Les Gens

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Ah les Gens, quel vaste sujet ! Je sens déjà votre curiosité en éveil et je vois les multiples points d’interrogation qui apparaissent dans votre esprit : qu’est-ce qu’elle va encore sortir de sa cervelle surchauffée ?

Tout d’abord, chers lecteurs, une petite mise au point s’impose. Les plus obtus d’entre vous auront remarqué que, sur le titre comme au début de cet article, le mot « gens » est écrit avec un G. Ceci n’est point une erreur non corrigée par Orion, mais bien un abus de langage que je me permets ici et que, je l’espère, vous tolèrerez.
Ainsi donc, pour la suite de cet article, sachez que le mot « Gens » désigne une espèce particulière de la race humaine : il s’agit de l’animal (oui je dis bien l’animal) qui prend les transports en commun à Paris tous les jours. Afin de ne pas vous perdre dans les méandres des transports en commun parisiens si vous n’y êtes pas initiés, je limiterai cette étude aux Gens que je croise tous les matins en prenant le RER. Pour vous, je vais ouvrir les portes d’un monde parallèle, un monde terrible dans lequel l’Homme cède à ses plus vils instincts animaux, un monde qui vous happe une fois que vous avez mis le pied dedans. Un monde effrayant, duquel il est difficile de sortir. Vous êtes prêts ? Alors venez avec moi, découvrir le monde des Gens…

 

Le décor

Commençons par planter le décor. Pour accéder au monde extérieur des Gens (les plus jeunes d’entre vous ayant peur du noir, je ne les emmènerai pas dans le monde souterrain), il faut d’abord descendre un petit escalier en extérieur. On arrive alors sur une place ronde : le passage vers le monde des Gens est fait comme un goulot d’étranglement. Sachez que l’entrée est contrôlée : le monde des Gens n’est pas ouvert à n’importe qui ! Mais j’ai mes entrées et je vous invite donc à me suivre.

 

Comment repérer les Gens ? 

Il existe plusieurs types de Gens, que je vous présenterai tout à l’heure. Cependant, sachez que, comme toute espèce animale ou végétale, le Gens possède des caractéristiques qui lui sont propres. Alors comment repérer un Gens dans la rue ? C’est très simple !
Tout d’abord, sachez que le Gens n’a pas de caractéristiques physiques particulières. Il peut se présenter sous la forme d’une dame chic, d’un jeune caché sous sa capuche, d’un jeune cadre dynamique en costard ou d’un vieux monsieur dont le pantalon trop court révèle des chaussettes d’une couleur parfois incongrue telle que rouge carmin ou bleu canard. Le Gens est remarquable par son comportement. Ainsi, lorsqu’il aperçoit un RER, le Gens a un réflexe morphologique absolument irrationnel : il se met à courir. Oui, le Gens détale comme un lapin face à un guépard, sans prendre le temps de regarder si le train à quai est bien celui dans lequel il souhaite monter ! Ce qui donne toujours lieu à d’extraordinaires moments de solitude : le Gens pris en flag’ reste penaud sur le quai de la gare et tente d’adopter une attitude normale pour dissiper la gêne provoquée par sa bourde. En général, il se lance dans la contemplation d’un panneau publicitaire en essayant d’avoir l’air naturel. Vous pourrez également observer la course rapide et agile du Gens en entendant le bruit d’un train qui arrive, parfois confondu avec le bruit d’un camion passant dans la rue d’à côté. Mais le Gens ne craint pas les moments de solitude, tout ce qui lui importe, c’est de pouvoir attraper son RER.

Le Gens dans son habitat naturel

Passons maintenant au cœur de notre sujet : l’étude du Gens dans son habitat naturel. Je ne peux m’empêcher de noter que le Gens, quelle que soit son apparence, est toujours pressé. Nous avons vu tout à l’heure que le Gens était capable de détaler à une vitesse incroyable pour attraper ne serait-ce qu’un hypothétique train. En réalité, attraper son RER est une idée fixe chez lui. Pour cela, il est prêt à tout. Oui, je dis bien à tout. Sinon, comment expliquer que je puisse observer chaque matin leur course effrénée sur le quai de la gare qui se termine trop souvent de la même manière : avec un Gens combattant les portes du train qui tentent férocement de se refermer sur lui? Le Gens livre alors une lutte sans merci contre les mâchoires intraitables du RER, mais dans la majorité des cas, il gagne le combat. Sa récompense ? Pouvoir s’entasser dans un minuscule coin, collé contre d’autres Gens afin d’atteindre le bout du chemin cinq minutes plus tôt que les pauvres mortels plantés sur le quai. Cependant, je me dois de vous avouer que parfois, le Gens manque de chance. Comme ce pauvre Gens l’autre jour : en véritable virtuose du slalom, il grimpe les escaliers quatre à quatre en évitant tant bien que mal les passagers, pestant contre les pauvres victimes bousculées qui se trouvent sur son chemin, il jette ses dernières forces dans une accélération en haut des marches et il finit par s’écraser les deux mains en avant contre les portes fermées du RER. Dommage !

 

Même sur le quai, le Gens ne tient pas en place. Lorsque le tableau d’affichage annonce le prochain train dans quelques minutes, le Gens éprouve l’irrésistible besoin de marcher le long du quai. Agréable balade pour admirer à loisir les mêmes publicités qui décorent les murs ? Que nenni ! Le Gens est un rusé. Après avoir mené ma petite enquête, j’ai découvert que le Gens aime monter dans le même wagon tous les matins. Et pas n’importe lequel ! Histoire de gagner 10 précieuses secondes pour « choper » sa correspondance, il se place dans le wagon situé en face de l’escalier de sortie de la station d’interconnexion. Lorsque la charmante voix OFF annonce le nom du prochain arrêt, cela agit comme un catalyseur sur le Gens, qui se lève d’un coup. Tout en essayant de ne pas paraître trop empressé, il se contient pour ne pas courir se mettre devant la porte afin d’être le premier à bondir hors du train. Lorsqu’il ne s’agit que d’une personne, c’est risible. Mais songez qu’ils sont tous comme ça ! Ils sont des dizaines à vouloir être le premier à sortir du train. Nous entrons en gare… Et là, je m’arrête quelques instants pour une petite description de la scène. Des dizaines de Gens attendent, en piaffant d’impatience, que les portes s’ouvrent. Tellement impatients que le petit veinard qui a réussi à se glisser au premier rang appuie comme un forcené sur le bouton d’ouverture alors même que le train n’est pas arrêté. Il subit la pression des autres membres du clan, eux aussi prêts à se jeter dehors. Et là, deux cas de figure se présentent : soit le Gens a de la chance et il tombe sur un conducteur sympa qui déverrouille la porte au moment où le train ralentit au maximum pour que ces personnes puissent gagner une seconde. Ou alors, comble de malchance, le conducteur est un sadique et refuse de laisser le Gens sauter en cours de route. Et là, dès que les portes s’ouvrent, c’est la jungle. Le Gens pressé de monter se heurte au Gens pressé de descendre, qui prend la priorité qu’on lui refuse. Ainsi, durant quelques minutes, le quai de la gare devient une belle cohue. Mais revenons aux Gens qui descendent : une fois hors du train, vous pourrez assister à un concert de Claps. Qu’est-ce donc ? Je vous ai dit tout à l’heure que le Gens pouvait prendre notamment les traits de personnes de sexe féminin. Portez maintenant votre attention sur les chaussures de ces dames : escarpins, bottines, bottes. Toutes (ou presque) portent des talons. N’oubliez pas qu’en plus d’être des dames, ce sont des Gens donc elles sont pressées. Du coup, la descente des escaliers s’apparente à un concert de petits « claps, claps, claps », onomatopée représentant le bruit de leurs chaussures sur le béton.

Il y aurait beaucoup d’autres caractéristiques de Gens à citer dans cet article, comme le GG, Gens Geek qui travaille sur son ordinateur portable même lorsque le train est bondé ou encore le Gens qui raconte sa vie au téléphone de manière à ce que tout le wagon soit au courant de sa trépidante existence !
Maintenant que vous avez les bases, il ne vous reste plus qu’à approfondir la pratique, en osant, vous aussi, pénétrer dans le monde des Gens.

Images : 
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Shini

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