premier spectacle pyrotechnique de notre histoire. S’il est considéré comme une marque de richesse et de royauté (tous les prétextes royaux étaient bons pour étaler sa puissance par ce moyen très coûteux !), l’arrivée de la Révolution va rendre ce spectacle magique accessible à tous : le premier feu d’artifice « populaire » sera d’ailleurs tiré pour la fête de la Fédération en 1790. Mais dans les esprits surchauffés, cela rappelle trop une royauté dont on ne veut plus. Ainsi, le feu d’artifice sera délaissé jusqu’à ce qu’un certain Napoléon Bonaparte le remette à la mode alors qu’il est Premier Consul.

14 juillet 3

Finalement, le 14 Juillet reste une fête populaire et chargée d’histoire. Même si nous ne pouvons la lier à un seul événement (la Constitution est très bien écrite à ce sujet et élude très bien la question puisqu’elle stipule uniquement « Le 14 Juillet devient fête nationale. »), elle apparaît comme un symbole d’union entre tous les Français.

Et vous, connaissiez-vous les événements qui ont donné naissance à notre fête nationale ? Avez-vous des souvenirs particuliers de ce jour à nous faire partager ?

Shini

Notes

1 : Pour des raisons climatiques, la fête nationale du Luxembourg a été décalée du 23 janvier au 23 juin. Cette date a été maintenue malgré l’abdication de la grande duchesse Charlotte en faveur de son fils aîné en 1964.
2 : Le baron de Breteuil était du côté de la Reine et du Comte d’Artois, frère du Roi, qui souhaitaient envoyer les troupes armées sur la foule des Parisiens.
3 : Ironie du sort, ces armes ne sont que des armes de collection, datant de Louis XIV. Cependant, cette anecdote démontre la ferveur populaire et l’état d’esprit qui animait les émeutiers, prêts à tout pour assouvir leurs instincts.

Sources

http://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%AAte_nationale_fran%C3%A7aise
http://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%AAte_nationale
http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_f%C3%AAtes_nationales
http://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%AAte_de_la_F%C3%A9d%C3%A9ration
http://www.arte.tv/fr/la-coutume-le-bal-des-pompiers/568986,CmC=568994.html
David Jankowski, Secrets d’histoire, « 14 juillet : le matin du grand soir », France 2, 14/07/2013

1 réflexion sur “14 Juillet : une fête nationale”

  1. Un résumé intéressant de l’histoire de France. Je pense qu’une République gagnée au prix d’une bataille se doit d’être vécue tous les jours, pas une seule journée où les dirigeants daignent accepter l’existence du peuple.

     

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