Les éléphants, symbole de la Thaïlande ou attraction touristique ?

Les éléphants, symbole de la Thaïlande ou attraction touristique ?
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De la bête de somme à l’attraction touristique, découvrez dans cet article l’histoire des éléphants d’Asie en Thaïlande. Et pour les globe-trotteurs qui prévoient un séjour dans ce magnifique pays et souhaitent aller admirer des pachydermes, vous trouverez des conseils pour choisir un lieu respectant l’éthique, ainsi qu’un témoignage de ma propre expérience dans un sanctuaire d’éléphants dans la ville de Chiang Mai.

Petite histoire des éléphants en Thaïlande

Les éléphants, ces animaux majestueux et impressionnants, font partie intégrante de l’Histoire de la Thaïlande et ont contribué à son développement économique. Comme les chevaux en Europe, les éléphants ont d’abord été utilisés pour leur force dans l’exploitation forestière et l’agriculture, et aussi comme moyen de transport ou comme arme de guerre. Les éléphants étaient également très importants dans la vie culturelle et religieuse du pays, et notamment utilisés pour des cérémonies, rituels et autres festivals. Au début du XXe siècle, environ 100 000 éléphants vivaient en Siam, l’ancien nom de la Thaïlande. Aujourd’hui, leur nombre oscille autour de 3 000, et il s’agit dorénavant d’une espèce menacée d’extinction. Les principales causes de leur déclin sont en premier lieu la destruction de leur habitat naturel, puis la chasse.

Les éléphants, symbole de la Thaïlande ou attraction touristique ?

En janvier 1989, suite à de nombreuses inondations dues à la déforestation intensive dans le sud du pays, le gouvernement thaïlandais a interdit l’exploitation forestière. Du jour au lendemain, les quelques 4 000 éléphants et leurs mahouts (les guides et soigneurs des éléphants) travaillant à l’époque dans cette industrie se sont retrouvés sans emploi. Ils se sont rapidement tournés vers le tourisme et le spectacle. Dans les grandes villes telles que Bangkok, il était commun de trouver un éléphant à chaque coin de rue, effectuant des tours pour gagner un peu d’argent. Cette pratique de « street begging » (oui, les éléphants faisaient littéralement la manche) a été interdite en 2010.

Les éléphants, symbole de la Thaïlande ou attraction touristique ?Impossible de parler des éléphants en Thaïlande sans mentionner la tradition du phajaan, par laquelle les hommes ont domestiqué et contraint l’éléphant à obéir. Âmes sensibles, je vous suggère de passer à la suite de l’article. Le phajaan consiste à briser l’esprit de l’éléphant pour le contraindre à se soumettre. Durant cette période de torture (car oui, il s’agit bien de torture), l’éléphant, généralement très jeune, est attaché et entravé, affamé et assoiffé, et battu. Le phajaan dure plusieurs jours, et l’éléphant en sort traumatisé, prêt à tout accepter pour ne pas revivre ce moment. Après le phajaan, il est beaucoup plus facile d’apprendre des « tours » aux éléphants, et ceux-ci sont totalement soumis et dociles. Bien heureusement, le phajaan se fait de plus en plus rare en Thaïlande, et la plupart des jeunes éléphants n’ont pas connu cette torture, et apprennent en imitant le comportement de leur mère. Cependant, bon nombre des éléphants adultes aujourd’hui sont passés par cette terrible épreuve.

Aujourd’hui, avec le développement de l’écotourisme et l’importance grandissante dans la conscience collective du bien-être animal, le tourisme se tourne progressivement vers des camps et sanctuaires qui sauvent les éléphants de ce genre d’abus, et les réhabilitent dans leur environnement (presque) naturel.

Bien choisir l’endroit où voir des éléphants

En Thaïlande, et plus particulièrement dans le nord du pays, il existe de nombreux camps pour éléphants, la plupart portant le nom de « sanctuaires », cette appellation pouvant donc cacher une grande diversité de pratiques. Il est important de garder à l’esprit que le traitement des éléphants en Thaïlande suscite de nombreux débats, notamment concernant ce qui est considéré comme éthique ou non, et que les avis divergent donc concernant les différentes pratiques. Je vous conseille de bien vous renseigner avant de choisir l’endroit qui vous conviendra le mieux, et de vous faire votre propre idée sur la question. En attendant, voici quelques conseils pour vous aider à y voir plus clair.

1/ On ne monte pas les éléphants. Peut-être avez-vous déjà vu des photos de vos parents, ou grands-parents, tout sourire, sur le dos d’un éléphant. Cela se faisait beaucoup dans les années 90 où les notions de tourisme responsable et de droit des animaux n’étaient pas encore ancrées dans les esprits. La plupart des sanctuaires d’éléphants ont aujourd’hui banni cette pratique, mais il existe encore certains endroits où il est toujours possible de monter des éléphants. Ces lieux sont bien évidemment à rayer de votre liste. Seule la monte des éléphants par leur mahout peut être considérée comme éthique. En effet, il y a généralement un mahout par éléphant et une forte relation de confiance se construit entre eux au fil des années.

2/ Les mahouts sont là pour garantir votre sécurité. Je suppose que cela ne vous aura pas échappé, les éléphants sont des animaux énormes, pouvant peser plus de 5 tonnes ! La plupart des éléphants des différents sanctuaires ont été sauvés de pratiques abusives tels que leur monte par des touristes bien trop lourds, et ont donc souvent été dressés selon la tradition du phajaan et soumis à l’homme toute leur vie. Cependant, ils restent des animaux sauvages et leur comportement peut être imprévisible. Les mahouts travaillent au quotidien avec leurs éléphants et savent anticiper et comprendre leurs réactions. L’utilisation du bullhook, une sorte de long bâton armé d’un crochet au bout, fait débat. En ce qui me concerne, je pense qu’une utilisation très modérée de cet ustensile, c’est-à-dire seulement en cas de mise en danger des personnes et des animaux eux-mêmes, est tolérable, voire souhaitable. Tout autre type d’utilisation est à proscrire. Vous ne trouverez sûrement pas facilement d’informations sur la politique de l’utilisation du bullhook dans les différents sanctuaires, mais essayez de fouiller dans les commentaires des personnes ayant déjà visité ces camps, peut-être que cela pourra vous aider dans votre choix.

Les éléphants, symbole de la Thaïlande ou attraction touristique ?

3/ À quoi votre argent va-t-il servir ? Pour moi, la transparence sur l’utilisation des fonds est un critère de choix important. Les tarifs peuvent fluctuer pas mal d’un sanctuaire à un autre. Mais n’oublions pas que vous êtes en Thaïlande et tout y est ridiculement moins cher qu’en Europe. Alors que préférez-vous ? Payer un tarif bon marché, qui servira au minimum à nourrir les éléphants et leurs mahouts, et peut-être à contribuer aux soins vétérinaires, ou souhaitez-vous payer plus cher, et que votre argent serve à sauver d’autres éléphants, à former les mahouts pour améliorer leurs pratiques et les soins qu’ils apportent aux éléphants, ou encore à aider à la préservation de l’habitat naturel des éléphants ? Renseignez-vous sur ces aspects si, tout comme moi, vous accordez de l’importance à l’impact que votre argent peut avoir.

Une journée à l’Elephant Nature Park

Avec mon travail, j’ai eu la chance de me rendre à Chiang Mai, une grande ville du Nord de la Thaïlande, extrêmement riche d’un point de vue culturel. Cette ville est célèbre pour ses nombreux temples, mais également pour le grand nombre de sanctuaires d’éléphants qui l’entourent. Avant mon séjour à Chiang Mai, je me suis renseignée sur les différents sanctuaires (il y en a des dizaines !) et leurs pratiques. En prenant en compte les critères mentionnés dans la partie précédente, mon dévolu s’est porté sur l’Elephant Nature Park qui est l’un des plus réputés à Chiang Mai pour ses pratiques éthiques.

L’Elephant Nature Park a été créé dans les années 1990 par Sangdeaun Lek Chailert pour sauver et réhabiliter les éléphants d’Asie. Le combat de Lek pour la défense des droits des éléphants et sa participation au développement de l’écotourisme en Thaïlande sont reconnus internationalement. Lek a même reçu en 2010 à Washington la distinction Women Heroes of Global Conservation. L’Elephant Nature Park a plusieurs missions : la principale, vous l’aurez compris, étant le sauvetage et la réhabilitation des éléphants d’Asie en Thaïlande. L’ENP sauve aussi des animaux d’autres espèces telles que des chiens, des chats, des buffles…, et participe à la restauration des forêts. Si vous souhaitez aller voir les éléphants sauvés par l’ENP, il est possible d’aller passer de quelques heures à quelques jours dans l’un des différents centres. Et pour ceux qui souhaitent mettre la main à la pâte, il vous est même possible d’aller travailler dans l’un des centres en tant que bénévole.

Les éléphants, symbole de la Thaïlande ou attraction touristique ?

J’ai choisi d’aller passer une journée complète avec des éléphants sauvés par la fondation. Le matin du tant attendu jour J, l’ENP est venu me chercher à mon hôtel à Chiang Mai, après avoir récupéré les quatre autres personnes participant à cette journée. Nous sommes partis pour le cœur de la forêt, à environ 1 h 30 de route (60 km, mais la route est parfois chaotique !). Une fois sur place, nous avons fait la connaissance de trois dames éléphantes qui nous attendaient (petite larmichette en ce qui me concerne), ainsi que de leurs mahouts. J’ai été impressionnée par l’intelligence que les éléphantes dégageaient, elles sont majestueuses et si belles, j’en ai eu la chair de poule. Notre guide, qui parlait anglais, nous a expliqué l’histoire de ces éléphantes, très peu réjouissante en ce qui concerne la doyenne du groupe.

Nous avons commencé par préparer tous ensemble des boulettes à base de riz, et à découper de la canne à sucre pour nourrir les éléphantes qui vivent dans la jungle alentour. Nous nous sommes donc mis à nourrir nos trois éléphantes avec les boulettes de riz, la canne à sucre et des petites bananes. Rien qu’en me remémorant ce moment, j’ai le sourire jusqu’aux oreilles !

Les éléphants, symbole de la Thaïlande ou attraction touristique ?Après ce petit-déjeuner bien fourni, nous sommes allés nous promener dans la forêt avec les éléphantes. Elles nous suivaient car nous avions quelques bananes dans nos sacs ! Au détour d’un sentier, une mare de boue a fait le bonheur de ces dames pachydermes. Nous avons assisté à un magnifique bain de boue : elles glissaient sur les flancs sur la pente boueuse du sentier (je ne savais pas qu’un éléphant était si souple ! elles glissaient avec les jambes postérieures tendues !) et s’aspergeaient le dos de boue avec leurs trompes. Nous étions hilares !

De retour au centre après la promenade, nous avons déjeuné de mets locaux délicieux, avec vue sur les éléphantes. Après manger, nous sommes descendus tous ensemble vers une mare où les éléphantes se sont baignées, et nous aussi ! Les enfants des mahouts se joignirent à nous, et s’ensuivit inévitablement une bataille d’eau. Nous sommes ensuite retournés au centre et il était maintenant temps de dire au revoir. J’étais très émue de quitter ces trois éléphantes, ces quelques heures passées avec elles restent gravées dans ma mémoire. Nous les avons vues repartir dans leur jungle, les arbres tremblant sur leur passage, et j’avais la gorge serrée.

Durant toute la journée, j’ai pu observer et apprécier la grande complicité qui existe entre les mahouts et leurs éléphantes. Parfois, l’une d’entre elles refusait de nous suivre ou décidait de s’arrêter pour déraciner quelques plantes. Les mahouts n’ont jamais élevé la voix, et encore moins la main, ils n’utilisaient d’ailleurs pas de bullhook. Nous attendions tout simplement que Madame ait décidé de reprendre sa marche. Je garde vraiment un magnifique souvenir de cette journée et de ces éléphantes qui m’ont vraiment paru heureuses et épanouies.

Les éléphants, symbole de la Thaïlande ou attraction touristique ?

L’impact du Covid sur les éléphants en Thaïlande

Les éléphants de Thaïlande n’ont malheureusement pas échappé à la crise sanitaire due au coronavirus et ont aujourd’hui grand besoin de notre aide. En effet, sans la venue de touristes ou de bénévoles dans les différents sanctuaires d’éléphants, il est maintenant très difficile pour eux de continuer à assurer leurs soins vétérinaires et à les nourrir. Faute de moyens, certains camps ont abandonné leurs éléphants, récupérés par d’autres fondations ou sanctuaires qui ont fortement besoin d’aide. De plus, certaines associations alertent sur le possible retour du street begging des éléphants dans les grandes villes. Si vous souhaitez les aider, il est possible de le faire, sans bouger de votre canapé ! Par exemple, l’Elephant Nature Park propose de sponsoriser un animal, ou bien de faire des dons à la fondation qui pourront, si un jour vous vous rendez en Thaïlande, être déduits du prix d’une future visite.

Et vous, avez-vous déjà voyagé en Thaïlande ? Avez-vous déjà vu des éléphants d’Asie ? Qu’avez-vous pensé de la façon dont ils sont traités ? Avez-vous d’autres expériences à partager avec nous concernant le bon ou mauvais traitement des animaux dans des lieux touristiques ? Dites-moi tout dans un commentaire !

Perle de Pluie

Sources texte

Elephant Nature Park
Global Health Council
National Geographic
The Care Project Foundation

Sources images

Photos : Perle de Pluie

3 réflexions sur “Les éléphants, symbole de la Thaïlande ou attraction touristique ?”

  1. Merci pour cet article qui montre clairement que l’exploitation animale comme divertissement et notamment dans le tourisme, doit cesser une bonne fois pour toute !
    Encore merci pour eux.

     
  2. Perle de Pluie

    Merci pour ton message Zandramas. Malheureusement c’est un cercle vicieux car ces animaux ont besoin de l’argent du tourisme pour être entretenus … il faut donc trouver des alternatives qui respectent au maximum les besoins et le mode de vie des animaux mais qui permettent tout de même de récolter des fonds. Pas simple.
    Mais je suis contente que mon article t’ait plu 🙂

     

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