Journal d’une animatrice de colonie de vacances

colonie
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Un petit remake du film Nos jours heureux version histoire vraie, ça vous tente ? Oui ? Alors venez avec moi et suivez mon quotidien en tant qu’animatrice au sein de ma toute première colonie de vacances… Action garantie !

J’y vais ou j’y vais pas ?

Bon alors, j’ai besoin de sous et l’animation me manque énormément… Je pourrais tenter une colonie de vacances, ça me changerait un peu.
Et me voilà partie éplucher les propositions d’emplois d’animateur pour la semaine qui m’intéresse, sur un coup de tête je dois l’avouer. Je finis par rapidement trouver l’annonce parfaite et, quelques messages et un entretien d’embauche téléphonique plus tard, je suis prise. La tranche d’âge, c’est les 12-17 ans alors que jusqu’à présent, j’ai exclusivement travaillé avec des maternelles ! Durant toute la semaine suivante, je commence à douter. Je pars en Haute-Loire bon sang, je n’ai même pas la moindre idée de l’endroit où ça peut se trouver.
Moi qui voulais un peu me bousculer et me pousser dans mes retranchements, c’est gagné ! Je pars dans un endroit que je ne connais pas, avec des gens que je ne connais pas, animer une tranche d’âge que je ne connais pas. Ça risque d’être drôle.

La préparation du séjour

Ça, j’ai l’habitude : un séjour en tant qu’animatrice, ça se prépare ! Bon, généralement c’est des semaines en centre de loisirs que je prépare, mais c’est le même principe. Je prends alors contact avec mes futurs collègues via Facebook. Sur un groupe, notre future directrice nous a listé le planning des veillées, en nous guidant sur le genre de jeux qu’elle voulait… À nous de jouer maintenant. L’un d’entre nous crée une discussion groupée afin que l’on communique entre nous plus facilement. Au début, la conversation reste studieuse, mais l’ambiance se détend très rapidement. Ils ont l’air plutôt drôles et sympas et, finalement, je me surprends à me languir du départ.
On se taquine, on plaisante, on se donne des surnoms rigolos. C’est joyeux et bon enfant, tout ce que j’aime ! Puis un message fuse « Apéro tous les soirs les amis ! ».
Bon d’accord, ils m’ont convaincue, j’ai VRAIMENT hâte d’y être.

messages

Le premier jour, dimanche

Après une nuit de voyage où je n’ai pu dormir qu’une heure, j’arrive finalement dans le grand hangar où je suis sensée retrouver mes collègues et les enfants de mon séjour.
Les autres animateurs m’accueillent chaleureusement, les enfants sont plutôt silencieux et ont le visage inquiet, mais c’est normal.
On arrive sur le centre vers 11 h du matin, on est tous crevés… La directrice nous accueille et attribue un animateur référent par chambre, on aide les jeunes à s’installer tranquillement, pour nous ce sera ce soir après la réunion.
Le centre est plutôt grand, c’est arboré, en lisière de forêt, il y a un stade, un mini-golf, un trampoline et un baby-foot, bref, de quoi faire !
L’après-midi, on se mélange à l’autre groupe déjà sur place, en tout nous avons 77 jeunes pour 10 animateurs, ce qui est assez confortable.
Une fois mes 6 jeunes installées, je pars faire une gamelle (un jeu sous forme de cache-cache un peu plus complexe demandant de la stratégie) dehors avec l’autre groupe et rencontrer dans le même temps quelques autres collègues. Rapidement, le manque de respect des enfants de leur groupe me frappe.
Je reprends quelques jeunes et, à chaque fois, ils me répondent très mal et ont l’insulte facile, autant envers les adultes qu’entre eux.
Je commence un peu à avoir peur, je ne comprends pas. C’est ça, la jeunesse d’aujourd’hui ? Je suis perdue et je me demande comment réagir… Je me contrôle afin de ne pas perdre les pédales devant une insolence qui me sidère.
22 h 30, épuisée j’arrive en réunion et on m’explique enfin le truc : on est arrivés avec 27 enfants partis grâce à l’emploi de leurs parents, mais on en a rejoint 50 autres dont la grande majorité sont issus de foyers, de familles d’accueil ou de quartiers difficiles.
Je suis choquée qu’on ne m’aie pas prévenu clairement avant, ça ne me rassure pas.

Le second jour, lundi

Le réveil pique, je me suis couchée à 2 h du matin la veille et, maintenant, il faut que je réveille ma chambre vers 8 h et qu’on aille déjeuner. Je me suis proposée spontanément à la réunion pour accompagner le groupe équitation.
Lorsque nous arrivons au centre équestre, il fait un froid glacial, il neige et j’ai fait la bêtise de ne pas assez me couvrir… Tant pis, je suis là pour les jeunes, je serre les dents et je prends sur moi.
En fin d’après-midi, on attend le bus dans le club house, complètement gelés. Il a du retard et je me sens un peu mal à l’aise pour le moment. C’est long.
Arrive le soir, je dois animer avec un collègue une veillée torpille, le principe est simple :
Il y a deux équipes, la première entre dans une pièce et déplace tout ce qu’elle peut, afin de faire un chemin semé d’obstacles jusqu’à un trésor.
Lorsque celle-ci a terminé, la pièce est plongée dans le noir complet et les membres de la seconde équipe pénètrent un à un dans la pièce.
À chaque fois que le joueur en train d’évoluer dans la pièce touche un obstacle, il doit faire demi-tour et l’indiquer sur une carte afin d’aider les prochains membres à ne pas faire la même erreur.
Honnêtement, je me suis bidonnée de rire tout le long ! Rien que d’écouter à la porte son camarade se prendre des chaises et crier de surprise, c’était à mourir de rire. Il faut être méthodique, élaborer une stratégie et être rapide puisqu’il y a un temps imparti, tout ce que j’adore.

température

Le troisième jour, mardi

Ce soir, on a une grosse veillée : une veillée fureur (vendredi tout est permis version colo si vous préférez), du coup, la préparation a pris du temps hier soir et on a encore très peu dormi…
J’accompagne de nouveau les filles à l’équitation et ce jour-là se passe beaucoup mieux. On discute, on rigole, on improvise un « qui suis-je » dans le club house et on ne voit pas le temps passer !
Arrive le moment de la veillée. Là, pour le coup, c’est sportif. Le repas est terminé, il est temps de lancer le jeu, mais personne ne bouge. Tant pis, je me lance, j’ai devant moi 77 ados surexcités qui font tout, sauf m’écouter.
Mes collègues me laissent me dépatouiller avec le troupeau agité et ma petite voix qui ne porte pas n’arrange rien, merci les amis ! Je m’énerve, je m’égosille et arrive enfin à poser mon autorité et à avoir le calme. J’ai l’impression d’avoir fait la guerre. Sales gosses.
Finalement la veillée est cool, malgré leur agitation.
Ce soir-là, la préparation de la journée du lendemain n’en finit pas et je fais donc l’impasse sur « le 5e », ou si vous préférez, notre petit moment de décompression entre animateurs : on mange des chips et on boit un coup avant d’aller nous coucher, notre 5e repas rien qu’à nous quoi.

Le quatrième jour, mercredi

Je commence à être totalement anesthésiée à cause de la fatigue. Je ne sens plus mon corps et j’ai l’impression de vivre dans une espèce de brouillard. Je suis obligée de me tenir sans cesse occupée si je ne veux pas piquer du nez.
Apparemment, c’est officiel, c’est moi l’accompagnatrice équitation dorénavant, et ça me va très bien.
Cette journée-là est difficile. Mon adjointe me lance une pique en plein milieu des jeunes : « Puis pourquoi t’as toujours tes mains dans les poches toi ?
– Ben j’ai froid…
– Alors mets des gants ! »
Je ne comprends vraiment pas le problème, on est à l’extérieur après tout, je ne fais rien de mal.
Un jeune me demande si ça arrive souvent qu’elle me parle de la sorte. Super la crédibilité auprès d’eux après ça. Je pars au cheval sur les nerfs et les larmes aux yeux.
Heureusement, le soir, on anime une super veillée en petit groupe avec une collègue, je décompresse un peu de ma journée grâce à ça !
Le soir je suis de nuit, je dois rester dans les couloirs et surveiller que tout va bien. Je me retrouve seule à coucher un groupe d’une petite vingtaine d’ados garçons, ce qui représente l’épreuve de ma semaine. Pour la faire courte, ça a donné un truc du genre « Hé les gars, vous êtes obligés de claquer toutes les portes ? Oh ! Chut ! Vous allez réveiller les petits ! OH JEAN CHARLES, C’EST PAS PARCE QUE T’ES DANS LA SALLE DE BAIN QU’ON T’ENTEND PAS HURLER ALORS TU BAISSES D’UN TON, S’IL TE PLAÎT ! »
Oui, une épreuve je vous disais !
C’est là que je me rends compte que c’est dur d’être de nuit : on est deux, réparties sur les deux couloirs, donc on ne peut pas discuter et la fatigue, quand on ne fait rien, se fait sentir plus que jamais.

Le cinquième jour, jeudi

Veillée boom ce soir, la plus attendue ! La journée est aux préparations. Un groupe fait la cuisine, un autre fait des décorations pour la salle et, pour ceux qui ont trop la bougeotte, un collègue anime des petits jeux sportifs dehors, sous la neige.
A la fin, tandis que je range un peu la salle, un jeune se propose de m’aider. Pendant qu’il s’active, il se met à me parler un petit peu de sa vie, de sa famille et de ses ambitions pour son futur. Je n’ai pas trop envie de raconter publiquement ce qu’il m’a confié mais, ce qui est sûr, c’est que ce gamin m’a énormément émue. Il ne vit pas dans un cadre facile et pourtant, il a une réelle envie de se démarquer de ses frères plutôt très mal partis dans la vie, il a de la suite dans les idées, il veut faire de jolies choses. J’ai passé 4 jours à être agacée par ce jeune à cause de son vocabulaire très limite et je l’observe à présent avec un regard neuf. J’ai adoré qu’il ait partagé ça avec moi, c’était très touchant.
Le soir, durant la boom, je me régale. Je suis positionnée aux toilettes durant la première demi-heure, ce qui me permet d’avoir tous les potins, j’ai les feux de l’amour en direct devant moi ! C’est drôle quand même un ado.
Mon tour de Dame Toilettes achevé, je vais sur la piste voir un peu les jeunes qui dansent et tombe sur notre seule petite de 8 ans, étendue par terre la tête entre les mains.
« Ben alors ma puce ? Ça va pas ? Allez amuse-toi, ce soir c’est la fête, tu penses à rien d’autre ! »
Je reste sur les fesses quand la petite me rétorque en criant et pleurant en même temps :
« Mais je peux pas penser à rien ! Y’a trop de choses dans ma tête ! »
Je sais que cette enfant vit en foyer, je sais aussi qu’elle a grandi dans beaucoup de violence. Ça me déchire le cœur de la voir comme ça, le pire, c’est que je ne peux rien faire pour elle, elle a probablement connu des choses bien plus difficiles que tous les coups durs de ma vie rassemblés… Pauvre petit cœur.
Plus tard, je suis réveillée dans la nuit par un drôle de bruit. Rapidement, je comprends que c’est une de mes collègues et camarade de chambre, qui assomme sa voisine du dessous à coups de polochons pour la faire taire, dans la mesure où elle ronfle comme un camionneur. Malheureusement, ça marche mal et plus elle fait du bruit pour la faire arrêter, plus la malheureuse ronfle fort. C’est donc ainsi qu’à 5 h du matin, on a eu droit à un fou rire général de la chambrée.

Le sixième jour, vendredi

Mon jour de repos ! Enfin ! Et pourtant, je décide quand même de me lever pour aller prendre un cours d’équitation avec les jeunes. J’ai passé la semaine à les regarder dans le froid, alors maintenant ça me démange.
Je profite néanmoins de l’après-midi pour dormir un peu jusqu’à ce que les jeunes déboulent de nouveau dans l’hébergement comme des sauvages et me réveillent.
Je passe ma soirée spectatrice des veillées, ce qui est plutôt agréable je dois dire pour une fois, surtout que c’est notre dernière soirée avec une partie de l’équipe d’animation.

poney

Le septième jour, samedi

Je me réveille mal. Les animateurs sur le départ font des aller-retour, la lumière allumée dans la chambre, leurs jeunes font énormément de bruit dans le couloir alors qu’il est à peine 6 h du matin. En plus de tout ça, on vient m’annoncer que je ne vais pas pouvoir me rendormir, car finalement, on a besoin de moi plus tôt. Super, je déteste qu’on m’annonce ça à la dernière minute.
La journée passe dans une sorte de brouillard, je suis de mauvaise humeur, fatiguée comme pas possible et mes collègues me prennent la tête (à croire que la fatigue nous monte à la tête à tous). Heureusement, il nous reste un groupe de jeunes assez tranquilles donc, de ce côté-là, tout va bien.
Le soir ça se calme, pas de veillée, juste une soirée film et pop-corns, ça nous repose un peu. Tout le monde part au lit tôt chez les jeunes, ils ont leur semaine dans les pattes et ne se font donc pas prier pour s’endormir rapidement.
Entre animateurs, on boit un dernier verre ensemble et on en profite pour aller saluer la nouvelle équipe d’animation qui vient d’arriver. Ces animateurs ont l’air super cools et ils nous proposent de boire un verre avec eux. Au final, je dois avouer que j’ai passé une super dernière soirée, les tensions se sont apaisées et j’ai apprécié les derniers moments passés avec tout le monde.

Dernier jour, dimanche

5 h 30, mon réveil sonne et je me précipite pour l’éteindre avant qu’il ne réveille toute la chambre. Évidemment, c’était sans compter la poutre que mon esprit ensommeillé avait complètement effacée de ma mémoire. Et bam, en pleine tête, je m’écroule sur le lit.
Poutre 1 – Moi 0
Eh bien, ça commence bien.
Seule ma collègue, réveillée par le bruit de ma collision avec la poutre, se lève ce matin-là. Les autres ne pointent pas le bout de leur nez, on se retrouve donc à deux pour réveiller 6 chambres (27 enfants au total) et les aider à défaire les lits et boucler les valises, formidable.
Le départ se passe finalement sans encombre, on est à l’heure et personne ne semble avoir oublié quoi que ce soit, ouf !

bosse

Le retour

Je suis exténuée en en même temps, je repense à ma semaine. Je viens de vivre une superbe expérience. C’était dur, les jeunes étaient difficiles, la fatigue écrasante, le froid parfois très difficile à gérer, mais j’y suis arrivée !
J’ai passé une semaine avec des jeunes au vécu pas forcément tout rose : une petite de 8 ans complètement révoltée, une jeune qui vomissait littéralement sa douleur depuis un an et demi, un ado sujet aux crises de nerf, un hyperactif et tant d’autres… Ils m’ont touchée, vraiment ! Je pense que les rencontrer m’a fait prendre énormément de recul sur moi-même et ma vie. Ils ont, pour beaucoup d’entre eux, une histoire très dure, mais malgré tout, ça reste des bons petits. Ils passent leurs journées à parler mal et à manquer de respect à tout le monde, et le soir venu, ils réclament un bisou de bonne nuit avec une petite voix.
Durant cette semaine, j’ai beaucoup appris en tant qu’animatrice, j’ai aussi pu faire quelque chose que j’adore : appendre de mes collègues. Je repars avec une nouvelle expérience très riche dans mon bagage d’animateur. Je repars aussi avec 77 nouveaux visages dans mon cœur.

Cet article ne représente pas ce que vous avez l’habitude de lire dans le Mag’, cela vous a-t-il plus ? Cela vous en apprend-il plus sur le métier d’animateur ? Cela vous donne-t-il envie de vous lancer dans l’animation ?

Snake.

 

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4 réflexions sur “Journal d’une animatrice de colonie de vacances”

  1. Très touchant ton article, on sent que cette semaine t’a vraiment fait « grandir » (enfin non pas que tu étais immature avant hein, tu me comprends :'( ) et que ça t’a beaucoup apporté ! Par contre je pense que j’aurais jamais pu perso, j’ai trop pas d’autorité naturelle haha. Tu penses retenter l’expérience dans un centre similaire ?
    Par contre je trouve ça fou qu’on ne t’ait pas prévenue à l’avance que c’était ce genre de public :s

     

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