L’archéozoologie : étude d’une science pluridisciplinaire

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L’archéozoologie est l’étude de la relation entre les hommes et le monde animal dans le passé.
Cette discipline est différente de celle de la paléontologie qui étudie l’évolution des hommes et des animaux. Toutefois, entre ces deux sciences, les méthodes d’investigations sont analogues : toutes deux se servent de l’anatomie comparée, de l’ostéométrie, de la taphonomie ou encore de la stratigraphie pour ses études de cas.

L’anatomie comparée, est la comparaison entre de plusieurs ossements afin de déterminer les différences entre les espèces, leurs ressemblances…
L’ostéométrie est l’étude de l’ensemble des mesures du squelette.
La taphonomie est l’étude des gisements de fossiles, en eux-mêmes et de leur milieu. Il s’agit d’observer la position géographique, l’orientation, la quantité ainsi que les actions chimiques et organiques sur les fossiles.
La stratigraphie est une étude horizontale des différentes couches qui composent un sol. Elle permet l’explication de diverses tranches du temps. On ouvre une aire de fouilles puis on creuse de plus en plus profondément jusqu’à arriver à la Terre Nouvelle, c’est-à-dire au sol d’origine, vierge de toute activité humaine ou animale. Les couches du sol se différencient par la couleur, la composition, etc.… On nomme ces différentes couches « unités stratigraphiques ». Les artefacts ou ossements retrouvés dans une unité stratigraphique permettent d’établir un découpage chronologique et de comprendre le mode de vie ainsi que les us et coutumes des populations humaines ou animales qui peuplaient cette zone avant sa sédimentation.

Coupe stratigraphique

Image tirée de www.inrap.fr

L’archéozoologie se distingue des autres disciplines car elle est basée sur la relation anthropo-animale : les archéozoologues prennent l’animal dans sa dimension utilitaire, c’est-à-dire que vont être étudiés la domestication, le fait qu’il soit un aliment pour l’homme, qu’il serve dans des rites funéraires ou dans des manifestations artistiques. L’animal est étudié en soi, mais par rapport au genre Homo.

Les principes de l’archéozoologie :
– Reconnaître et décrire les espèces animales ainsi que la nature des relations avec l’homme et la raison de leur présence sur les sites.
– Définir l’usage des animaux et les conséquences de l’action de l’homme, tant biologiques qu’écologiques sur les animaux et leur environnement.
– Aider à apporter des informations complémentaires dans l’étude des groupes humains, de leur environnement, de leur habitat, de leur mode de vie et de leur démographie.

Il s’agit d’une étude qui ne possède pas de limite chronologique ou spatiale. En effet, un archéozoologue peut très bien avoir à travailler sur un site préhistorique africain que sur un site proche-oriental du néolithique ou (un site) médiéval. Mais comme pour tous champs disciplinaires, des spécialisations sont de mise du fait de l’étendue de la discipline.

Squelettes de chevaux fossilisés

L’archéozoologie est une discipline récente. Dans l’Antiquité, et ce jusqu’à la Renaissance les études des ossements donnaient lieu à des interprétations des plus fantaisistes : en 1987 Gayard-Valy a défini comme étant des os de cyclopes ou de géants des restes d’éléphants fossilisés.
A la fin du 17e siècle, les études de Perrault en France, Tyson en Angleterre et Campani en Italie permettent une meilleure compréhension du squelette et des différences qui existent entre les espèces.
Cuvier, en 1812, permet une grande avancée dans la connaissance du monde animal avec son ouvrage Recherche sur les ossements fossiles. Dans celui-ci, il tire la loi des corrélations qui dit que tout chez un animal est fait pour lui permettre de chasser : « Si les intestins d’un animal son organisés de manière à ne digérer que de la chair récente, il faut que ses mâchoires soient construites pour dévorer une proie ; ses griffes pour la saisir et la déchirer ; ses dents pour la couper et la diviser ; le système entier de ses organes du mouvement pour la poursuivre et l’atteindre ; ses organes du sens pour l’apercevoir de loin ; il faut même que la nature ait placé dans son cerveau l’instinct nécessaire pour savoir se cacher et tendre des pièges à ses victimes ». Il y a une corrélation entre le fait de sentir, voir, chasser, attraper, dévorer et digérer une proie, même l’instinct de chasseur fait partie intégrante de la constitution de l’animal. Cuvier nous démontre par cette loi que les os nous permettent de façon scientifique d’acquérir une meilleure perception du monde animal passé.

En 1858, Furon résume l’évolution des idées, pour le cas de la France, en ce qui concerne l’archéozoologie :
– Tout d’abord, l’homme n’est pas contemporain d’animaux disparus.
– Ensuite, certains hommes sont contemporains d’animaux disparus, mais ce ne sont pas nos ancêtres puisqu’ils sont séparés de nous par le Déluge universel.
– Enfin, l’homme actuel est le descendant des hommes préhistoriques, qui vivaient en même temps que certaines espèces disparues (comme les mammifères fossiles).
La preuve de la contemporanéité homme-animal a été faite grâce à la découverte d’habitats, de grottes ou d’habitats en plein air. Dans ces lieux de vie, la mise au jour d’outillages associés à des restes d’animaux corroborait parfaitement la thèse de la coexistence entre l’homme et l’animal.

C’est Rütimeyer, avec ses recherches à Zurich, qui pose en premier les bases de l’archéozoologie en 1861.
A partir de ses recherches, la discipline va réellement se développer et se diviser en quatre courants majeurs :
– l’école de Boessneck, de ses collaborateurs et de ses élèves en 1865. Boessneck réalise des travaux à Munich en Suisse. Il met de côté l’archéologie des restes animaliers pour se concentrer sur l’aspect zoologique.
– l’école américaine, avec Binford, Shipman, ou encore Grayson. Cette école s’axe vers une modélisation archéozoologique et une formulation mathématique des phénomènes. Ils utilisent plus le terme de zoologie pour mettre eux aussi plus en avant cette dernière que l’archéologie. Cette archéozoologie est décrite comme étant actualiste et dérivée de la taphonomie. On a donc ici une nouvelle fois la preuve que l’archéozoologie est en corrélation avec diverses autres disciplines, un approfondissement, un moyen d’extensions des recherches à des domaines variés mais toujours de base similaire.
– l’école anglaise. Cette école, comme la précédente, utilise toutes les ressources alliées de l’archéozoologie pour étudier les restes des animaux, par exemple, la sédimentologie, la palynologie… Davis présentera l’archéozoologie comme un pont entre la paléozoologie et l’anthropologie archéologique. Pour lui, l’animal fait partie d’un tout, ce qui renforce l’explication comme quoi cette discipline est en lien constant avec d’autres.
– l’école de Paris. Poplin nous parle surtout l’anthropozoologie, plus que d’archéozoologie.

L’archéozoologie est donc une science à la croisée de beaucoup d’autres. Elle permet le rassemblement de plusieurs disciplines autour d’un champ d’étude commun : l’homme et l’animal.
Cette science peut donc être vue comme un lien unificateur entre les différents domaines de l’histoire et des sciences humaines et sociales ; bref de toutes les disciplines propres à nous permettre de comprendre le passé de notre planète.

2 réflexions sur “L’archéozoologie : étude d’une science pluridisciplinaire”

  1. OOOhhh, je ne connaissais pas cette science !!! Mais j’ai mangé pas mal de stratigraphie et de taphonomie pendant mes études, donc ça m’intéresse beaucoup !
    L’article est très intéressant, j’ai appris beaucoup de choses ! Merci ^^

     
  2. Je ne connaissais pas non plus et c’est très intéressant comme science. Peut être que c’est un peu trop « théorique », j’aurais trouvé ça intéressant de savoir ce que cette science a permis d’établir comme relations homme/animal, la plus grosse découverte à ce sujet, la plus récente (‘fin quelque chose de plus concret, parce que ça a l’air tellement large qu’on se demande tout ce que ça peut englober).

    En tout cas c’est intéressant de découvrir cette science, un peu à l’ombre de la paléontologie! Merci!

     

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