La réforme de l’orthographe : mais quelle idée !

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Pendant des mois, vous en avez entendu parler : « On perd le sens des mots. », « Ça appauvrit la langue française. » ou bien même « C’est vraiment n’importe quoi ! ». Bref, la réforme orthographique n’a pas été bien accueillie, avec ses « accents circonflexes qui disparaissent » et ses « mots composés rattachés ». D’où vient-elle et pourquoi a-t-on jugé nécessaire de la créer ?

Pourquoi ?

Avant de commencer, il faut préciser que le terme « réforme » si souvent utilisé, est en fait un abus de langage, puisque son nom, comme présenté et validé par l’Académie française, est « la rectification de l’orthographe ». En effet, les modifications n’ont pas été assez nombreuses et innovatrices pour qu’elles accèdent au terme de « réforme ». Pourtant, c’est cette dénomination que j’utiliserai tout au long de l’article, au vu de son utilisation massive.

La première chose que vous vous êtes probablement demandés juste après avoir appris que l’orthographe de certains mots allait changer est « Non, mais pourquoi ils ont fait ça ?! ». La réponse se résume en une phrase : pour avoir des règles grammaticales et orthographiques plus précises, avec moins d’exceptions et basées sur la réalité orale du français. Ainsi, l’apprentissage de notre langue serait moins dicté par la connaissance et la reconnaissance visuelles des mots ; plus objectif, il suffirait d’appliquer des règles explicites, ne nécessitant pas un bac + 5 pour rencontrer et retenir toutes les exceptions.
Allez, un exemple… Je sais que vous avez pleuré la dernière fois que vous avez coupé (ou lu) des ognons. Et je suis au regret de vous dire que ce ne sont pas vos larmes qui vous ont caché le i, mais qu’il s’agit bien d’une disparition de celui-ci. La raison ? L’usage fait que nous ne prononçons pas oignon [waɲɔ̃], mais bien ognon [ɔɲɔ̃] ; nous ne devons donc nous en prendre qu’à nous-mêmes…

Bien évidemment, tout n’est pas rose dans la réforme, et même si les règles simplifient effectivement l’écriture de certains mots pour les non-connaisseurs, d’autres restent abstraites à tous ; nous retrouvons alors paélia (pour paëlla), taliatelles (pour tagliatelles) et clacson (pour klaxon) qui s’éloignent à la fois de la prononciation française et de celle d’origine…

Mais cette réforme n’a pas pour unique but de s’attaquer aux mots déjà existants : grâce à elle, les néologismes ne seraient plus faits « au hasard, Balthazar » comme l’irrégularité de portemanteau et porte-drapeau, mais bien en suivant des règles définies.

De plus, les mots inconnus seraient lus et prononcés de manière exacte ; par exemple, comment lire et dire, selon l’ancienne orthographe, « Ma gerbille a laissé plein de rongeures. » ? Vous vous doutez bien que la réponse n’est pas aussi évidente qu’elle n’y parait… La nouvelle orthographe répond à cette question grâce à l’ajout d’un tréma sur le u, ce qui nous donne « rongeüres ». Pour ceux qui doutent encore de la manière de prononcer, cela rime avec « parjure » et « injure » par exemple. Vous trouverez toutes les explications dans la partie dédiée aux trémas de cet article.

Par qui ?

Bien évidemment, il ne s’agit pas d’une refonte de l’orthographe où chaque point existant a été repris. Le Conseil supérieur de la langue française et Michel Rocard, Premier ministre français de 1988 à 1991 et commanditaire de cette réforme, ont constitué une équipe de choc pour travailler sur certains points clés de la réforme, en fonction des « déficiences » relevées par le Conseil et le Premier ministre. Dans cette équipe, nous retrouvons de très grands noms dans divers domaines de la langue, parmi lesquels la linguistique avec Nina Catach et André Martinet, la grammaire avec André Goose et Maurice Gross, la poésie avec Tahar Ben Jelloun, le cinéma avec Jean-Luc Godard, le chant avec Pierre Perret, etc. Je vous épargnerai les noms des académiciens, des autres professionnels de l’étude de notre langue et des divers ministres concernés. Pour la petite histoire, sachez tout de même que le président de l’Académie française n’était autre qu’un des rédacteurs de la Constitution de la Cinquième République…

Cependant, cette initiative de Michel Rocard ne vient pas de nulle part : depuis la précédente réforme de l’orthographe (1935), la langue française a beaucoup évolué dans son parler. Certains mots sont prononcés différemment, des néologismes de plus en plus nombreux apparaissent (parfois basés sur des langues étrangères), et, pour tous ces « nouveaux mots oraux », il n’y a eu aucune évolution écrite. Ce décalage très présent entre oral et écrit se note facilement dans l’absence du « ne » de la négation quand on parle, mais qui reste toujours obligatoire à l’écrit ; un point que la réforme ne touche pas, rassurez-vous, mais cet exemple donne leur sens à certaines modifications.

Pour qui ?

Il n’y a pas de quoi disserter, cette réforme profite à tout le monde, adultes et enfants, français et étrangers, mais particulièrement à ceux qui essayent d’apprendre « la belle langue ». Elle ne dessert personne puisque les deux orthographes sont acceptées officiellement, même si dans le milieu professionnel, je ne pense pas que la nouvelle orthographe soit privilégiée…
Au primaire et dans le secondaire, il y a une « obligation relative » à l’enseigner : les professeurs doivent se baser dessus pour leur enseignement ; en revanche, il est imposé d’accepter un mot écrit à la manière post-réforme. Mais comme ils n’en savent pas forcément plus que vous, cela devient tout de suite compliqué…
Cette obligation date elle-même de 1990, mais les programmes scolaires en ont parlé pour la première fois en 2008, et encore, c’est pour les programmes de 2016 que les enseignants ont commencé à y être sensibilisés, grâce aux médias !

Quand ?

Comme on l’a souvent entendu, la réforme a été acceptée par l’Académie française en décembre 1990, et vous avez raison, on en parle seulement depuis 2016. Pour autant, certains mots de la nouvelle orthographe avaient déjà filtré à sa date de publication : par exemple, écrivez-vous « interpeller quelqu’un » ou « interpeler quelqu’un » ? Combatif ou combattif ? Dans les deux cas, si c’est la seconde solution, vous utilisez déjà un mot de la réforme ! Vous êtes-vous déjà autorisés à écrire évènement alors qu’on vous avait appris événement ? Si oui : nouvelle orthographe. Et ne me dites pas que vous cherchez de l’homœopathie en pharmacie, je ne vous croirais pas !

Ainsi, déjà en 1990, la réforme avait pour but de rapprocher l’orthographe des mots de leur prononciation, anticipant de ce fait l’écriture des néologismes. Comprenez-vous un peu plus le sens de cette réforme ? Saviez-vous que vous utilisiez déjà des mots de la nouvelle orthographe ? Laissez un petit commentaire ! Et si vous souhaitez vous « désintoxiquer » des hoax diffusés par les médias, rendez-vous sur l’article Le Vrai ou Faux de la réforme de l’orthographe.

Gwendoline F.-R.

Source texte :

L’orthographe rectifiée – Bernard Cerquiglini – Coédition Librio – Le Monde – 2016

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