Il y a trois ans, je vous racontais ma grossesse d’un bébé atteint de RCIU et les débuts de ma vie de maman avec ce petit bébé, en évoquant entre autres la méthode d’allaitement que j’ai choisie : le tire-allaitement. Trois ans plus tard, me voilà une deuxième fois maman tire-allaitante. Qu’est-ce que c’est ? Quels sont les avantages et les contraintes de cette pratique ? Je vous propose dans cet article un témoignage plus complet sur le tire-allaitement.
Les différents types d’allaitements
Souvent, à la naissance d’un bébé, on demande à la maman si elle souhaite le mettre au sein ou si elle préfère lui donner des biberons. Les autres possibilités d’allaitement sont très rarement présentées aux futures ou jeunes mamans, pourtant il en existe plusieurs. Voici donc les quatre méthodes principales d’alimentation d’un nouveau-né :
- Allaitement maternel au sein : il s’agit de positionner le bébé pour qu’il tête le sein de sa mère.
- Biberon de lait artificiel (aussi appelé substitut de lait maternel ou lait infantile) : il s’agit le plus souvent d’une poudre à diluer dans de l’eau pour reconstituer un lait donné au bébé avec un biberon.
- Biberon de lait maternel : la mère tire son lait et le donne au bébé avec un biberon. C’est cette méthode dite de tire-allaitement que je vais détailler dans la suite de cet article.
- Allaitement mixte : la mère alterne alors entre deux méthodes d’alimentation présentées ci-dessus. Le plus souvent il s’agit d’alterner entre le sein et des biberons (qui peuvent être de lait artificiel ou de lait maternel). Il est habituellement conseillé d’éviter de mettre en place un allaitement mixte sein-biberon avant les quatre à six semaines du bébé pour éviter la confusion sein-tétine et limiter le risque que le bébé délaisse le sein et donc de donner uniquement le sein les premières semaines de vie du bébé. Si vous souhaitez vous lancer dans ce type d’allaitement, n’hésitez pas à demander les conseils d’une sage-femme ou d’une conseillère en lactation.
Comment j’en suis arrivée au tire-allaitement ?
J’ai entendu parler du tire-allaitement à la maternité après la naissance de ma première fille. Je n’ai jamais eu pour projet un allaitement au sein à tout prix, mais j’avais envie d’essayer. Les premiers jours se sont très bien passés, jusqu’à la montée de lait (moment où les seins arrêtent de produire du colostrum, le premier lait très enrichi et disponible en très petite quantité, et commencent à produire le lait de transition, qui est lui blanc et produit en plus grande quantité). C’est alors devenu plus compliqué pour ma fille (petit poids de 2,110 kg à la naissance) de prendre le sein, j’avais des douleurs et l’alimentation était une source de stress.
Après avoir essayé de la complémenter à la seringue, ce qui a été traumatisant pour moi, la sage-femme m’a proposé de tirer mon lait pour lui donner au biberon et ça a été une révélation. J’ai ensuite pu tire-allaiter un peu plus de trois mois, jusqu’à la reprise de mon travail puisque j’avais choisi d’arrêter le tire-allaitement à ce moment-là. Sachez cependant que des dispositions existent pour les mamans qui souhaitent allaiter ou tire-allaiter au travail : vous avez droit à 1 h non rémunérée sur votre temps de travail pour cela. Selon la taille de votre entreprise, votre employeur peut aussi avoir l’obligation de mettre à disposition une salle adaptée à ces pratiques.
Mon projet d’allaitement pour mon second bébé était différent, le mot d’ordre étant « pas de stress ». Je souhaitais à nouveau essayer de donner le sein, mais en cas de difficulté je ne désirais pas m’acharner et passer au tire-allaitement. De la même façon, si ça ne se déroulait pas bien, je comptais passer aux biberons de lait artificiel, ce qui arriverait au plus tard aux trois mois de ma fille, lors de la reprise du travail.
J’ai donc mis ma fille aux seins à la maternité, ça se passait très bien, elle prenait correctement du poids et ma montée de lait est arrivée au bout de trois jours. Malgré les crevasses, la douleur était tolérable. J’avais quand même en tête d’avoir un tire-lait « sous la main » au cas où, donc j’en ai pris un en pharmacie à la sortie de la maternité.
Dès le retour à la maison, j’ai arrêté de mettre ma fille au sein et j’ai tiré mon lait. Ça m’a semblé une évidence de passer au tire-allaitement et je n’ai plus eu envie de continuer l’allaitement au sein.
Environ un mois plus tard, un soir, ma fille était agitée et difficile à calmer. Ce soir-là, instinctivement, je me suis dit que j’allais la mettre au sein. Elle s’est très rapidement calmée et endormie. Je l’ai remise de temps en temps au sein ensuite, pour l’apaiser. Elle n’a pas refusé le sein, au contraire, elle a tété et bien bu. Le tire-allaitement exclusif de plusieurs semaines ne signifie donc pas qu’il faut faire une croix sur des séances d’allaitement au sein, voire un retour à l’allaitement.
Ma routine de tire-allaitement
La première étape a été de m’équiper ! J’avais déjà prévu des biberons puisque je ne souhaitais pas d’allaitement long, il me manquait le tire-lait. J’ai donc demandé une ordonnance directement à la maternité pour en louer un, puisque la location est prise en charge par l’assurance maladie pour toute la durée de l’allaitement. Mon mari est passé la veille de ma sortie à la pharmacie pour le réserver afin qu’on le récupère le jour de la sortie. J’ai pris un tire-lait électrique double pompage, afin de faire les deux seins en même temps.
Pour mon premier allaitement, le tire-lait électrique m’a suffit. Pour le second allaitement par contre, j’ai acheté en plus un petit tire-lait manuel en magasin de puériculture pour une trentaine d’euros. Celui-ci restait toujours dans le sac à langer et me servait très occasionnellement lorsque j’avais des périodes assez longues pendant lesquelles je ne pouvais pas tirer mon lait avec l’appareil électrique.
Pour mes deux filles, je les ai mises au sein jusqu’à la montée de lait (aux environs du 3e jour après la naissance) pour stimuler au mieux la lactation. Une fois passée au tire-lait, la stimulation n’est pas aussi efficace donc je me suis imposé un rythme assez strict pour tirer mon lait au démarrage.
Je mettais une alarme toutes les 2 h 30 à 3 h jour et nuit pendant une semaine. Je tirais alors mon lait pendant environ 15 min. La quantité de lait augmentait peu à peu et avec cette méthode je n’ai jamais été en manque de lait pour ma fille. Au fil du temps, j’ai espacé les séances de tirage, en particulier la nuit où je tirais toutes les 4 à 6 h en fonction du sommeil de ma fille.
Le plus souvent, je conserve le biberon de lait maternel à température ambiante. Idéalement, il se conserve jusqu’à 4 h à maximum 25 degrés (exceptionnellement, c’est acceptable de le garder jusqu’à 6 h). Pour plus de flexibilité, le lait maternel peut être conservé en glacière (environ 15 degrés Celsius) jusqu’à 24 h, au réfrigérateur (environ 5 degrés Celsius) jusqu’à 4 jours, au freezer (environ -6 degrés Celsius) jusqu’à 2 semaines et au congélateur (environ -18 degrés Celsius) jusqu’à 4 mois. Cela permet de faire des réserves pour la reprise du travail ou les périodes d’absence. Le lait peut être réchauffé au chauffe-biberon ou au bain marie ou sous l’eau chaude du robinet, le micro-ondes est à éviter (mauvaise maitrise de la température du lait au centre du biberon, dégradation des vitamines…).
Il est important de tirer son lait dans de bonnes conditions, c’est-à-dire sans stress et idéalement au calme. Personnellement je m’installais le plus souvent soit dans le salon en journée (pour m’occuper en regardant la télévision et garder un œil sur mes filles), soit dans la salle de bain la nuit (pour entendre si bébé pleure et ne pas faire trop de bruit pour éviter de réveiller toute la maison).
Les avantages et contraintes du tire-allaitement
Selon moi, le premier avantage du tire-allaitement est de pouvoir faire participer d’autres personnes aux repas du bébé, en particulier le papa et la fratrie. Il s’agit d’un moment privilégié qui permet de construire la relation avec le bébé et j’étais heureuse que d’autres membres de la famille en profitent. Enfin, le papa pouvait aussi prendre le relai la nuit, ce qui me permettait de me reposer.
Un second aspect important pour moi était que mes enfants puissent profiter des bienfaits du lait maternel. En effet, la composition de celui-ci est parfaitement adaptée aux besoins de bébé et il permet de lui transmettre des anticorps pour l’aider à se protéger contre certaines infections. Sa composition très digeste limite aussi les risques de coliques.
Ayant eu deux filles de petit gabarit (2,110 kg et 2,730 kg naissance), j’étais aussi rassurée de savoir à peu près combien elles avaient bu. Mes filles avaient aussi tendance à boire de petites quantités plus souvent, l’un des avantages du tire-allaitement est que le biberon peut être conservé plusieurs heures à température ambiante et peut donc être donné en plusieurs fois si bébé ne le termine pas. Le lait infantile se conserve entre 30 minutes (s’il a été réchauffé) et 1 heure (s’il a été préparé à température ambiante) seulement.
Les premiers jours d’allaitement peuvent être compliqués, puisqu’il faut apprendre à positionner bébé au sein et qu’il apprenne à positionner correctement sa bouche. Pendant cette période, des douleurs intenses peuvent apparaitre. J’ai souffert de crevasses les quelques jours où j’ai mis mes filles au sein, alors qu’avec le tire-lait je n’ai jamais eu la moindre douleur (aux mamelons, aux bras ou au dos). Il faut veiller à choisir la bonne taille de téterelle (partie qui se positionne sur le mamelon) afin de ne pas provoquer de douleur, des guides existent pour vous aider à choisir.
Avec un tire-lait manuel, il est aussi possible de tirer son lait où on veut et donc de proposer du lait frais à bébé s’il a faim où qu’on soit. C’est particulièrement pratique si le bébé boit le lait un peu tiède et pas complètement à température ambiante, puisque le lait tout juste tiré est à 37 degrés Celsius.
Le dernier aspect est financier. Il est possible de pratiquer le tire-allaitement avec un tire-lait loué en pharmacie (intégralement pris en charge par la sécurité sociale, seules les téterelles doivent être achetées et coûtent une 20aine d’euros) et le principal investissement concerne donc l’achat de biberons (on peut aussi évoquer les coussinets d’allaitement ou encore le soutien-gorge d’allaitement pour un meilleur confort, ce dernier s’ouvrant au niveau des bretelles pour sortir le sein sans avoir à retirer tout le soutien-gorge). Pour l’allaitement au lait infantile, l’investissement est généralement plus important et plus régulier (biberons, lait infantile, eau adaptée…).
Le principal inconvénient du tire-allaitement est le temps que ça prend. En effet, pour maintenir la lactation, il faut s’astreindre à tirer régulièrement son lait pendant une durée suffisante. Au début on arrive à environ 15 minutes 8 à 10 fois par jour, puis on diminue progressivement le nombre de séances. De plus, même si le papa donne les biberons au bébé la nuit, il est quand même nécessaire de se lever pour tirer son lait.
La proximité entre la mère et son bébé est moins importante en tire-allaitement qu’en allaitement au sein. Cependant, certaines « parades » existent. Mon mari ou moi avons par exemple régulièrement donné le biberon en « peau à peau » pour conserver un lien physique qui existe entre la mère et l’enfant lors de l’allaitement au sein.
Bien que le tire-allaitement permette d’éviter les douleurs aux mamelons liés à la position du bébé lorsqu’il tête, certaines autres douleurs liées à l’allaitement peuvent apparaitre. C’est le cas par exemple de celles liées aux engorgements ou aux mastites, caractérisés par des seins très tendus et douloureux avec parfois de la fièvre. Cela peut arriver au moment de la montée de lait ou plus tard. J’ai par exemple eu un gros engorgement qui a duré deux nuits et une journée et m’a fait monter à 40 de fièvre.
Le tire-allaitement impose aussi certaines contraintes au niveau du régime alimentaire, comme l’allaitement, bien qu’elles soient beaucoup moins importantes que celles de la grossesse (aucun risque de transmettre la listeria ou encore la toxoplasmose en allaitant). Le café ou le thé sont autorisés en petite quantité, tout comme l’alcool (qu’il vaut mieux boire juste après la tétée ou le tirage pour limiter sa quantité dans le lait), car une petite partie se retrouve dans le lait et est donc ingérée par le bébé. Certains aliments peuvent être consommés pour favoriser la lactation ou le transit du bébé allaité, mais ne sont pas indispensables. Concernant les médicaments, la majorité de ceux qui sont déconseillés aux femmes enceintes le sont aussi pour les femmes allaitantes.
Le dernier aspect concerne la poitrine. Aucune étude scientifique n’a fait de lien entre seins « qui pendent » ou plus flasques et allaitement et je n’ai moi-même rien constaté. Cependant ce que j’ai vécu, ce sont les « fuites de lait », c’est-à-dire du lait qui s’écoule du mamelon en dehors de la séance de tire-allaitement. Comme pour l’allaitement, j’ai donc porté des coussinets d’allaitement (à positionner dans le soutien-gorge pour absorber le lait) et je dormais avec une serviette sous moi pour éviter de mouiller le drap, ne souhaitant pas dormir avec un soutien-gorge.
C’est ainsi que se termine cet article sur mon expérience de tire-allaitement. Si vous vous intéressez à cette pratique, n’hésitez pas à en discuter avec une sage-femme ou une conseillère en lactation.
Aviez-vous déjà entendu parler du tire-allaitement ? Cette pratique vous intéresse-t-elle ou l’avez-vous déjà pratiquée ? Dites-nous tout dans un commentaire !
Ursuline
Sources texte :
– Expérience personnelle
Sources images :
– Photographies personnelles
Très très intéressant comme article !
Je souhaite aussi avoir un tire-lait après l’accouchement, et ça m’a bien instruit sur ce produit.
Merci Ursuline !
Chouette comme article, je m’y retrouve pas mal puisque je tire-allaite toujours ! Par contre, pour les confusions elles peuvent arriver au 1er comme au 1000eme biberon, d’où l’importance pour celles qui veulent un allaitement au sein long de se tourner vers d’autres contenants (type DAL, pipette, biberon cuillère, soft cup …), le conseil de ne pas tirer avant 4 ou 6 semaines étant pour permettre à la lactation de bien s’installer (rien de mieux que la stimulation naturelle par bébé, aucun tire-lait ne pourra remplacer ça) pour toujours garantir une lactation longue une fois le passage au tire-allaitement fait !
C’est fou le nombre de mamans qui rencontrent des difficultés dans leur allaitement ! Je ne comprends pas que ce sujet soit si tabou. Ton article est très intéressant parce que tu compares l’allaitement et le tire-allaitement en distinguant leurs avantages et inconvénients respectifs.
Effectivement, l’allaitement a ses difficultés, notamment au début, et il n’est pas rare de voir des mamans, comme toi, avoir des crevasses lors des premières semaines d’allaitement. Crevasses qui sont dues dans la majorité des cas à une mauvaise prise du sein ou une mauvaise succion de bébé. Moi même j’en ai eu alors je comprends ta douleur ! Les miennes avaient duré 14 jours !!! Après, le tire-allaitement a effectivement l’avantage de transmettre au bébé le précieux lait maternel et tous ses bénéfices, même si le côté fusionnel de l’allaitement n’est pas là. Comme tu le dis si bien, ça permet de savoir que ton bébé reçoit ton lait malgré tout, et ça a ses avantages aussi puisqu’on n’est plus l’unique personne à pouvoir nourrir notre bébé, chose qui peut parfois prendre une tournure stressante pour les mamans.
Merci à toi pour ce partage en tout cas ! De mon côté, je transmets une maximum d’informations sur l’allaitement sur mon blog depuis que j’ai moi-même rencontré des difficultés. Toutes les mamans devraient pouvoir allaiter ou tire-allaiter sans encombres 🙂