Entrevue avec un transgenre

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Le monde évolue et la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels) s’ouvre de plus en plus au reste du monde qui l’accepte telle quelle est. Même si les transgenres sont connus de tous grâce à Caitlyn Jenner, entre autres, nombreux sont ceux qui en ignorent énormément à leur sujet. Dans cet article, je vous invite à connaître l’histoire de mon ami transgenre qui est passé de femme à homme !

Transgenre FTM

Comment as-tu vécu les 17 premières années de ta vie dans la peau d’une femme alors que tu es en fait un homme ?

J’ai essayé de nier comment je me sentais pendant des années. J’ai commencé à affirmer qui j’étais vraiment quand je suis sorti du placard en tant que lesbienne à 14 ans. Mon « coming out » n’a pas été très public : je me suis juste confié à mes amis, j’en ai parlé à ma famille proche seulement des mois plus tard. Au début, ils ne m’ont pas accepté et ils pensaient même qu’il s’agissait tout simplement d’une phase.
Même si je me sentais mieux dans ma peau, il y avait encore quelque chose qui clochait. Je ne me sentais pas vraiment à l’aise, mais je ne savais pas ce qui se passait. Finalement, à 17 ans, quand je suis passé du secondaire au cégep (l’établissement scolaire qui prépare les Québécois à leur entrée à l’université), j’ai commencé à lire plus au sujet des transgenres sur Internet et j’ai tout de suite compris que j’en étais un…
Une année plus tard, je rendais visite fréquemment au psychologue de l’école qui m’a aidé à m’accepter comme je suis. En mai 2015, je me suis coupé les cheveux très courts et je les ai donnés à une association contre le cancer pour qu’on en fasse des perruques. Je me rendais compte que les gens se doutaient de quelque chose, mais je me suis surtout affirmé lors d’un voyage d’un mois organisé avec mon cégep. J’étais entouré de personnes très ouvertes qui m’ont beaucoup aidé et qui m’ont accepté. Vers le milieu du voyage, j’avais officieusement changé de nom et on parlait de moi au masculin et non au féminin. Étant donné que mon stage avait lieu dans un milieu plutôt conservateur, mes amis continuaient à parler de moi en se référant à mon prénom féminin lorsque d’autres personnes étaient proches. Ils utilisaient par contre mon nouveau prénom et des pronoms masculins quand nous étions entre nous.

Quelle a été la réaction de tes proches lorsque tu leur as annoncé que tu étais un homme ?
Comme vous l’aurez deviné, mes parents ne l’ont pas très bien pris, mais, heureusement, c’est mieux passé avec ma sœur qui m’a même confié qu’elle s’en doutait depuis un moment déjà. Cinq mois se sont écoulés depuis que je l’ai annoncé à tout le monde, et mes parents n’ont toujours pas vraiment avalé la pilule. Ils ne m’acceptent pas encore pour ce que je suis, mais j’espère que ça leur viendra.
Malheureusement, mes parents n’ont pas été les seuls à ne pas accepter ce changement, d’autres membres de ma famille plus éloignée l’ont très mal pris. Ils n’essaient pas vraiment de comprendre ce qu’il se passe et ils pensent seulement que je manque d’attention, ce qui n’est pas du tout le cas.
Mes amis ont été beaucoup plus ouverts et compréhensifs. Pour éviter de devoir l’annoncer individuellement à tout le monde, je l’ai annoncé sur Facebook en créant un compte pour ainsi changer de prénom et de sexe. Même si c’était possible de le faire avec mon ancien compte, je voulais vraiment repartir à zéro. La plupart de mes amis m’ont donc soutenu ouvertement ou de manière plus privée. À la base, je suis dans un groupe assez diversifié : je côtoie au quotidien beaucoup de personnes différentes dont une lesbienne, une bisexuelle et un homosexuel, donc mes amis proches ne sont pas les personnes les plus conservatrices du monde. Étant donné que je n’étais pas particulièrement masculine avant mon coming-out, plusieurs ont été surpris, mais personne ne m’a rejeté.

Les gens autour de toi ont-ils eu du mal à se faire à ce changement ?
Au début, certaines personnes avaient du mal à m’appeler par mon nouveau prénom et à parler de moi au masculin. Je ne le prenais pas mal parce que je savais que c’était par maladresse et non par méchanceté, j’ai moi-même eu du mal au début à m’habituer à ce qu’on s’adresse à moi comme ça. Même si ça me faisait plaisir, c’était nouveau et, comme tous les changements, il a fallu une certaine période d’adaptation.
Maintenant, les personnes qui m’acceptent m’appellent par mon nouveau prénom sans problème et elles n’ont plus de mal à parler de moi au masculin et non au féminin.

Transgenre FTM
Parles-tu de ton passé en tant que femme aux nouvelles personnes que tu rencontres ?
Étant donné que je suis en ce moment en train de changer officiellement de nom aux yeux du gouvernement (mon changement de sexe sera seulement possible après mon opération), j’ai dû aller voir chacun de mes professeurs avant l’appel de présences pour les informer de la situation. Ils étaient surpris, mais ils n’ont pas fait de commentaire et ils ne m’ont pas discriminé pendant la session.
Même si ce n’est pas nécessairement quelque chose que je dis pendant les cinq premières minutes de conversation, j’informe toujours les nouvelles personnes que je rencontre assez vite. Les gens sont de plus en plus ouverts à la communauté LGBT, mais je sais que certains ne sont pas encore très à l’aise et je respecte ça.

La procédure pour se faire déclarer transgenre est-elle longue ?
Je vis à Montréal et c’est la meilleure ville pour ça au Québec. Pour me faire déclarer officiellement transgenre, j’ai pris rendez-vous avec un psychologue spécialisé et reconnu à travers la province. Deux semaines après, je suis allé le voir et il a fini par établir le diagnostic au bout de quatre rencontres. J’en ai parlé à d’autres personnes qui sont également transgenres et elles m’ont dit que la durée avait été similaire pour elles.

À ce jour, quels changements as-tu effectués et comment les as-tu vécus ?
Une fois que le psychologue que j’ai consulté m’a déclaré transgenre, j’ai commencé à prendre des hormones. Elles ne sont pas à prendre oralement : il faut que je me pique dans le gras du ventre. Étant donné que j’ai très peur des aiguilles, j’ai eu du mal à le faire au début, mais il faut ce qu’il faut, comme on dit ! J’ai remarqué plusieurs changements depuis le début de ma prise d’hormones : j’ai beaucoup plus faim, ma libido a augmenté et je me sens moins susceptible. Même si je suis content de ces changements, j’ai surtout hâte d’avoir une barbe et une voix plus grave.
J’ai bien sûr effectué quelques changements esthétiques. Mes cheveux sont restés courts depuis mai dernier, je mets des verres de contact pour ne plus avoir mes lunettes plutôt féminines que j’avais avant et je porte des vêtements pour hommes. Je porte aussi une camisole sous mes hauts pour compresser ma poitrine. Puisque je n’étais pas la femme avec la plus grosse poitrine du monde, ça ne me fait pas trop mal.
Je me sens beaucoup mieux maintenant que j’ai effectué ces changements même s’il reste beaucoup à faire niveau chirurgie et que je n’en ai pas fini avec les hormones. Quand je rencontre de nouvelles personnes, elles pensent tout de suite que je suis un homme et ça me fait du bien de voir que les quelques changements que j’ai effectués sont convaincants. Par contre, j’ai encore du mal à choisir dans quelles toilettes je dois aller et c’est pourquoi je vais dans les toilettes pour handicapés, surtout neutres au niveau du genre. Au début, quand je n’avais pas le choix de choisir, j’allais dans les toilettes des femmes puisque je ne peux pas encore utiliser les urinoirs, mais je vais de plus en plus dans les toilettes pour hommes, quitte à aller dans les cabines.

Transgenre FTM

Quelles chirurgies souhaites-tu faire ?
La chirurgie à laquelle j’ai le plus hâte est l’ablation de l’utérus et des ovaires, puisque je ne vais plus du tout avoir de règles grâce à cette opération. Même si les hormones font que mes menstruations sont beaucoup moins intenses qu’avant, j’en ai encore et j’ai vraiment hâte d’en être complètement débarrassé. J’ai aussi hâte d’avoir mon ablation mammaire pour ne plus avoir à porter la camisole qui n’est pas la chose la plus confortable du monde. Après mûre réflexion, j’ai aussi décidé que je voulais avoir une chirurgie pour avoir un pénis. J’en ai parlé avec beaucoup de trans FTM (female to male) et ils m’ont assuré qu’ils avaient des sensations à ce niveau-là malgré le fait que les érections sont désormais mécaniques et non physiologiques. J’aimerais aussi avoir des chirurgies dans mon visage pour avoir des traits plus masculins, comme une mâchoire un peu plus carrée.
Étant donné que ce sont des gros changements, je vais les prendre un à la fois sans précipiter les choses. La première chirurgie que je vais subir, celle de l’ablation de l’utérus, va avoir lieu en juillet prochain.

Est-ce que les coûts pour passer de femme à homme grâce aux chirurgies t’ont fait douter ?
Heureusement, depuis 2009, une loi est passée au Québec et elle permet aux transgenres de recevoir une partie des chirurgies de changement de sexe gratuitement. Avant, la plupart des frais étaient supportés par les transgenres qui voulaient changer de sexe physiquement également et ils devaient aller se faire opérer à l’extérieur du Québec. En général, ça prend 80 000 $ pour passer d’une femme à un homme, ce qui aurait été un montant beaucoup trop élevé puisque je suis encore aux études pour une bonne dizaine d’années.

As-tu commencé à t’intégrer à la communauté transgenre ?
J’ai fini par trouver des groupes qui se rencontrent chaque mercredi dans mon coin. Parfois, je discute avec les personnes transsexuelles qui sont toutes mélangées ensemble (homme à femme comme femme à homme) et, d’autres fois, j’assiste aux réunions dans lesquelles seuls les gens qui ont ou sont en train de passer de femme à homme sont présents. Même si mes amis me supportent et m’écoutent, ces rencontres m’aident vraiment parce que je peux discuter avec des gens qui me comprennent réellement parce qu’elles ont vécu ce que je vis en ce moment ou parce qu’elles sont en train de traverser le même processus que moi.

Vous l’aurez donc compris, être transgenre est une chose ancrée en soi. Connaissez-vous aussi quelqu’un qui vit la même chose ? Avez-vous été surpris par certaines choses ? N’hésitez pas à nous en parler en nous laissant un commentaire !

Véronique B.

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12 réflexions sur “Entrevue avec un transgenre”

  1. C’est sans tabou, c’est bien expliqué, c’est touchant.
    Un très bon article, j’ai appris beaucoup de choses merci !

     
  2. Comme Antivirus je trouve cet article très touchant… C’est simplement expliqué et on apprend des choses qu’on ne saurait pas sans connaître un transgenre (qui en plus devriat se confier à nous). J’espère que ta chirurgie se passera bien et que tu seras plus heureux, ami de Véronique ! 😀

     
  3. MrsMinette

    Cette expérience est très bien partagée ! L’article pose et répond aux questions que je me posais !
    J’avoue que pour la partie sur la chirurgie (ablation de l’utérus et construction du pénis), je me suis dit qu’il fallait avoir vraiment beaucoup de courage !
    J’espère que nous aurons des nouvelles de lui après les multiples chirurgies qu’il veut effectuer.

    Sinon, je me demandais la différence entre transgenre et transsexuel… Les premiers n’ont pas l’appareil génital qui leur correspond alors que les seconds si ?

     
    1. Les transsexuels sont des femmes avec un sexe d’homme (elles restent « elles » et ne deviennent pas « ils » comme un transgenre) ou inversement. +1 pour avoir des nouvelles de lui !!

       
  4. Ouaou ! Félicitations à cette personne ! J’ai appris plein de choses ! Le regard des autres (surtout de la famille) a du etre dur a supporter ! Article passionnant ! Merci 😀

     
  5. Concernant la différence transgenre/transexuel, il n’y en a pas vraiment en réalité. Mais le terme transgenre est souvent préféré car considéré comme plus respectueux.

    En tout cas ça a l’air de bien se passer pour lui. Tant mieux car cette situatuon n’est vraiment pas facile et beaucoup le vive mal…

     
    1. Veronique B.

      Mon ami se désigne lui-même « transgenre », mais après quelques recherches sur Internet, le terme ne correspond pas tout à fait techniquement, donc j’imagine que tu as raison pour la nuance ! 🙂

       
  6. J’ai été très intéressée par cet article, d’autant plus touchant pour moi, car un parent très proche est passé de homme à femme récemment. Chez nous, cela s’est très bien passé au niveau familial. Elle a été opérée début Janvier et tout se passe bien. Elle avait déjà eu la pose de prothèses mammaires l’année précédente. Nous savions tous depuis sa petite enfance qu’il se sentait plus fille que garçon, cela s’est affirmé à l’adolescence et nous pensions qu’il serait gay. Mais c’était vraiment devenir femme son objectif, cela lui a pris plus de deux ans de suivi psychiatrique et médical. Le parcours en France n’est pas simple, surtout a niveau du changement d’identité.
    Il faut beaucoup de courage à un jeune de 16 ans pour se présenter en fille à un patron pour un poste, et ensuite sortir des papiers d’identité de garçon. Je vous passe les vexations et humiliations qu’il/elle a dû subir. Sans soutien familial, beaucoup de ces jeunes sont rejetés, se retrouvent à la rue.
    Merci pour cet article !

     
    1. Veronique B.

      Merci à toi pour ton témoignage ! C’est vrai que c’est loin d’être facile lorsque les parents ne sont pas en accord avec leur enfant et c’est d’une tristesse lorsqu’ils en viennent à mettre leur enfant dehors… Pour ce qui est du travail, mon ami travaille au café de l’école, donc ça ne pose pas encore problème, mais il a du mal en ce moment avec son admission à l’université. Avec toute la paperasse et les complications, il a même peur de ne pas être capable d’envoyer sa demande à temps… 🙁

       
  7. J’ai vraiment apprécié lire ce témoignage. Je cite Anti’ : sans tabou et touchant.
    Et c’est cool qu’il ait un retour sur la réception de cet article, merci à toi :D.

     
  8. Article vraiment très intéressant ! Ça à l’air de bien se passer et c’est tant mieux ! Je lui souhaite que du bonheur pour l’avenir !

     

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