Tara Fares, influenceuse irakienne assassinée pour sa liberté

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Fin septembre, les réseaux sociaux ont été choqués d’apprendre la mort de Tara Fares, mannequin et influenceuse irakienne. Elle a été assassinée en pleine rue, certainement à cause de ses positions féministes et de son influence croissante dans un pays conservateur. Dans cet article, nous revenons sur la vie et le destin tragique de cette jeune femme. 

Le parcours de Tara Fares

 

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Tara Fares, de son nom complet Acha Tara Faris Chamounn, est née le 10 janvier 1996 à Bagdad, d’un père irakien et d’une mère libanaise.

Elle grandit dans une famille nombreuse de quatre filles et trois garçons. D’abord chrétienne, la famille de Tara se convertit à l’islam lorsque celle-ci a 6 ans. Elle est mariée de force à l’âge de 16 ans, et donne naissance à un fils, Amir. Après seulement quelques mois d’union avec son mari violent, elle divorce. Plus tard, elle dira sur ce sujet : « Tous les hommes irakiens veulent une femme pour les servir, laver leurs vêtements, se consacrer à eux, mais ils ne te demandent pas d’avoir des sentiments. Ce qui revient à te demander de ne pas être humaine. »

Elle se lance quelque temps plus tard dans le mannequinat et devient blogueuse mode. Son succès sur les réseaux sociaux et sur les podiums est rapide. Très influencée par le monde occidental, Tara n’hésite pas à beaucoup se maquiller et à s’habiller de façon sexy. Elle ne porte pas le voile et revendique cette position :

« Si je ne porte pas le voile, suis-je une prostituée ? Je porte ce que je veux, je fais ce que je veux. Mais ce dont je suis sûre à 100 %, c’est que je ne fais de mal à personne. »

Son attitude considérée comme provocante la conduit rapidement à recevoir des menaces. Elle quitte l’Irak avec sa famille et vit en Turquie puis en Jordanie. Elle revient peu de temps après en Irak, car elle est attachée à son pays.

En 2014, Tara est élue Reine de beauté de Bagdad lors d’un concours non-officiel, le concours de miss Irak ayant été interdit entre 1978 et 2015. La même année, Daech prend le contrôle de Mossoul ; la vie à Bagdad devient très dangereuse, les attentats et les assassinats se multipliant.

Tara s’installe alors dans un quartier chic et moderne d’Erbil, une ville plus calme. Blogueuse et influenceuse à plein temps sur les réseaux sociaux, elle ne revient à Bagdad que ponctuellement pour le travail, comme le jour de sa mort où elle devait faire un shooting photo.

Une série d’assassinats à l’encontre de femmes influentes

Le jeudi 27 septembre 2018, alors qu’elle est au volant de sa voiture de sport, Tara Fares est assassinée en plein jour et en pleine rue à Bagdad. La scène a été filmée par une caméra de vidéosurveillance : un homme lui a tiré trois balles (deux dans la tête, une dans la poitrine) et s’est enfui sur un scooter conduit par un complice. Son compagnon, passager dans la voiture, l’a emmenée à l’hôpital où son décès a été malheureusement constaté.

Le meurtre, visiblement prémédité, survient deux jours seulement après la mort de Souad al-Ali, une militante des droits de l’Homme, assassinée elle aussi par balle alors qu’elle se trouvait dans sa voiture. La police a accusé son ex-mari, actuellement en fuite.

Néanmoins, en août, deux autres femmes influentes ont été retrouvées mortes à leur domicile dans des circonstances encore floues. Il s’agit de la chirurgienne plastique Rafif al-Yassiri, surnommée « Barbie », et de Racha al-Hassan, directrice de l’institut de beauté Viola Beauty Center.

Face à cette série de meurtres et de morts inexpliquées, la police a dans un premier temps tenté de rassurer la population en dissociant les affaires. Toutefois, le premier ministre irakien Haider al-Abadi a fait un communiqué où il évoque « des éléments laissant penser qu’il y a un plan décidé par des parties organisées pour perturber la sécurité, sous prétexte de lutter contre la dépravation ». Les autorités envisagent donc sérieusement un lien entre toutes les affaires.

La beauté et la mode comme moyen de lutte

 

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Tara Fares revendiquait d’être libre. Elle se maquillait et s’habillait comme elle le voulait, n’hésitant pas à se dénuder et à s’exposer sur les réseaux sociaux. Tatouée, manucurée, changeant régulièrement de couleur de cheveux, elle s’inspirait largement des femmes occidentales ; on la surnommait même « la Kim Kardashian de la Mésopotamie ». En effet, cette blogueuse et influenceuse était très célèbre dans son pays et dans le Moyen-Orient. Son compte Instagram était suivi par près de 3 millions de personnes, elle était donc l’une des personnalités irakiennes les plus influentes. Ses photos sexy choquaient une partie de la population qui est en majorité islamique.

Dans nos pays occidentaux, les influenceuses passionnées de mode et de maquillage sont monnaie courante, mais dans un pays comme l’Irak, cela détonne fortement. La société est patriarcale et très conservatrice, les extrémistes religieux sont puissants, et l’insécurité est forte. Être une femme libérée en Irak, ce n’est donc pas être superficielle, c’est un acte militant et de bravoure. Rien que conduire une voiture ou enfourcher un vélo est très mal vu, mais Tara Fares osait s’afficher dans une Porsche décapotable.
Sa renommée croissante et son discours provocateur déplaisaient aux leaders religieux et aux conservateurs. Malgré les insultes et les menaces, elle continuait de vivre comme elle l’entendait. Un tel exemple peut faire des émules parmi les jeunes femmes…

En août 2018, elle avait posté ce message sur Instagram :

« Cela ne me fait pas peur que des gens rejettent l’existence de Dieu. Ce qui me fait vraiment peur, ce sont ceux qui tuent et massacrent pour prouver l’existence de Dieu ».

Un message peut-être malheureusement prophétique…

 

Avez-vous entendu parler de Tara Fares et de son assassinat ? Partagez votre réaction dans les commentaires.

Sonatine

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Photos du compte Instagram de Tara Fares

2 réflexions sur “Tara Fares, influenceuse irakienne assassinée pour sa liberté”

  1. Très intéressant d’avoir mis en lumière cette jeune femme, qui revendiquait simplement son envie de vivre comme elle l’entendait. C’était finalement une vraie militante, derrière l’image de blogueuse superficielle. C’est son assassinat qui m’aura fait connaître Tara Fares, quelle tristesse de réaliser qu’elle avait mon âge et une vie si chaotique…

     
    1. Merci beaucoup Serendip ! Ravie que cet article t’ait plu 🙂 Je pense que c’est à travers ce genre d’exemple qu’on se rend compte qu’il ne faut pas se fier uniquement à l’apparence des gens. Aimer se maquiller de façon chargée ne veut pas dire qu’on est stupide, tout comme faire de la muscu, et autres clichés… Et surtout, notre façon de voir les choses dépend aussi de la société et de la culture dans laquelle on vit.

       

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