Tout le monde connaît la famille Médicis, et surtout son représentant le plus illustre : le prince de Florence, Laurent Le Magnifique tel qu’il était déjà surnommé de son vivant. Cependant, nous avons tendance à oublier que cette famille de banquiers florentins a donné deux reines à la France : Marie et Catherine. Si l’une ne présente pas grand intérêt puisque sa sottise n’a d’égale que son tour de taille, et que sans sa fabuleuse dot et les idées farfelues d’Henri IV elle n’aurait jamais pu mettre ses mains avides sur la couronne de France, l’autre mérite toute notre attention : il s’agit de Catherine.
L’Histoire n’a retenu d’elle que l’image d’une femme vêtue de noir, posant avec un air déterminé et froid. Cependant, derrière la légende de la Veuve Noire se cache une très grande reine de France doublée d’un fin stratège politique.
Arrivée en France
En 1515, la France est gouvernée par le roi François Ier. S’il est passé à la postérité pour être un grand mécène et le bâtisseur des plus beaux châteaux de la Loire, François Ier est également un roi très engagé en politique et réformateur. Il pose notamment les bases de notre état civil actuel en imposant le français comme langue officielle pour l’administration en lieu et place du latin, et en obligeant les prêtres à tenir un registre de baptême. Excellent tacticien, il se sert de la diplomatie comme outil de parade afin d’impressionner son meilleur ennemi, le maître du Saint Empire romain germanique : Charles Quint.
À cette époque, le roi de France cherche à reconquérir le duché de Milan, qui appartient à Charles Quint. En effet, malgré la perte du duché en 1525 suite à la bataille de Pavie, François Ier peut prétendre à des droits sur ces terres grâce à son arrière–grand–mère Valentine Visconti. Il se tourne vers l’Europe afin de chercher un soutien militaire pour la guerre qu’il prévoit de mener en Italie et trouve ce soutien en la personne du Pape Clément VII.
En 1530, ce même Pape sacre Charles Quint empereur du Saint Empire romain germanique, ce qui comprend notamment, en plus de l’Allemagne et de l’Espagne, des territoires italiens et français. Le 7 août de la même année, François Ier, veuf de Claude de France, épouse la sœur de Charles Quint, Eléonore de Habsbourg, afin d’apaiser les tensions avec son meilleur ennemi. Mais les guerres coûtent cher et le royaume de France, laissé pourtant financièrement sain à la mort de Louis XII, est en déficit. Pour trouver de l’argent, François Ier envisage alors de marier un de ses fils : le dauphin, François de France, ou encore son cadet, Henri. L’aspect financier, politique et culturel du mariage pousse le Roi à choisir la cousine du Pape Clément : Catherine de Médicis.
Mariage avec Henri II
Orpheline florentine élevée auprès du Pape, elle reçoit une éducation qui fait d’elle une prétendante au trône. Cousinant avec le Pape qui la dote, elle fait également partie de la branche des Médicis, la famille la plus puissante de Florence. Enfin, c’est une Italienne et sa nationalité ne pouvait qu’être approuvée par ce Roi mécène, ami de Léonard de Vinci. Cependant, d’origine roturière, François Ier ne la juge pas digne du Dauphin, mais voit dans sa dot le sauvetage financier de son royaume et conclut donc le mariage avec son deuxième fils Henri. En plus de sa culture italienne, Catherine apporte surtout à la France une dot considérable de cent mille écus d’or et trente mille écus de bijoux, soit de manière très approximative 740 000 €.
Le mariage entre Catherine de Médicis et Henri, titré duc d’Orléans, est célébré le 28 octobre 1533 à Marseille, en présence du Pape Clément. Ce dernier est le garant de la dot de Catherine : le contrat de mariage stipule que c’est lui qui doit payer la dot de la dauphine, mais également apporter une aide militaire à François Ier dans sa reconquête des territoires italiens (duché de Milan notamment). Cependant, l’Histoire prend parfois un malin plaisir à contrarier les plans établis. Ainsi, Clément VII meurt en 1534 sans avoir payé la dot de sa nièce et son successeur Paul III rompt les accords d’alliance avec la France. Du côté des deux époux, c’est loin d’être un conte de fées. Si Catherine de Médicis est une candidate qui sert parfaitement les intérêts et la politique de François Ier, Henri de France est loin d’être charmé par son épouse. En effet, Catherine est non seulement une roturière – elle sera surnommée “La Banquière” par les courtisans –, mais elle a été pourvue d’un physique plutôt disgracieux. Âgée d’à peine quatorze ans lors de son mariage, c’est une adolescente corpulente et relativement fade, mais dont le cœur s’enflamme devant son époux du même âge, qui ne l’aimera jamais. Au soir du mariage, François Ier accompagna son fils et sa nouvelle belle-fille jusqu’à la chambre nuptiale et fût, paraît-il, le témoin des premiers ébats. Les deux époux étant âgés de quatorze ans, il craignait que le mariage ne fût pas consommé, ce qui lui aurait fait perdre son alliance politique avec le Pape. Le lendemain, Clément VII vint observer les jeunes époux au saut du lit et, les trouvant “contents l’un de l’autre”, retourna à Rome avec la satisfaction que Catherine ne serait pas répudiée.
Accession au trône
Appréciée pour son intelligence, Catherine de Médicis tient cependant une place minime au sein de la cour de France, et ce, même si elle s’entend très bien avec son beau–père François Ier. Le fait qu’elle soit jeune, sans grand éclat et qu’elle ne maîtrise pas la langue française fait que la cour se désintéresse de cette jeune adolescente italienne. Elle est également délaissée par son époux qui lui préfère sa nourrice de vingt ans plus âgée que lui, la célèbre Diane de Poitiers. Enfin, elle n’est “que” l’épouse du second fils du Roi, elle n’est donc pas destinée à jouer un grand rôle politique. Cependant, l’Histoire est en marche et rien ne peut l’arrêter. Le destin de Catherine de Médicis bascule le 10 août 1536, soit trois ans après son mariage. Le fils aîné de François Ier, François de France, décède brutalement des suites d’une maladie pulmonaire. Henri devient alors le Dauphin de France, le prochain héritier de la couronne. Les yeux de la Cour se tournent tout naturellement vers ce futur couple royal, qui n’a toujours pas d’enfant. En effet, la menace de répudiation plane sur Catherine de Médicis car, en tant que futur couple royal, l’assurance de la lignée dépend d’elle. Or, son époux se consume d’amour pour sa nourrice et ne rejoint sa femme que rarement. Catherine de Médicis, dont l’intelligence a été aiguisée par les événements politiques de son enfance, souffre beaucoup de la préférence affichée par son mari pour la “plus que Reine”, mais ne le montrera jamais. Elle laisse donc son époux porter les couleurs d’une autre et s’afficher avec elle, tandis que Diane de Poitiers convainc son amant de rejoindre sa femme afin d’assurer la descendance, comme il le sied à un futur Roi.
En janvier 1544, la Dauphine donne naissance à un garçon, le futur François II. Elle peut enfin respirer, la descendance est assurée. L’année suivante, elle met au monde une petite Elisabeth et continue sur sa lancée, si bien qu’en 1547, quand meurt François Ier, le couple royal a un héritier et deux petites princesses. Catherine de Médicis donnera naissance à huit autres enfants, dont cinq garçons.
La politique de Catherine de Médicis
Devenue Reine de France, l’influence de Catherine de Médicis est complètement étouffée par celle de Diane de Poitiers. Couverte de présents par son royal amant, elle mène sa propre politique grâce à l’influence sans borne qu’elle exerce sur Henri II, jusqu’en 1559 où le Roi meurt des suites d’une blessure lors d’un tournoi. Catherine de Médicis, devenue régente, chasse l’ancienne favorite qui finira ses jours dans son superbe château d’Anet. Elle révèle alors sa politique au grand jour, avec des méthodes jamais employées jusqu’alors. Son but est de redresser un pays au bord du chaos et ravagé par les guerres de religions. En 1560, à Amboise, son fils François II, âgé de 16 ans, est victime d’une tentative d’enlèvement par des chefs protestants. Catherine se doit d’être impitoyable pour asseoir sa légitimité politique : les chefs sont pendus au balcon de fer du château. Ce geste politique envoie un fort message : il faut respecter l’autorité royale et la personne du Roi. La Reine est obligée d’avoir une main de fer : c’est une période de remise en cause de la légitimité du pouvoir des femmes. Elle n’a qu’une solution pour faire admettre son pouvoir : apparaître comme la veuve d’Henri II. Pour cela, elle se pare toujours de vêtements de deuil et se sert de son veuvage comme technique de communication politique. Pour elle, les femmes font vivre l’amour alors que les hommes font vivre la violence et la guerre. Ainsi, quand François II meurt en décembre 1560, elle va imposer son fils Charles IX comme légitime Roi de France en entreprenant avec lui un voyage de deux ans à travers la France. Il s’agit pour elle de présenter le Roi à ses sujets : c’est elle qui prend la tête du cortège, qui décide de chaque étape et qui rencontre en personne les belligérants – partie prenante de la guerre – afin de s’entretenir avec eux sans intermédiaire. Dans un pays tiraillé par la guerre civile, son courage et son allure impressionnent. De plus, elle se sert de sa condition de femme pour servir sa politique : elle fait de ses faiblesses physiques un atout pour endormir la vigilance de ses adversaires. Elle négocie pour préserver son royaume et préfère utiliser des fêtes pour gouverner plutôt que son armée. Cela lui permet de réunir des factions qui se déchirent sous couvert de la politesse nécessaire à la Cour : c’est la cohabitation religieuse. Rusée, elle divise pour mieux régner, mais sait que l’union fait la force. Pour cela, elle a parfois recours à son escadron volant : une poignée de jeunes filles nobles qui, sur ordre de la Reine, vont recueillir des informations de premières importances grâce aux confidences sur l’oreiller.
Son but politique, à long terme, est de réconcilier les protestants et les catholiques. En effet, ceux-ci s’affrontent depuis plusieurs années, et chaque jour apporte son lot d’horreurs : des enfants qualifiés d’hérétiques sont assassinés, des personnes sont lapidées dans la rue tandis que certains prêtres sont émasculés. Catherine de Médicis décide donc d’éliminer une soixantaine de chefs protestants “pour l’exemple”, mais l’attentat politique vire au dérapage incontrôlable : c’est le massacre de la Saint Barthélémy, le 24 août 1572. Ce drame, qui fait 2500 morts, la présente comme une criminelle : c’est une tache indélébile sur son CV politique. Pourtant, Catherine est un grand chef d’État. Toujours dans le but de réconcilier les catholiques et les protestants, elle organise le mariage de sa fille Marguerite – plus connue sous le sobriquet de Reine Margot – à Henri de Navarre, de confession protestante. Cette union qui apparaît contre nature en août 1572 est un premier pas important vers la réconciliation des deux religions. En 1574, à la mort de Charles IX, c’est le quatrième fils Henri qui monte sur le trône, sous le nom d’Henri III.
Bien que son fils Henri III la rejette, Catherine de Médicis, médiatrice hors pair, continue d’oeuvrer pour la paix au sein de son royaume. Son combat contre la Ligue catholique – groupe fervent défenseur de la religion catholique, qui s’opposa à toute forme de réconciliation avec les protestants et entra donc en rébellion contre le pouvoir royal – ainsi que l’assassinat du duc de Guise sur ordre de son fils Henri III vont altérer la santé de Catherine de Médicis, déjà affaiblie par un coup de froid. Elle meurt le 5 janvier 1589 des suites d’une pleurésie.
Malgré une volonté de fer, toutes ses tentatives de réconciliation des catholiques avec les protestants échoueront de son vivant. Elle laisse pourtant le principe de la liberté de culte, qui s’imposera sous le règne de son gendre Henri IV. Connaissiez-vous la reine Catherine de Médicis ? L’image que vous aviez d’elle était-elle semblable à celle dépeinte dans cet article ?
Shini
Sources image :
Henri II et Catherine de Médicis
Reliure Française
Catherine de Médicis
Fond DeviantArt
Catherine de Médicis
Diane de Poitiers
Sources texte :
Page Wikipédia Catherine de Médicis
Secrets d’Histoire, « Catherine de Médicis et les intrigues des châteaux de la Loire »
Moi au collège on me l’avait présentée comme une sanguinaire qui avait délibérément massacré les protestants à la St-Barthélémy.
Je préfère largement la vraie version de l’histoire par ce que ça me parait contradictoire qu’une femme fasse tant de choses bien et qu’il y ai une ombre au tableau aussi grosse que ça.
Cet article était très intéressant ! Merci 🙂
Merci pour ce super article, c’est très bien expliqué et très intéressant 🙂 Je n’avais entendu parler d’elle que très peu auparavant, donc je n’avais pas vraiment de vision »préétablie ».