Vers une industrie de la mode plus écologique

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 La mode est la deuxième industrie la plus polluante au monde, juste derrière celle du pétrole, et est particulièrement gourmande en ressources. Contrainte à un renouvellement permanent pour suivre les tendances à cause du phénomène de « fast-fashion » ou mode rapide, elle produit 130 millions de vêtements par an et utilise chaque année 98 millions de tonnes de ressources non renouvelables (pétrole, engrais, produits chimiques…) et 93 000 milliards de litres d’eau.

Dans un secteur particulièrement concurrentiel et où les marges sont très faibles, la mode peut-elle réduire son impact écologique ? Revenons dans cet article sur la pollution liée à l’industrie textile, sur sa consommation de ressources et sur les initiatives visant une mode plus respectueuse de l’environnement.

Le choix des matières premières

Impact écologique

Chaque vêtement est réalisé à partir de tissu qui peut avoir diverses origines :

• Le pétrole : la majorité des matières synthétiques (le polyamide, le nylon ou l’acrylique par exemple) est dérivée du pétrole. Cependant, l’extraction du pétrole est une opération très polluante qui contribue fortement à augmenter l’effet de serre. De plus, le pétrole est une ressource non renouvelable.
• Les plantes : le coton, le lin ou encore le chanvre sont couramment utilisés pour fabriquer des vêtements. Le problème de ces matières premières est le besoin important en eau (en particulier pour le coton, qui représente 39 % du marché textile) et l’utilisation de pesticides, d’herbicides et d’engrais qui contribuent à polluer les sols. Il est ainsi estimé que 25 % des pesticides utilisés dans le monde et 10 % des engrais servent à la culture de plantes destinées à l’industrie textile.
• Les animaux : la laine, la fourrure ou encore le cuir peuvent être prélevés sur les animaux afin d’être utilisés dans la fabrication de vêtements. L’élevage a un fort impact écologique, en particulier à cause de l’eau nécessaire pour faire pousser les céréales qui alimentent les animaux.

Les initiatives pour une mode écoresponsable

Plusieurs initiatives existent pour limiter la pollution liée à l’obtention des matières premières utilisées pour fabriquer les vêtements.

Si l’on se concentre sur les matières synthétiques, il faut savoir que toutes ne sont pas dérivées du pétrole. Bien que cela soit le cas pour 70 % d’entre elles, certaines sont issues de ressources naturelles comme la cellulose de bois (fibre de bambou, pulpe de bois, bois d’eucalyptus…). Pour celles qui dérivent effectivement du pétrole, il est possible d’en utiliser certaines qui ont un impact écologique moins important, comme par exemple celles produites à partir de plastique recyclé (procédé très répandu pour fabriquer la polaire, pendant lequel on considère qu’environ 27 bouteilles sont utilisées pour fabriquer une veste).

Dans le même esprit de recyclage des déchets, d’autres initiatives se développent. Une entreprise est ainsi en train de mettre au point un textile fabriqué à partir de déchets de l’industrie alimentaire (essentiellement des fibres alimentaires non utilisées et qui ne peuvent être consommées), et nous pourrions bientôt voir des vêtements conçus en cette nouvelle matière dans nos armoires.

Concernant les textiles issus de plantes, le premier conseil serait de privilégier les vêtements faits en lin ou en chanvre plutôt qu’en coton, car ces cultures ont besoin de beaucoup moins d’eau. Il est aussi possible de s’orienter vers des textiles fabriqués avec des plantes issues de l’agriculture biologique qui limite grandement l’utilisation de pesticides. H&M a été l’un des premiers grands groupes à s’engager pour améliorer son utilisation de coton : la marque a promis que, d’ici 2020, tous ses jeans seront fabriqués en coton biologique, recyclé ou labellisé « Better Cotton Initiative ». La marque Modetic est elle aussi engagée pour l’utilisation du coton biologique.

Pour les vêtements conçus en cuir animal, une alternative originale existe : le cuir vegan. Dans ce cas, la pollution liée à l’élevage est évitée, puisque la matière ne provient pas d’animaux. Plusieurs marques comme Poétique Paris ou encore Minuit sur Terre ont mis au point un cuir à partir de céréales ou de polyuréthane (le polymère actuellement considéré comme le plus propre) afin de fabriquer des jupes, des shorts ou encore des chaussures.

La consommation d’eau

Impact écologique

Comme nous l’avons vu précédemment, le coton est une culture qui demande énormément d’eau pour assurer un bon rendement. Cela a provoqué des désastres écologiques, comme la disparition progressive de la mer d’Aral, qui serait en partie liée à l’irrigation des champs de coton et de blé des steppes du Kazakhstan et de l’Ouzbékistan.

L’industrie textile est aussi très gourmande en eau pendant le procédé de fabrication. Pour produire un seul T-shirt, on estime que 2 500 kg d’eau sont nécessaires, et ce chiffre s’élève entre 7 et 11 tonnes pour un jean. L’étape de teinture est l’une de celles qui demande le plus d’eau : environ 4 milliards de tonnes par an pour teindre 30 milliards de kilos de tissus.

Il faut savoir que de grandes quantités d’eau sont utilisées par l’industrie textile, mais qu’en plus une partie de cette eau est rejetée polluée à cause des produits employés. Greenpeace estime ainsi que 80 % des nappes phréatiques chinoises ne sont plus potables et que 70 % des rivières, lacs et réservoirs de Chine et du Mexique sont pollués à cause de l’industrie textile.

Les initiatives pour une mode écoresponsable

Plusieurs technologies ont été développées pour réduire l’utilisation de l’eau dans la fabrication des vêtements.

L’étape de délavage des jeans a souvent été pointée du doigt pour sa consommation d’énergie, d’eau et d’autres produits chimiques. La technologie « Wattwash » (créée par Jeanologia) permet d’obtenir le même effet grâce à un laser, et son effet peut être optimisé grâce à un traitement à l’ozone. Tout ceci permet de diminuer la consommation d’énergie de 60 %, celle d’eau jusqu’à 97,5 % et celle d’autres produits chimiques de 80 %. Elle a commencé à être utilisée dès 2010 par les stylistes de la marque Marithé + François Girbaud ou encore par Esquad.

Concernant la teinture, une technologie a été élaborée pour colorer le polyester en utilisant du CO2 plutôt que de l’eau et d’autres produits chimiques et sans avoir besoin de séchage. L’entreprise DyeCoo essaie actuellement d’adapter cette technologie à la teinture du nylon et du coton.

Finalement, d’autres études ont visé à optimiser le retraitement de l’eau afin que les rejets soient moins pollués (graisse, huile, couleur, produits chimiques…), bien que ces technologies soient peu appliquées dans les principaux pays fabricants à cause de normes environnementales peu strictes voire inexistantes sur les effluents. Une technique de filtration de l’eau à travers une membrane permet de la débarrasser des principaux polluants.

L’utilisation des autres produits chimiques

Impact écologique

Depuis longtemps, l’industrie de la mode est pointée du doigt concernant son utilisation de produits chimiques à de nombreuses étapes de production : des lubrifiants pour préparer la fibre à la suite de la fabrication, des agents de résistance pour qu’elle ne casse pas lors du tissage, des colorants ou des métaux lourds pour les étapes de teinture, d’impression et d’apprêtage, des produits de tannage… Parmi les principaux produits décriés, nous pouvons citer les éthoxylates de nonylphénol (NPE) se dégradant en nonylphénol (NP, perturbateur endocrinien), les colorants pouvant libérer des produits cancérogènes, les phtalates, les perfluorocarbures (PFC)…

L’industrie textile est aussi accusée de délocaliser sa production dans des pays où la réglementation est moins stricte et où il est possible de se servir de produits pourtant interdits en Europe et de ne pas contrôler la qualité des rejets (en particulier d’eau).

Greenpeace a été à l’origine de plusieurs enquêtes en 2011 et 2012 pour informer le grand public de ce phénomène. Ainsi, 141 produits ont été testés, provenant de 18 pays de fabrication et commercialisés au total de 29 pays dont la France. L’étude a mis en évidence plusieurs choses :

• 89 produits contiennent des éthoxylates de nonylphénol (NPE) dont 20 % en quantité supérieure à 100 ppm (le seuil légal) et plus de 8,5 % en quantité supérieure à 1000 ppm ;
• 4 produits contiennent des concentrations élevées en phtalates et ce composé chimique est retrouvé dans l’intégralité des échantillons d’impression « plastisol » ;
• 2 produits de la marque Zara contiennent des amines cancérogènes.

Les initiatives pour une mode écoresponsable

Suite à ses enquêtes, Greenpeace a lancé en 2011 une campagne baptisée Detox. Son but était alors de faire prendre conscience à la fois aux industriels et aux consommateurs que de trop nombreux produits chimiques étaient utilisés, en particulier par des grandes marques que tout le monde connaît et utilise, afin d’inciter à changer les processus de production pour bannir ces composés. Dans l’industrie textile, les marques sous-traitent la quasi intégralité de leur production et en braquant les projecteurs sur ces enseignes, Greenpeace espérait qu’elles feraient ensuite pression auprès de leurs fournisseurs pour changer leurs pratiques.

Après un premier élan de résistance de la part de beaucoup de marques qui estimaient que c’était tout simplement impossible, plusieurs se sont engagées dans la réduction de l’utilisation de produits chimiques d’ici à 2020. Après 5 ans de campagne, Greenpeace avait dressé un bilan de l’initiative auprès des 76 marques et fournisseurs qui se sont engagés à faire des efforts et qui représentent 15 % de la production mondiale de textile :

• les progrès de Benetton, de H&M et d’Inditex (Zara) ont été salués par l’ONG ;
• Greenpeace a estimé que Nike, Esprit, LiNing et Victoria’s Secret n’avaient pas mis en place les actions nécessaires ;
• l’ONG a aussi rappelé que certaines marques n’avaient pas pris d’engagements dans ce sens, comme par exemple Hermès, LVMH/Dior, Armani, Diesel, D&G, GAP…

Au-delà de cette initiative à très grande échelle, des marques ont cherché des alternatives à l’utilisation de certains produits chimiques. Nous vous avons parlé il y a quelque temps sur le Mag’ de Zoo Jeans, qui a remplacé l’utilisation de produits chimiques par celle d’animaux (tigres, lions, ours…) pour l’étape de sablage des jeans (servant à donner un aspect usé au pantalon).

Ekyog est aussi engagé dans ce sens. La coloration est une étape qui demande énormément de produits chimiques, et obtenir un blanc éclatant est particulièrement demandeur en réactifs polluants, c’est pourquoi la marque ne propose pas une telle couleur. De même, elle s’engage à ne pas utiliser de plastisol pour éviter la présence de phtalates.

Le bilan carbone de l’industrie textile

Impact écologique

L’industrie de la mode dégage des marges très faibles, ce qui a contraint les grandes marques à délocaliser leur production dans les régions où la main d’œuvre est moins chère, afin d’optimiser les profits. Cependant, cela a un impact important sur le bilan carbone, car le transport des vêtements pèse très lourd dans la balance.

En effet, les vêtements sont souvent fabriqués dans les pays du Sud, principalement la Chine et le Mexique. Il faut y importer les matières premières, qui peuvent venir des quatre coins du monde, puis procéder à la fabrication à proprement parler. Pour certaines pièces, l’intégralité de la production ne se passe pas dans un seul endroit et le vêtement est déplacé avant d’être terminé. Ainsi, pour un jean, on estime que le processus de fabrication (hors acheminement des matières premières) fait parcourir environ 65 000 km au vêtement jusqu’au magasin de commercialisation.

L’industrie de la mode aurait représenté 1,2 milliards de tonnes équivalent CO2 en 2015 dans le monde (2 % du budget carbone total), soit plus que le fret maritime et l’aviation commerciale réunies.

Les initiatives pour une mode écoresponsable

Intuitivement, le premier moyen auquel on pense pour limiter le bilan carbone des vêtements que nous achetons est de vérifier leur provenance. Plusieurs marques se sont lancées ou se sont réimplantées en France et des labels permettent de s’assurer de la provenance : France Terre Textile ou encore Origine France Garantie.

Certaines marques internationales se sont ensuite engagées à limiter leur impact carbone. C’est par exemple le cas de Marks & Spencer qui a publié un « Plan A » regroupant 100 objectifs durables qu’il souhaite atteindre. Il y a à la fois des engagement sociaux (« Better Work » pour augmenter les salaires des ouvriers), mais aussi une volonté de limiter les changements climatiques (meilleure gestion des déchets, utilisation de matières premières durables…) et d’atteindre le « zéro carbone » pour ses établissements au Royaume-Uni et en Irlande (meilleurs gestion de la consommation d’énergie, utilisation croissante d’énergie renouvelable, amélioration de l’aérodynamisme des camions de transport pour diminuer la consommation de carburant, limitation des importations…)

Au niveau technologique, certaines entreprises développent des textiles innovants. Nous pouvons citer une société américaine qui travaille actuellement à la conception d’un textile naturel qui absorberait plus de CO2 au cours de sa production qu’il n’en dégagerait.

Comme vous l’avez constaté, l’industrie de la mode se révèle très polluante par plusieurs aspects. Cependant, des initiatives existent déjà pour limiter l’impact environnemental de la production de vêtements et des changements dans ce sens s’imposent peu à peu. Êtes-vous sensible aux impacts écologiques de la production de vêtements ? Faites-vous attention aux vêtements que vous achetez pour limiter cet impact ? Avez-vous des marques à conseiller ? Dites-nous tout dans un commentaire.

Ursuline

Sources texte :

 – bastamag.net

– bipiz.org

 – consoglobe.com

– Ecologie.blog.lemonde.fr

 – greenpeace.fr 1, 2 et 3

 – huffingtonpost.fr

– journaldelenvironnement.net

– lci.fr

– lesechos.fr

– lesinrocks.com

– lexpress.fr

– mmondialisation.org

– novethic.fr

– ready-for-the-resource-revolution.com

– sloweare.com

– usinenouvelle.com

Sources images :

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