1Une chanson entêtante, des décors féeriques et des personnages attachants, c’est ce qui semble être la recette que le studio Disney a choisie pour nous faire voir et revoir La Reine des neiges, dont le deuxième opus est sorti en novembre dernier. Comme de nombreuses histoires racontées par le studio d’animation, celle-ci est tirée d’un conte, bien moins connu que son homonyme animé et que nous allons découvrir ensemble dans cet article : La Reine des neiges, de Hans Christian Andersen.
Hans Christian Andersen
La Reine des neiges a été écrit par Hans Christian Andersen en 1844 au Danemark et se trouve dans un recueil de contes et nouvelles, comprenant de grands classiques de notre enfance comme La Petite Sirène, Le Vilain Petit Canard ou encore La Princesse sur le pois.
« Écrit », devrais-je plutôt dire « raconté », puisque les contes d’Andersen, en cette deuxième moitié du XIXe siècle, avaient avant tout vocation à être lus à haute voix, dans des salons ou lors de rencontres mondaines. Andersen a très vite reçu l’étiquette d’auteur pour enfants, mais une grande partie de son œuvre n’était pas destinée à un jeune public.
Le conte
Contrairement aux Frères Grimm en Allemagne ou à Perrault en France, Andersen a la particularité de ne pas puiser son inspiration dans des histoires populaires ou folkloriques. La Reine des neiges est sortie tout droit de l’imagination de l’écrivain, et lui a valu l’admiration de ses contemporains.
Pour éviter de déjà vous perdre, voici un résumé de ce long conte écrit par mes soins.
!Spoiler alert! Les lignes qui suivent racontent l’histoire du début à la fin. A ne pas lire si vous souhaitez le lire dans sa version intégrale.
C’est d’abord l’histoire du Diable. Le Diable en personne qui, de bonne humeur, construit un terrible miroir. Ce miroir avait la particularité de refléter le monde d’une horrible manière. Tout y paraissait affreux et déformé. Mais, par accident, le miroir s’écrasa sur la terre et se répandit en mille morceaux à travers le monde.
Vient alors l’histoire de Kay et Gerda. Ce sont deux charmants enfants, vivant dans deux maisons voisines et qui sont très amis. Ils passent les belles saisons à jouer dans le jardin et à admirer les fleurs. Mais un jour, le petit Kay devient malicieux et mauvais avec Gerda, et trouve les fleurs du jardin extrêmement laides. Comme vous l’avez peut-être deviné, il a reçu un éclat de verre diabolique dans l’œil.
Puis, un jour d’hiver, il abandonne Gerda et va jouer seul sur la place du village avec son petit traîneau. C’est ce jour particulier que la Reine des neiges le prend dans son grand traîneau, et l’emmène avec lui, l’embrassant sur le front pour le rendre aussi froid qu’elle.
Tout ce qui suit est consacré à Gerda qui va tenter de retrouver son cher ami : elle rencontre une corneille qui pense avoir vu Kay, se fait voler ses affaires par des bandits de grand chemin, trouve des amis dont un renne qui l’aide à parcourir les longues distances qui la séparent du château de la Reine des neiges, tout là-haut en Laponie. Enfin, elle parvient dans ce palais de glace ; la Reine des neiges est absente, partie dans les pays chauds pour semer l’hiver. Gerda pleure dans les yeux de Kay qui est en train de mourir de froid, fait glisser l’éclat de verre de son œil et ramène Kay avec elle dans leur village natal. Mais, quand ils reviennent, ils s’aperçoivent que tous deux ont grandi et sont devenus adultes.
Ainsi, La Reine des neiges, contrairement à d’autres contes d’Andersen, est un conte où le Bien triomphe sur le Mal. La fin du conte est davantage un enseignement chrétien qu’une morale à proprement parler. Le Bien triomphe sur le Mal, et c’est en luttant contre les forces diaboliques grâce à l’Amour que les enfants pourront atteindre le bonheur.
Peut-être avez-vous déjà remarqué dans ce résumé des éléments communs avec Elsa, Anna et les autres personnages du dessin animé. Anna tente de retrouver Elsa et de la ramener chez elles, tout comme le fait Gerda avec Kay. Le renne qui prend Gerda sur son dos pour l’amener en Laponie ressemble beaucoup à ce cher Sven qui accompagne Anna pour retrouver sa sœur.
Mais qu’en-est-il de l’héroïne éponyme : la Reine des neiges elle-même ?
Le personnage de la Reine des neiges
L’intrigue du conte est donc reprise dans ses grandes lignes. Gerda correspond sans conteste au personnage d’Anna, qui veut secourir l’être aimé. Les personnages de la Reine des neiges et de Kay ont été, quant à eux, rassemblés en une seule et même figure : Elsa. C’est cela qui lui donne cette ambivalence caractéristique. L’héroïne du dessin animé est constamment tiraillée entre ses pouvoirs incontrôlables et son amour pour sa sœur. D’ailleurs, à l’origine, Disney avait envisagé de faire d’Elsa une reine bien plus fidèle à l’originale : elle devait être dénuée de sentiments et incarner le mal, mais cela posait trop de difficultés dans la création du scénario. En effet, le personnage de la Reine des neiges chez Andersen n’a aucune autre motivation que de semer le froid, partout où elle va. Il a fallu que Disney l’adapte en un personnage ambivalent qui permette à chacun de s’identifier à elle. Ainsi, transformer la petite Gerda en une sœur aimante, donnait à Elsa la volonté de sortir de son palais de glace.
À ce propos, des rumeurs relayées par de nombreux médias courent ces derniers jours sur un projet de live-action de la Reine des neiges. Ces propos n’ont pas été confirmés par les studios Disney mais, selon les lanceurs de cette rumeur, il semblerait qu’une adaptation beaucoup plus proche du conte d’Andersen soit envisagée.
Faisons un gros plan sur la représentation de la Reine des neiges dans le conte d’Andersen :
[…] un grand traîneau arriva. Il était entièrement peint en blanc, et une personne enveloppée dans une fourrure blanche et coiffée d’un bonnet de fourrure blanc y était assise. […] c’était une dame, grande et élancée, d’un blanc éclatant, c’était la Reine des Neiges. […] elle le fit asseoir à côté d’elle dans le traîneau, rabattit sur lui son manteau de fourrure, et il crut s’enfoncer dans un amas de neige.
Ne vous fait-elle pas penser à quelqu’un d’autre plutôt qu’à Elsa ?
Si, bien sûr, tout dans le personnage d’Andersen rappelle la Sorcière blanche du Monde de Narnia.
Il est étonnant de voir à quel point Clive Staples Lewis, l’auteur du Monde de Narnia, s’est inspiré de ce personnage d’Andersen. Couverte de fourrure et le teint glacé, elle prend sous son manteau le jeune Edmund, comme le fait la Reine des neiges avec le petit Kay.
Ce n’est pas le seul point commun entre l’univers de Narnia et celui d’Andersen : les animaux debout sur leurs deux pattes qui parlent le langage des humains, la grande place attribuée à la nature et le dualisme frappant entre le Bien et le Mal sont d’autres points communs essentiels entre les deux œuvres littéraires.
Il semble qu’un dernier petit détail ait garanti l’énorme succès de la Reine des neiges…
« Je voudrais un bonhomme de neige »
Il n’y a pas de bonhomme de neige dans La Reine des neiges d’Andersen. En revanche, parmi les multiples écrits de l’auteur, on trouve un petit conte de seulement quelques pages ayant pour titre Le Bonhomme de neige. Il raconte l’histoire d’un gentil bonhomme de neige, qui se prend de passion pour un poêle à bois, et rêve tout l’hiver de chaleur et de dégel sans penser que cela mènerait à sa fin.
Voilà donc l’origine du mignon Olaf, qui adore se faire dorer au soleil et qui reste en vie grâce aux pouvoirs d’Elsa !
Aviez-vous connaissance de cette libre adaptation de différents contes d’Andersen ? Et surtout cela vous a-t-il donné envie de vous replonger dans les contes de votre enfance ? Si c’est le cas, n’hésitez pas, la lecture des contes d’Andersen est très plaisante et permet de comprendre les inspirations de nombreuses œuvres contemporaines.
Solstice
Sources texte :
-Andersen Hans Christian, « La reine des neiges » in. Contes traduction de Marc Auchet, Le Livre de Poche, Coll. Les Classiques de Poche, Paris, 2003
-Andersen Hans Christian, « Le bonhomme de neige » in. Contes traduction de Marc Auchet, Le Livre de Poche, Coll. Les Classiques de Poche, Paris, 2003
-Chelebourg, Christian. « La quadrature du conte. La féerie en France au temps du romantisme (1800-1848) », Romantisme, vol. 170, no. 4, 2015, pp. 35-48.
-Fournier, Michel. « Le « pays des contes ». La littérature pour la jeunesse et les frontières de la fiction », Poétique, vol. 173, no. 1, 2013, pp. 87-104.
–« Contributeurs de Wikipédia ». La Reine des neiges, Wikipédia, L’encyclopédie libre
–Marjorie Raynaud, « Disney : Un live-action de La Reine des Neiges avec une intrigue très différente en préparation ? », Melty.fr
Sources images :
Image à la une : Gutenberg.org, in. Contes, Hans Christan Andersen, illustration d’Edmund Dulac, 1911. Image appartenant au domaine public.
Image 1 : Ibid.
Image 2 : Tilda S Narnia Ice Witch, Flickr
Image 3 :, Olaf Frozen, Flickr