Vers une évolution de la transplantation ?

Valise de transport d'organe
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La transplantation est l’implantation chez un receveur d’un organe prélevé chez un donneur. Les premières transplantations autologues (auto-transplantation, c’est-à-dire déplacement chirurgical d’un organe [rein] chez un même animal) ont été réalisées dès 1896, mais la première transplantation d’organe réussie chez l’homme remonte seulement à 1954 (greffe de rein entre deux vrais jumeaux) ; pour mémoire la première transplantation cardiaque a été réalisée en 1967. La transplantation d’organe est une lourde procédure exigeant ensuite la prise d’un traitement immunosuppresseur (anti-rejet) à vie.

En plus de 50 ans, beaucoup de découvertes ont été faites dans ce domaine et beaucoup de recherches sont encore en cours. Depuis quelque temps, une nouvelle piste de recherche très prometteuse visant à éviter le traitement immuno-suppresseur (obtention d’une « tolérance ») est en particulier étudiée.

Valise de transport d'organe

Greffe et transplantation

La greffe et la transplantation sont des termes équivalents désignant l’implantation chez un receveur d’un organe ou équivalent (cœur, poumon, foie, rein, pancréas, intestin, membre…) ou d’un tissu ou équivalent (peau [fragment ou ensemble tel que le visage], os, artère, moelle osseuse, cornée, valves cardiaques…) prélevé chez un donneur.

L’utilisation de dérivés du sang (globules rouges [hématies], globules blancs [leucocytes], plaquettes, plasma, facteurs de coagulation…) est dénommée transfusion.

Certaines greffes concernant des tissus non vascularisés (cornée, valves cardiaques) ne nécessitent pas de traitement immuno-suppresseur.

Nombre de personnes greffées et évolution

Clés du succès de la transplantation

Le succès de la transplantation, à court, moyen et long terme, dépend de nombreux facteurs.

Le donneur pour la transplantation

Selon les transplantations envisagées, le donneur peut être :

– vivant pour un don de sang (ou de ses dérivés plaquettes, plasma, facteurs de coagulation…) ou de moelle osseuse.

– en état de mort cérébrale (ou « encéphalique ») pour un don d’organe vital : cœur, foie, poumon, pancréas, rein, intestin. Dans ce cas, le donneur n’a plus d’activité cérébrale (pas de réponse à un examen neurologique, aucune activité électrique à l’électro-encéphalogramme, circulation cérébrale abolie à l’angio-scanner) et ce, de façon irréversible, il ne peut se réveiller. L’irrigation et l’oxygénation des organes sont maintenues artificiellement jusqu’à la procédure de prélèvement.

– il peut aussi s’agir d’un donneur vivant (proche / membre de la famille) pour un rein ou une partie appelée lobe de poumon ou de foie.

– le prélèvement de cornée peut se faire dans le cadre d’un multi-prélèvement sur un donneur en état de mort encéphalique ou sur un donneur « cadavérique » en arrêt cardiaque et respiratoire définitif.

– la greffe de peau (pour les grands brûlés, par exemple) se fait par auto-transplantation (prélèvement sur le sujet lui-même) évitant tout traitement anti-rejet.

Les contraintes liées à l’état du donneur sont un facteur limitant pour le prélèvement (contre-indications) et donc la transplantation ou la greffe : un âge trop avancé, un état physiologique défaillant, la présence de maladies (les diabétiques ne peuvent faire de don de sang ou de plaquettes, les personnes souffrant de maladie auto-immune ne peuvent donner d’organes…) font partie des nombreuses contre-indications au prélèvement. En outre, chaque organe du donneur est évalué avant prélèvement ; il peut s’avérer bon ou devoir être récusé.

Une part des progrès de la transplantation est due à un meilleur maintien (circulation et oxygénation) de l’état du donneur en mort cérébrale. En plus de cela, l’évolution des techniques chirurgicales, ainsi qu’une meilleure connaissance physiologique permettent de réaliser des transplantations dans de meilleures conditions.

Dans tous les cas, le prélèvement ne peut se faire que dans le cadre légal de la volonté du donneur (lois de bioéthique de 1994, puis 2004 révisées en juillet 2011) : donneur vivant, donneur en état de mort encéphalique certifiée par deux médecins (carte de donneur ou volonté du patient exprimée par sa famille, pas d’inscription sur la liste nationale des refus), donneur en état de mort « cadavérique ».

Compatibilité de groupe sanguin pour une greffe, transplantation ou transfusion

Les hématies ou érythrocytes (globules rouges du sang) possèdent à leur surface des molécules pouvant être identifiées par le système immunitaire. C’est en fonction de la présence ou l’absence de ces molécules qu’est déterminé le groupe sanguin. Un individu possédant à la surface de ses hématies des molécules type A sera de groupe sanguin A, s’il possède des molécules type B, il sera B, s’il possède les deux molécules, il sera du groupe AB. Le groupe sanguin O se caractérise par l’absence des molécules A et B.

Lorsque le système immunitaire reconnaît les hématies ayant d’autres molécules à leur surface que celles présentes normalement chez l’individu, il déclenche une réponse à leur encontre et les détruit. Il faut donc que le donneur et le receveur soient compatibles.

Compatibilité receveur A et donneur AB et O

Nous pouvons voir sur cette image un exemple. Le receveur est de groupe sanguin A, il possède donc des anticorps anti-B, mais pas d’anticorps anti-A. Un donneur AB tel que le donneur 1 possède des molécules B, reconnues par le receveur, ils ne seront pas compatibles. À l’inverse, un donneur O tel quel le donneur 2 ne possède aucune molécule susceptible d’être reconnue par le système immunitaire du receveur, ils sont compatibles : le donneur 2 peut céder un organe, un produit sanguin ou un tissu au receveur.

À partir de ces connaissances, nous pouvons établir quels groupes sanguins sont compatibles. Ne possédant aucune molécule à la surface de leurs hématies, les personnes de groupe sanguin O sont donneurs universels, mais ne peuvent recevoir des dons que de personnes du groupe O. À l’inverse, les personnes de groupe sanguin AB peuvent recevoir un don de sang de n’importe quel groupe (A, B, AB, O), mais ne peuvent donner qu’aux personnes de groupe AB : on parle alors de receveurs universels.

Deux personnes du même groupe sanguin sont compatibles, car elles possèdent les mêmes molécules à la surface de leurs hématies, non reconnues par le système immunitaire.

Compatibilité système ABO

Histocompatibilité lors de la transplantation ou greffe

Autre critère majeur, celui de l’histocompatibilité, ce terme vient de histo qui signifie tissu : il s’agit donc de la compatibilité des tissus définie par le groupage des leucocytes (globules blancs) appelé groupage HLA (Human Leucocyte Antigen). Le groupage HLA a été défini en 1968 ; il est complexe, comportant pour chaque individu des antigènes à la surface des globules blancs et de toutes les cellules de l’organisme ou à la surface de certains globules blancs seulement. L’identité HLA de chaque individu comporte 12 éléments et seuls les vrais jumeaux ont la même identité HLA.

Le succès à court, moyen et long terme d’une greffe ou transplantation nécessite la meilleure compatibilité possible entre donneur et receveur : le système immunitaire du receveur ne doit pas développer de réaction immunologique (avec production d’anticorps) contre les antigènes du tissu ou de l’organe du donneur qui a été greffé.

Cette histocompatibilité est en particulier régie par le complexe majeur d’histocompatibilité, le CMH. Il s’agit d’un ensemble protéique présent à la surface des cellules et reconnu par les cellules immunitaires.

Compatibilité liée au CMH

Comme l’illustre le schéma ci-dessus, lorsque le CMH de la souris donneuse A1 est très différent de celui de la souris receveuse B1, les cellules transplantées seront reconnues par le système immunitaire comme ne faisant pas partie de l’organisme et la probabilité de rejet sera alors importante. À l’inverse, les CMH de la souris donneuse A1 et de la souris receveuse A2 sont très proches, les cellules greffées seront reconnues comme faisant partie de l’organisme receveur, et la greffe ou la transplantation a plus de chances de réussir.

Rejet après une transplantation

Lorsque l’organisme détecte des cellules qui ne lui appartiennent pas, il développe un dispositif pour les détruire. C’est le cas à la fois pour une infection bactérienne, virale ou autre, mais aussi pour l’implantation de cellules d’un autre organisme. Tout ce dispositif est mis en place par le système immunitaire. En effet, dans tout l’organisme, nous possédons des cellules immunitaires reconnaissant les antigènes des cellules étrangères. Elles iront alors activer les lymphocytes (un des types de globules blancs) qui s’attaqueront aux cellules reconnues, en produisant des anticorps, afin de les détruire : c’est le rejet.

Illustration humoristique rejet

Afin de réduire la possibilité de rejet, il faut inhiber le système immunitaire. Plusieurs moyens peuvent alors être utilisés.

Lors de l’activation des lymphocytes, ces derniers se divisent de nombreuses fois : c’est la prolifération. L’Azathioprine, qui a été le médicament le plus anciennement utilisé, bloque la synthèse d’ADN et donc la division cellulaire : les lymphocytes ne peuvent pas se multiplier, la réponse immunitaire est inhibée, la greffe ou transplantation a plus de chances de réussir.

De plus, l’activation des lymphocytes nécessite la participation de molécules comme l’Interleukine. D’autres immunosuppresseurs majeurs tels que la Ciclosporine inhibent la synthèse de cette molécule et donc l’activation des lymphocytes et empêchent ainsi une réponse immunitaire efficace.

Ces médicaments anti-rejet, qui inhibent l’activité du système immunitaire et les conflits antigène-anticorps, sont appelés immunosuppresseurs. Ils ont, comme tous les médicaments actifs, des effets secondaires pouvant être néfastes et ils fragilisent le patient face aux infections.

Transplantation sans immunosuppresseur

Les immunosuppresseurs sont nécessaires à la réussite de la transplantation : même si deux individus sont proches génétiquement, leur CMH sera toujours différent et un rejet est donc possible. Cependant de récentes recherches, publiées en octobre dans la revue Recherche ouvrent une brèche dans cette obligation de traitement anti-rejet.

Plusieurs essais cliniques ont été réalisés sur des patients qui vivent depuis plus d’un an avec un rein transplanté à partir d’un donneur vivant non compatible, sans problème de rejet et sans prise d’immunosuppresseurs. Et cela est possible parce que le patient a reçu, non pas uniquement la transplantation rénale, mais aussi une greffe de moelle du donneur.

En effet, après une chimiothérapie et une radiothérapie détruisant préalablement sa propre moelle osseuse, le patient reçoit simultanément la transplantation du rein, mais aussi une greffe de moelle osseuse, venant du même donneur vivant (date de la greffe programmée). Les cellules souches hématopoïétiques (ces cellules donneront toutes les cellules du sang, dont, entre autres, les cellules immunitaires) sont contenues dans la moelle osseuse. Les cellules souches sont des cellules non encore différenciées et donc non matures.

Différents types cellulaires de la moelle osseuse

Ces cellules se différencient ensuite pour donner en particulier toutes les cellules immunitaires. Le receveur aura donc dans son organisme, à la fois ses propres cellules, mais aussi celles du donneur. Grâce à cela, les cellules du donneur ne seront plus reconnues comme étrangères, mais comme appartenant à l’organisme et aucune réaction immunitaire contre elles ne sera déclenchée.

 C’est grâce à cette « double-greffe » qui va empêcher le système immunitaire d’agir contre l’organe transplanté, que les immunosuppresseurs deviennent superflus. Il s’agira d’une avancée très importante au niveau du confort et du quotidien des patients transplantés, si la technique peut être transposée aux greffes à partir de donneurs en mort cérébrale (pas de temps disponible pour préparer le receveur à la greffe de moelle osseuse).

La transplantation est donc une procédure complexe et risquée, c’est pourquoi de nombreuses recherches sont en cours pour améliorer les conditions dans lesquelles elle est pratiquée et les résultats. La « double greffe » peut être réellement prometteuse pour améliorer le succès et les conditions de vie du receveur. D’autres recherches sont basées sur les progrès dans les traitements immuno-suppresseurs, mais aussi sur l’amélioration des connaissances liées aux lésions infligées au greffon lors de la transplantation. D’autres encore permettent d’augmenter sa conservation et vont servir, elles aussi, à transplanter un organe dans un meilleur état et donc d’augmenter les chances de succès. 

Qui sait jusqu’où la science pourra aller ? Nous pourrions envisager un taux de réussite de 100%, mais l’obstacle pour améliorer les conditions de vie d’une personne en attente de greffe restera la disponibilité en organes. Il est donc nécessaire de réfléchir sur notre position personnelle concernant le don de nos organes, afin d’en informer nos proches et qu’ils sachent quoi faire si la question venait à se poser.

Augmentation de nombre de personnes en attente de greffe

Article réalisé avec l’aide du docteur Billès.

Ursuline

Sources images :

 – Image 1

 – Image 2, 8

 – Image 3, 4, 5 personnelles

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8 réflexions sur “Vers une évolution de la transplantation ?”

  1. cette page est juste super je suis en 3e est je devait faire un exposer sur la transplantation et j’ai trouvée tous ce qui étais utile et en plus c’est super bien expliquer MERCI pour cette source d’info!!

     
  2. cette page est juste super je suis en 3e est je devait faire un exposer sur la transplantation et j’ai trouvée tous ce qui étais utile et en plus c’est super bien expliquer MERCI pour cette source d’info!!

     
  3. MrsMinette

    Waouh, j’ai appris plein de trucs !!
    Je m’étais toujours interrogée sur la compatibilité des groupes sanguins ; les ouïe-dire ne me suffisent pas quand ça concerne la santé, mais maintenant, j’ai ma source écrite =D
    Je ne savais pas non plus que le don de moelle osseuse permettait de limiter les rejets !

    Article vraiment très intéressant ! 🙂

     
  4. Bonjour,

    Je tenais à vous féliciter pour votre article sur l’évolution de la transplantation. Votre analyse est très pertinente et apporte un éclairage intéressant sur les avancées scientifiques en la matière. Je suis particulièrement intéressé par votre point de vue sur les enjeux éthiques liés à cette pratique médicale.

    Je me demandais si vous seriez d’accord pour échanger davantage sur ce sujet ? J’aimerais en savoir plus sur votre vision et vos réflexions à ce sujet.

    Encore bravo pour votre travail et merci de nous partager votre expertise.

    Bien cordialement.

     

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