Agrippine la Jeune : la lutte pour le pouvoir

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Tout le monde a déjà entendu parler de l’Empereur romain Néron, celui que ses contemporains accusaient d’être à l’origine du célèbre incendie de Rome. Mais connaissez-vous celle qui, dans l’ombre, a tout fait pour l’emmener jusqu’au sommet du pouvoir ? Dans cet article, je vous transporte au cœur de la Rome antique pour découvrir Agrippine la Jeune, une des femmes les plus cruelles et ambitieuses de son époque.


Une enfance pervertie

Agrippine la Jeune est née sous le nom de Julia Agrippina le 6 novembre 15 après J.-C. en Germanie inférieure (ancienne colonie romaine qui s’étend actuellement du sud des Pays-Bas au nord-est de la France). Elle est la fille d’un dénommé Germanicus, un grand général romain. Celui-ci est le fils adoptif de l’actuel Empereur Tibère et commande ses armées en Germanie dans l’espoir de prendre un jour à son tour la tête de l’Empire romain. La mère d’Agrippine n’est autre que la petite-fille d’Auguste, le tout premier Empereur romain de l’Histoire. Avec cette généalogie, autant dire que la soif de pouvoir coule dans les veines de la jeune fille.

Statue d'Agrippine la Jeune

Statue d’Agrippine la Jeune

Mais, c’est à la mort – mystérieuse – de son père en 19 qu’Agrippine commence à percevoir tous les enjeux de la politique. L’Empereur Tibère doit en effet choisir un nouveau successeur : une lutte acharnée se met en place entre son héritier naturel et les trois frères d’Agrippine. Cette dernière grandit ainsi, au milieu des trahisons, des cabales, des manipulations et de la haine que sa mère voue à Tibère. Elle doit assister impuissante à la mort de celle-ci et de deux de ses frères, et aux procès de plus en plus nombreux dirigés contre ceux qui sont restés fidèles à ses parents…

Agrippine comprend vite qu’il faut être stratège, cruelle et prête à tout pour rester en vie quand le pouvoir est en jeu. Elle sait également qu’en tant que femme, elle ne pourra jamais régner elle-même sur Rome, mais elle connaît sa force : elle peut mettre au monde un fils et gouverner à travers lui. Son plan est en marche.

L’ascension difficile vers le pouvoir

À seulement treize ans, Agrippine est donnée en mariage par Tibère à Cnaeus Domitius Ahenobarbus, un descendant de Marc-Antoine, âgé d’une quarantaine d’années. Huit ans plus tard, en l’an 37, le fils prodigue, le futur Néron, voit enfin le jour. Le destin commence à sourire à Agrippine…

Buste de Néron

Buste de Néron

La même année, son dernier frère en vie, Caligula, monte sur le trône en succession à Tibère. Il ne règne que quatre ans, aux termes desquels il est assassiné avec sa femme et sa fille âgée d’un an. Au court de son règne, il aura fait tuer son rival, le petit-fils de Tibère, et aura envoyé deux de ses sœurs, dont Agrippine, en exil dans les îles Pontiennes après leur avoir retiré tous leurs biens. Mais la mort de Caligula est la chance qu’Agrippine avait toujours espérée. C’est alors Claude, son oncle et dernier héritier en vie de la lignée, qui monte sur le trône après s’être caché dans un recoin du Palais Palatin, terrifié par le rôle qui l’attendait ! Il n’est pas très estimé de ses contemporains, il bégaye, marche difficilement : il n’a pas l’allure d’un Empereur. Néanmoins, il prend de bonnes décisions politiques et entreprend très vite de faire revenir tous les exilés.

Revenue à Rome et devenue veuve, Agrippine se met à chercher un nouvel époux digne d’elle. Elle fait scandale en aguichant des hommes mariés et parvient à ses fins avec un consul qui divorce pour l’épouser ! Il meurt quelques années plus tard laissant Agrippine de nouveau veuve et plus influente que jamais. Elle découvre alors que sa grande ennemie Messaline, la femme de l’Empereur Claude, a tenté de faire assassiner Néron. Mais cette dernière est mise à mort après avoir été accusée de comploter contre son mari. La place est enfin libre pour Agrippine.

Néanmoins la tâche n’est pas facile. Elle doit éliminer les prétendantes de Claude, le séduire et faire face à une très importante loi romaine : l’interdiction formelle pour un oncle et sa nièce de se marier, un acte qui était considéré comme de l’inceste et donc une atteinte à la paix entre les hommes et les dieux. Mais c’est sans compter sur l’influence d’Agrippine qui réussit à convaincre l’Empereur de faire voter la modification de cette loi. Le mariage a ainsi lieu le 1er janvier 49. Agrippine tient enfin le pouvoir entre ses mains.

Buste de Claude

Buste de Claude

Une seule ombre persiste encore dans son plan : Claude a déjà un fils légitime, et donc un successeur : Britannicus, âgé de huit ans. Mais rien ne peut plus arrêter Agrippine et son ambition démesurée. Elle réussit à convaincre l’Empereur d’adopter son fils et fait assassiner toutes les personnes qui font obstacle à l’avenir qu’elle prévoit pour Néron.

Lorsque Claude commence à émettre des doutes sur l’ordre de succession, il meurt subitement. Ainsi, en octobre 54, Agrippine est enfin seule à la tête de l’Empire romain avec son fils âgé de dix-sept ans.

Le pouvoir tant espéré

Les cinq premières années du règne de Néron se déroulent sans dommages. Bien que l’Empereur soit plus occupé à entretenir sa popularité et sa passion pour la musique, ses conseillers, Sénèque et Burrus, soigneusement sélectionnés par Agrippine, mènent une politique efficace.

Cette dernière, quant à elle, continue de veiller sur la carrière de son fils. Nombre de ses opposants, les partisans de Britannicus, sont assassinés. Agrippine est omniprésente dans les affaires de l’État et sa puissance est à son apogée. Elle apparaît en public aux côtés de Néron, elle écoute en cachette les délibérations au Sénat où les femmes ne sont pas admises, elle réalise des discours à la place de son fils… Sa popularité est telle qu’un nouveau titre est créé en son honneur : celui de mater Augusti (« mère de l’Empereur ») et son visage est gravé sur les pièces de monnaie dans tout l’Empire.

Pièces de monnaie romaines

Mais son attitude commence à déranger Sénèque et Burrus qui entreprennent peu à peu d’éloigner Néron de sa mère. De plus, celui-ci ne supporte pas l’épouse qu’Agrippine lui a donnée, Octavie, qui n’est autre que la fille de Claude et donc sa demi-sœur. Il prend alors pour maîtresse une jeune affranchie nommée Actè, ce qui agace fortement Agrippine. Face à cela, sa réponse est le chantage : elle se tourne vers le jeune Britannicus, âgé maintenant de quatorze ans et affirme qu’il est le meilleur héritier de Claude. Prenant alors conscience du danger que celui-ci représente, Néron le fait empoisonner en plein milieu d’un banquet familial sous les yeux médusés de sa mère et de son épouse. L’Empereur commence à devenir hors de contrôle.

Agrippine, rattrapée par son destin

Agrippine comprend vite l’avertissement qui lui est lancé. Elle qui était autrefois si proche de son fils – des rumeurs d’inceste courraient même dans les rues de Rome – est aujourd’hui reléguée au simple rang de matrone. En effet, Néron la chasse du palais et supprime sa garde personnelle. Pendant ce temps, il s’éloigne de plus en plus de ses conseillers. Une de ses activités favorites est d’ailleurs de sortir déguisé la nuit, afin de piller et de terroriser les Romains. De son côté, Agrippine a bien plus d’ennemis que d’alliés et l’Empereur va jusqu’à payer des gens pour intenter des procès contre elle. Pour s’affranchir définitivement de sa tutelle, Néron prend alors la décision de la faire tuer, il ne reste plus qu’à savoir de quelle manière.

Mais Agrippine n’est pas dupe. Selon Pline l’Ancien, un philosophe romain, elle connaissait même son destin depuis des années. En effet, à la naissance de Néron, elle aurait consulté un mage pour s’assurer du grand avenir de son fils. Deux prédictions lui auraient alors été faites : d’un côté qu’il régnerait et de l’autre qu’il tuerait sa mère. La légende dit qu’Agrippine aurait alors prononcé ces mots : « Qu’il me tue, pourvu qu’il règne… ».

Alors que choisir pour en finir avec elle ? Le poison n’est pas envisageable, Agrippine prend chaque jour des antidotes. L’hypothèse de faire s’écrouler le plafond au-dessus de son lit est examinée, mais c’est finalement un autre stratagème bien plus ingénieux qui est retenu… Pour mettre ce plan en place, Néron lui envoya une lettre de réconciliation l’invitant à venir participer aux célébrations pour la grâce de Minerve, la déesse romaine de la guerre. Ce soir de mars 59, il organisa alors un véritable festin où sa mère tenait la place d’honneur. Pour son retour, il lui offrit un somptueux bateau… conçu pour la mener tout droit vers sa mort. En pleine nuit, la cabine dans laquelle se trouvait Agrippine s’effondra mais, protégée par les montants de son lit, elle fut projetée dans la mer. Une amie se trouvant avec elle appela à l’aide, se faisant passer pour Agrippine, et fut achevée à coup de rames par les marins. La vraie mère de Néron, quant à elle, se fit discrète et réussit à regagner sa demeure à la nage.

Bâteau

Elle se comporta alors comme s’il s’agissait d’un simple accident et informa Néron qu’elle en était rescapée dans l’espoir sûrement qu’il l’épargne. Furieux, il envoya des soldats pour enfin l’achever. Lorsqu’Agrippine les aperçut, elle comprit la décision de son fils et leur demanda de la frapper au ventre, une partie de son corps très symbolique ayant vu grandir cet enfant qui l’a désormais trahie. On fit passer sa mort pour un suicide. Dans son discours, Sénèque affirma qu’elle aurait déclenché une guerre civile et condamna sa mémoire. Néron fut acclamé et le jour de la naissance d’Agrippine devint une date néfaste.

Selon un poète romain de l’époque, les remords ne quittèrent jamais Néron, poursuivi jusqu’à la fin de sa vie par le fantôme de celle qui lui a, un jour, apporté le pouvoir.

C’est ici que s’achève cet article. Connaissiez-vous l’histoire d’Agrippine la Jeune ? Saviez-vous que c’est grâce à elle que Néron est devenu l’un des plus célèbres empereurs romains ? Dites-nous tout dans un commentaire !

Sometimes

Sources Texte :

Les derniers jours des reines, sous la direction de Jean Sévilla et Jean-Christophe Buisson

Roma Quadrata

Sources Images :

– Pixabay

Statue d’Agrippine la Jeune

Buste de Néron

Buste de Claude

Pièces de monnaie

 

3 thoughts on “Agrippine la Jeune : la lutte pour le pouvoir”

  1. Petit Javelot

    Brrr, ce personnage fait froid dans le dos ! Tant de complots et conjurations…

    En tout cas, j’ai tout lu d’une seule traite ; merci pour ton article 🙂

     
  2. Cette femme est vraiment impressionnante et son histoire est vraiment très intéressante.
    Merci beaucoup pour toutes ces informations et pour cet article vraiment très bien écrit 🙂

     

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