Les récompenses littéraires les plus surprenantes

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Le Prix Goncourt, le Prix Nobel de littérature, le Prix Fémina… Peut-être que ces récompenses, françaises et internationales, vous rappellent quelque chose. Elles mettent en avant le talent de certains auteurs, l’originalité d’une œuvre, le développement inédit du thème traité et bien d’autres choses encore. Pourtant, il y a certains prix que vous n’êtes pas vraiment sûrs de vouloir gagner… Suivez le guide ! 

Les prix français

Les Prix Bartleby du roman inachevé

Si vous avez déjà commencé à écrire un roman, mais que vous n’avez pas réussi à aller jusqu’au bout, vous auriez pu déposer votre candidature pour un des Prix Bartleby du roman inachevé : comme ce nom l’indique, ils récompensent « les meilleures œuvres non menées à leur fin ». Malheureusement, il est maintenant trop tard pour participer, car la seule édition de ces concours s’est déroulée en 2009, mais je vous assure qu’elle valait le détour !

Il en existait quatre différents, dont voici les intitulés et les vainqueurs :
– le Prix du roman inachevé pour un auteur non publié : non attribué ;
– le Prix du roman inachevé d’un auteur déjà édité : Philippe Jaenada, pour Drames, malheurs et destins brisés, qui fut terminé et publié en 2011 sous le titre La femme et l’ours ;
– le Prix du roman inachevé étranger (et posthume en l’occurrence) : Graham Greene, pour La Chaise vide, le début d’un roman policier (1926) ;
– le Prix du roman ni écrit, ni à écrire (c’est-à-dire un livre « non terminé mais suffisant comme ça ») : Florian Zeller, pour « l’ensemble de ses œuvres ».

Toutes les œuvres inachevées pouvaient être soumises à candidature tant qu’elles n’avaient jamais été publiées ; peu importait la longueur, pouvant aller de quelques mots à un roman de centaines de pages.
Pour participer à un de ces concours, vous deviez envoyer votre roman aux organisateurs par courriel. Un comité de sélection choisissait les romans qui concouraient, puis un jury élisait les gagnants.
Du coup, que remportaient ces derniers ? Les organisateurs ont répondu : « Le droit de ne pas achever son écrit. Son œuvre inaboutie sera publiée en l’état par un éditeur audacieux. Ou pas. »

Le Prix de l’Inaperçu

Allant complètement à l’encontre de tous les prix nationalement et mondialement reconnus, le Prix de l’Inaperçu concernait les auteurs ayant publié un ouvrage qui n’avait pas rencontré son public ou qui avait été passé sous silence. Concrètement, le nombre de ventes ne devait pas être supérieur à un millier, et il ne fallait pas que l’ouvrage eût été cité dans plus de deux ou trois revues critiques. Pour gagner ce prix, l’œuvre devait tout de même mériter qu’on parle d’elle.

Ce prix se déclinait en deux catégories : les œuvres françaises (le Prix Ignatius J.Reilly) et les œuvres étrangères (le Prix étranger).

Commencé en 2008, ce concours s’est déroulé toutes les années jusqu’en 2015. Les derniers vainqueurs, ayant publiés leur ouvrage plus tôt cette même année, étaient :
• pour le Prix Ignatius J.Reilly : Le poisson pourrit par la tête de Michel Goussu
• pour le Prix étranger : Le Poids du temps de Lutz Seiler

Un jury, d’une dizaine de membres, se composait de deux tiers de professionnels (journalistes, écrivains, blogueurs, etc.), et d’un tiers de lecteurs « civils ». D’ailleurs, le créateur de cette récompense est l’un des jurys fixes du prix Bartleby. Selon les années, il arrivait que certains membres changeaient, d’autres fois, c’étaient tous les jurés qui partaient, afin de renouveler le jury.

Une fois n’est pas coutume, les gagnants remportaient de l’argent ! 1 000 € pour l’auteur français, et la même somme à répartir entre l’auteur étranger et son traducteur. Certes, pas de quoi casser des briques, mais on peut imaginer un regain d’intérêt des Français pour ces ouvrages.

Les prix étrangers

Le Bad Writing Contest

The move from a structuralist account in which capital is understood to structure social relations in relatively homologous ways to a view of hegemony in which power relations are subject to repetition, convergence, and rearticulation brought the question of temporality into the thinking of structure, and marked a shift from a form of Althusserian theory that takes structural totalities as theoretical objects to one in which the insights into the contingent possibility of structure inaugurate a renewed conception of hegemony as bound up with the contingent sites and strategies of the rearticulation of power.

« Le déplacement d’un rapport structuraliste dans lequel on attend du capital qu’il structure des relations sociales de manière relativement homologues vers une vue d’hégémonie dans lequel les relations de pouvoir sont sujets à se répéter, à converger, et à se réarticuler amenait la question de temporalité à l’intérieur de l’idée de structure, et marquait un déplacement d’une sorte de théorie althussérienne qui prend les totalités structurelles comme des choses théoriques à une autre dans laquelle les connaissances de la possibilité éventuelle de structure, inaugurent une conception renouvelé de l’hégémonie comme attaché avec des sites et des stratégies contingentes de réarticulation du pouvoir. »

Vous n’avez rien compris ? Je suis sûre que vous n’avez même pas tout lu… Ne vous inquiétez pas, c’est normal ! En effet, le Bad Writing Contest « récompensait » (sans de gain à la clé) les auteurs avec le plus mauvais style d’écriture, en se basant sur un extrait d’article ou de livre « savant », extraits que même un professionnel en la matière trouvait lourd et difficile à décrypter.

Ce concours n’a eu droit qu’à quatre éditions (de 1995 à 1998). La citation ci-dessus est tirée d’un article de la dernière gagnante. Il s’agit de Judith Butler : elle est professeure de rhétorique et de littérature comparative dans une grande université californienne, fondatrice de la théorie du genre (en lien avec l’identité sexuelle) et considérée par certains à l’époque comme « l’une des dix personnes les plus intelligentes de la planète ». D’après le créateur de ce prix, Denis Dutton, éditeur de la revue universitaire Philosphy and Literature, c’était « l’obscurité anxiogène » des phrases de ce professeure qui lui a fait atteindre ce « titre ».

Voilà un concours dans lequel les lauréats auraient préféré ne pas gagner…

Le Bad Sex in Fiction Award

Bien loin des Cinquante Nuances de Grey, le Bad Sex in Fiction Award est destiné à l’auteur qui a écrit la pire description d’un acte sexuel dans un livre (hors biographie). Ce concours a commencé en 1993 et a une édition par an depuis cette année-là. Les inventeurs de ce prix (uniquement anglophone) affirment qu’ils l’ont créé pour décourager les descriptions sans saveur de scène d’amour dans la littérature moderne. Les romans érotiques et pornographiques ne sont pas concernés par ce prix.

Les œuvres gagnantes sont donc celles dont le vocabulaire ou l’action sont très (trop) imaginatifs, ou bien celles qui, au contraire, manquent cruellement d’inspiration. Afin de ne heurter la pudeur de personne, je ne mettrai pas d’extraits des vainqueurs…
Cependant, je peux vous dire que d’après le jury du Bad Sex in Fiction Award, dans un passage érotique, faire un lien entre l’élastique d’une culotte autour des hanches d’une femme et l’équateur qui fait le tour du monde, est une mauvaise idée. Il en va de même pour la comparaison entre un homme prêt à l’action et un lépidoptériste (un collectionneur de papillons) qui met un insecte à peau dure sur son support à tige émoussée…

Le dernier vainqueur en date, en 2017, est Christopher Bollens pour son roman thriller The Destroyers, qui fait malencontreusement penser, lors d’une scène d’amour, que son personnage masculin a trois testicules… ou plus ! De quoi déstabiliser quelque peu le lecteur, n’est-ce pas ?

Les Weird-Ass Picture Book Awards

Les Weird-Ass Picture Book Awards, ou « WAPBA », est un prix qui concerne l’histoire d’un livre, sa couverture ou ses illustrations, sorti dans l’année de l’édition du concours. Un quatrième prix est attribué au livre qui combine ces trois éléments. Plus un de ces critères est étrange, plus les auteurs ou illustrateurs ont de chances de gagner.
Créé en 2006 par une bloggeuse littéraire, MotherReader, ce prix a été décerné pour la dernière fois en 2008. « L’étrangeté atteint de nouveaux sommets dans l’art et dans la narration. » déclare-t-elle. À la clé, aucun lot, puisqu’il s’agit là d’un concours très humble.
Le grand gagnant de la dernière édition des WAPBA est l’album pour enfant Cowboy and Octopus (« Le Cowboy et la Pieuvre »), apprécié par la bloggeuse pour ses illustrations et pour l’histoire étrange de deux personnages dont l’amitié paraît surréelle.

Le gagnant 2008 des illustrations les plus étranges est Bow Wow Bugs a Bug (« Un toutou embête un insecte »). L’histoire est assez commune, à ceci près qu’il n’y a aucun mot ! Cet album met en images un chien qui embête un insecte ; ensuite, il rencontre un autre chien qui lui-même a un insecte, et c’est là que tout ceci devient de plus en plus étrange… Pour en savoir plus, il faudra le lire !

Le Diagram Prize

Habituellement raccourci en « Diagram Prize », le Diagram Prize for Oddest Title est une compétition littéraire qui récompense l’auteur ayant le titre de livre le plus étrange voire dérangeant. Ce concours britannique est né afin de se différencier d’autres remises de récompense, souvent considérées comme ennuyeuses. Il se déroule tous les ans depuis 1978, et il n’a ni traduction, ni équivalent en France. Ainsi, à l’origine, les titres des œuvres gagnantes sont en anglais, même si les livres proposés viennent de différents continents. Depuis 2000, ce n’est plus un jury mais uniquement le public qui vote sur le site Internet de l’éditeur (The Bookseller) pour élire le titre le plus bizarre, parmi une liste de titres proposés par des auteurs, des éditeurs, etc. Le vote a généralement lieu jusque fin mars, et les résultats sont communiqués au début de l’été. En 1987 et en 1991, aucun prix n’a été décerné, car le jury de l’époque avait décrété que les titres proposés n’étaient pas assez étranges.

Parmi tous les grands vainqueurs, je vous ai sélectionné mes préférés. Attention, les titres étant tous en anglais et aucun n’étant paru en français, c’est moi qui les ai traduits ; ce ne sont donc pas des traductions officielles.
– « Grossissement naturel de la poitrine par un contrôle total : comment utiliser les autres 90 % de votre esprit pour augmenter la taille de vos seins » (Natural Bust Enlargement with Total Power: How to Use the Other 90% of Your Mind to Increase the Size of Your Breasts), de Donald L.Wilson, vainqueur en 1985 ;

– « Les Temps forts de l’histoire du béton » (Highlights in the History of Concrete), de C. Stanley, en 1994.

– « Blinder son cheval : apprendre à son cheval à être confiant, obéissant, et prudent, peu importe ce à quoi vous êtes confrontés » (Bombproof Your Horse: Teach Your Horse to Be Confident, Obedient, and Safe, No Matter What You Encounter), de Rick Pelicano et de Lauren Tjaden, gagnants en 2004 ;

– « Les caddies errants de l’est de l’Amérique du Nord : un guide pour identifier le terrain » (The Stray Shopping Carts of Eastern North America: A Guide to Field Identification) de Julian Montague, mis en avant en 2006.

Ces titres sont très souvent accrocheurs par leur originalité ou leur bizarrerie, mais ne vous y trompez pas, le contenu peut être aussi sérieux que le titre est amusant.
Mais que gagnent les vainqueurs ? Rien. À part « l’adulation de millions de personnes », comme le précise le site de la maison d’édition organisatrice de cette compétition… et parfois, ce n’est pas peu dire ! Par exemple, « Comment éviter les énormes bateaux » (How to Avoid Huge Ships) de John Trimmer a gagné le Diagram Prize en 1992 et actuellement, ce livre de 112 pages de cette édition se vend à une centaine d’euros d’occasion, et à environ 230 euros neuf.

Le Bulwer-Lytton Fiction Contest

Bon, pour le coup, le titre de ce prix ne vous indique pas grand-chose… Le Bulwer-Lytton Fiction Contest (du nom d’un célèbre écrivain de l’époque victorienne), organisé par une université californienne, récompense l’auteur de la pire première phrase pour un livre. Vous avez bien compris, on juge uniquement la phrase d’accroche d’un roman, même s’il comporte des centaines de pages ; mais ces quelques mots peuvent aussi être les seuls d’un livre qui n’existe pas ! Car la seule condition nécessaire pour participer à ce prix, c’est de ne pas recopier et de ne pas parodier quelque chose déjà existant. Les candidats ont donc juste à inventer une phrase d’accroche ou à prendre celle d’un livre qu’ils ont écrit, et à la soumettre au jury.

Ce concours, débuté en 1983, continue encore de nos jours une fois par an. À sa première édition, il y a eu seulement 3 participants, contre 10 000 l’année suivante ! À cause de l’augmentation du nombre de participants, de nouvelles catégories sont apparues au fil des années : générale, policière, western, science-fiction, etc., il y en a autant que nécessaire.
Afin de ravir un plus grand nombre de potentiels vainqueurs, certains bons concurrents ne pouvant pas accéder à un des prix sont malgré tout récompensés par la dishonorable mention (la « mention déshonorante »). Oui, ce titre plaît aux gagnants…
Pour l’anecdote, lors d’une seule édition du concours, quelqu’un a quand même proposé 3 000 phrases d’accroche… Il n’a pas gagné.
La 35e et dernière grande gagnante en date (en 2017), Kat Russo, a reçu le prix grâce à la phrase suivante : « La ville elfique de Losstii était face à d’imposantes falaises qui donnaient sur la mer, et à des collines vallonnées couvertes de couvertures de fleurs en été, et couvertes de couvertures en hiver, car les elfes voulaient garder les fleurs au chaud, et ne connaissaient pas grand-chose au jardinage. » (The elven city of Losstii faced towering sea cliffs and abutted rolling hills that in the summer were covered with blankets of flowers and in the winter were covered with blankets, because the elves wanted to keep the flowers warm and didn’t know much at all about gardening.).

Comme ces prédécesseurs, Kat Russo a gagné « des clopinettes » (d’après les créateurs du concours) : il s’agit d’un prix en dollar, dont la valeur change selon les années.

Le Lyttle Lytton Contest 

Le Bulwer-Lytton Fiction Contest a aussi un petit frère ! Il s’agit du Lyttle Lytton Contest ; les règles de ce concours sont les mêmes, à ceci près que les phrases concurrentes doivent comporter au maximum 25 mots. Ce concours a démarré en 2001 et continue de nos jours, lui aussi tous les ans. Voici l’accroche gagnante de l’année 2018 : « Alors que je sentais le vampire … »… ah ben non en fait. Je pense que cette phrase pourrait aussi gagner le Bad Sex in Fiction Award, alors je ne vous la communiquerai pas… Par contre, je peux vous donner la traduction du second : « La fille avec le steak vegan m’observait avec des yeux plus doux que la non-violence dans son assiette. » de Neil Martin (The girl with the vegan pork regarded me with eyes more kind than the nonviolence on her plate.). Dommage que ce livre n’existe pas, il aurait pu être prometteur !

Nous arrivons à la fin de cet article. Connaissiez-vous ces prix ? Lequel vous a le plus marqué ? Quelle récompense auriez-vous préféré gagner ? Et si l’inspiration vous en dit, partagez votre phrase d’accroche pour le Bulwer-Lytton Fiction Contest !

Gwendoline F.-R.

Sources texte :

Prix Bartleby

Prix de l’Inaperçu : 1, 2

Bad Writing Contest

Bad Sex in Fiction Award : 12

Weird-Ass Picture Book Awards

Diagram Prize : 1, 2

Bulwer-Lytton Fiction Contest : 1, 2

Lyttle Lytton Contest

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3 réflexions sur “Les récompenses littéraires les plus surprenantes”

  1. J’ai bien ri avec ton article, je ne pensais pas que de tels prix existaient. Ca ne me surprend pas qu’ils se battent pour avoir la mention déshonorante :’) J’aime bien le prix du roman inachevé, mais ça doit être très frustrant quand on adore l’histoire/

     
  2. Je trouve ça trop drôle ces prix insolites ! Je n’en connaissais aucun, mais le Bad Writing Contest me fait bien rire, pauvre auteur qui le reçoit ! Quitte à en gagner un, je pense que je préférerais celui du roman inachevé haha

     
  3. Gwendoline F.-R.

    Merci les filles ! =)
    Siran, je me suis fait la même réflexion pour le roman inachevé ! Ca m’a d’ailleurs fait penser à un ebook que je lisais avec envie… mais je n’avais pas vu que ce n’était qu’une nouvelle… Quelle frustration, l’intrigue était parfaite !! Malgré ça, je pense qu’à l’occasion, j’irai lire un des vainqueurs du roman inachevé, par curiosité ^^

     

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