Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la sélection végétale

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la sélection végétale
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Pensez-vous que les fruits, légumes et autres végétaux qui se trouvent dans vos assiettes et dans vos jardins ressemblent à ceux que nos ancêtres cultivaient ? Savez-vous pourquoi il existe des variétés différentes de végétaux ? Les carottes ont-elles toujours été orange ? Le maïs a-t-il toujours été aussi grand ? Lisez vite cet article pour découvrir ce qu’est la sélection végétale ainsi que les incroyables progrès qu’elle a permis.

Qu’est-ce que la sélection végétale ?

Ce que l’on appelle aujourd’hui la sélection végétale, ou création variétale, est une pratique aussi vieille que l’agriculture, et date donc d’environ 10 000 ans avant Jésus Christ. Au départ, et durant de nombreux siècles, nos ancêtres pratiquaient ce que l’on appelle maintenant la sélection massale. Ils gardaient les graines les plus belles, les plus grosses, les plus vigoureuses d’une année pour les replanter l’année suivante. Ainsi, ils amélioraient la performance de leurs cultures, petit à petit, grâce à des critères visuels et quantitatifs.

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la sélection végétale
Jardin de Mendel à Brno en République Tchèque. On peut y observer la ségrégation de la couleur des fleurs après un croisement rouge x blanc.

La sélection végétale a grandement évolué depuis, grâce aux avancées faites dans le domaine de la génétique. Les lois de Mendel, ça vous dit quelque chose ? Mais si, rappelez-vous, Gregor Mendel c’est ce moine du XIXe siècle qui avait pour hobby de faire des croisements de pois ayant des caractéristiques différentes. Il croisait par exemple des pois de couleurs (jaune ou verte) et d’apparence (ridée ou lisse) différentes et observait la ségrégation de ces caractères dans la descendance. Les travaux de Mendel ont permis de comprendre les lois de transmission des gènes et ainsi de faire évoluer la sélection végétale vers des croisements, appelés aussi hybridations, contrôlés et « éclairés ».

C’est durant le XXe siècle que les techniques de sélection végétale ont grandement évolué. Les sélectionneurs ont commencé à utiliser la génétique pour améliorer les variétés de l’époque, en effectuant des croisements contrôlés entre des génotypes (plantes définies par leur contenu en gènes) ayant des caractères complémentaires, en plantant les graines obtenues de ces croisements et en sélectionnant les descendants cumulant ces caractères. Les caractères sélectionnés ont évolué au fil des décennies. L’objectif n°1 de l’agriculture étant de nourrir la population, le critère principal de sélection était, et reste, le rendement. Pour certaines espèces telles que le maïs, le rendement des nouvelles variétés créées a augmenté de façon spectaculaire au cours du XXe siècle, grâce à la création d’hybrides F1 (rendez-vous dans la partie suivante pour en savoir plus !). La résistance aux maladies est également un caractère sur lequel les sélectionneurs ont travaillé très tôt. En effet, les maladies des plantes peuvent avoir des conséquences désastreuses sur les récoltes et peuvent même influencer l’Histoire. Dans les années 1840, le mildiou de la pomme de terre, causé par l’oomycète Phytophthora infestans, a provoqué la mort de plus d’un million de personnes en Irlande et l’émigration de bien plus encore, principalement vers les États-Unis. Aujourd’hui, la création de variétés résistantes au mildiou reste un enjeu majeur pour les sélectionneurs de pommes de terre. D’autres caractères concernant la qualité nutritive des variétés, leur goût, et leur aspect, ont également intégré les objectifs des programmes de sélection afin de répondre aux attentes des consommateurs.

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A droite : des hybrides F1 de maïs, immenses. A gauche : des lignées parentales, beaucoup plus petites.

Aujourd’hui, la sélection végétale bénéficie toujours des progrès faits dans les domaines de la génétique, des statistiques et des biotechnologies. La Sélection Assistée par Marqueurs a vu le jour à la toute fin du XXe siècle. Les sélectionneurs peuvent aujourd’hui utiliser des marqueurs moléculaires pour révéler la présence de gènes intéressants dans l’ADN de leurs variétés, par des techniques de laboratoire telles que la désormais fameuse PCR. Les marqueurs moléculaires sont notamment utilisés pour révéler la présence de gènes de résistance à certaines maladies. Grâce aux résultats des tests de ces marqueurs au laboratoire, le sélectionneur peut savoir lesquelles de ses variétés possèdent ou non des gènes de résistance, sans avoir à faire des tests pathologiques en serre ou au champ, qui sont longs et laborieux. Ces nouveaux outils permettent d’accélérer les cycles de sélection et d’obtenir plus rapidement une nouvelle variété. Attention, il ne s’agit pas de variétés OGM. Les outils moléculaires permettent juste de révéler la présence de gènes déjà présents dans le matériel végétal et d’optimiser le choix des croisements. Il ne s’agit pas de l’introduction de nouveaux gènes dans le génome des variétés.

Deux exemples de progrès étonnants permis grâce à la sélection végétale

Pourquoi les carottes sont-elles orange ?

Attention, je viens ici casser une certitude que vous avez surement depuis l’enfance : les carottes n’ont pas toujours été orange ! C’est comme pour le Père Noël qui était vert à l’origine, mais est devenu rouge à cause d’une publicité pour une célèbre marque de soda… mais il s’agit d’une autre histoire, totalement hors-sujet. Si les carottes sont devenues orange, c’est grâce à la sélection végétale. Les premières carottes en Europe ont probablement été importées des pays arabes au XIIIe ou XIVe siècle. Il s’agissait de carottes jaunes et… violettes ! Les carottes violettes, ensuite appelées rouges, étaient probablement le type le plus cultivé au départ, mais elles ont été ensuite remplacées par d’autres types tels que les carottes jaunes. De ces dernières ont probablement été dérivés deux nouveaux types : les blanches, populaires en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, et… les orange ! Ce sont des sélectionneurs hollandais qui ont créé la carotte orange en sélectionnant des carottes de plus en plus concentrées en carotène, pigment donnant cette si belle couleur orange à nos carottes. La raison de cette sélection est assez mystérieuse, mais nombreux sont ceux qui pensent que les hollandais ont créé la carotte orange par patriotisme envers Guillaume d’Orange, Prince d’Orange, qui mena une révolte contre l’occupation espagnole et était vu comme le sauveur. Aujourd’hui, les « ancêtres » de nos carottes orange sont toujours maintenus dans des centres de ressources génétiques. Vous ne verrez plus les carottes de la même façon !

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Du maïs géant !

Un des exemples les plus spectaculaires des progrès permis par la sélection végétale est la création des hybrides de maïs au début du XXe siècle. Le maïs est une espèce majoritairement allogame, ce qui signifie qu’une plante de maïs préfère se croiser avec une autre plante pour produire ses épis gorgés de grains, plutôt qu’avec elle-même, comme cela se fait chez les espèces autogames. À cause de ces fécondations croisées entre différentes plantes, chaque plante de maïs était hétérozygote, ce qui signifie que pour chaque gène, elle avait deux allèles différents présents sur chacune des deux copies de chaque chromosome (rappelez-vous vos cours de génétique ! Le maïs, comme nous, a deux copies de chacun de ses 10 chromosomes). Les sélectionneurs, en récupérant du pollen et faisant des fécondations manuelles, ont commencé à « autoféconder » les plantes de maïs pour créer ce que l’on appelle des lignées pures. À force d’autofécondations, ces lignées pures sont devenues totalement homozygotes (les deux allèles de chaque gène sont identiques). Ensuite, en croisant deux différentes lignées pures entre elles, les sélectionneurs ont créé les fameux hybrides F1. Ceux-ci, grâce à un phénomène qu’on appelle hétérosis, sont incroyablement plus performants que leurs deux parents (les lignées pures). Ainsi, on a vu apparaitre dans les champs des maïs gigantesques, dépassant largement les 2 m ! En plus de leurs performances décuplées, les hybrides F1 sont totalement homogènes, ce qui facilite grandement les pratiques culturales. Ainsi, les rendements en maïs, qui stagnaient jusque-là, ont augmenté de façon spectaculaire après la Seconde Guerre mondiale, ce qui était vraiment une excellente nouvelle à l’époque, vous pouvez l’imaginer !

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Les nouveaux challenges de la sélection végétale

Après le Grenelle de l’environnement en 2008, le plan Ecophyto qui vise à réduire de 50 % l’usage des produits phytopharmaceutiques d’ici 2050 a été lancé. Depuis, les plans Ecophyto II et II + ont également vu le jour pour venir renforcer le plan d’origine. Dans ce contexte de réduction des produits phyto, la sélection végétale rencontre ainsi de nouveaux challenges depuis quelques années. La résistance variétale, qui consiste à créer de nouvelles variétés résistantes aux maladies, est l’un des leviers qui peuvent permettre la réduction de l’utilisation de pesticides sur nos cultures. Pendant de nombreuses années, l’intérêt pour des variétés résistantes à des maladies pour lesquels des outils de lutte chimiques existaient était très faible. Cependant, les molécules étant interdites les unes après les autres, et l’agriculture biologique se développant de plus en plus, nous assistons à un important regain d’intérêt pour la résistance génétique. La création de variétés résistantes n’est cependant pas un remède miracle, et devra s’accompagner d’autres leviers tels que le biocontrôle, la prophylaxie, ou encore les outils d’aide à la décision (OAD) pour réussir le pari d’une agriculture plus durable.

Le dérèglement climatique met également la sélection végétale face à de nouveaux challenges. Nous observons de plus en plus de phénomènes climatiques anormaux, tels que des températures hautes très tôt dans la saison, poussant les plantes à commencer leurs cycles trop tôt, qui peuvent être suivis, comme en 2021, par de nouvelles périodes de froid qui sont dévastatrices pour de nombreuses cultures telles que les vignes et autres arbres fruitiers. La sélection végétale a un rôle à jouer dans le développement de variétés qui peuvent plus facilement s’adapter à ce genre d’aléas. Les critères de sélection s’élargissent donc, et peuvent prendre en compte des caractères intéressants tels que la résistance à la sécheresse ou au froid. Aussi, avec la montée des températures, de nouvelles maladies peuvent émerger, et il est nécessaire de travailler sur l’introduction de résistances à ces nouvelles maladies dans les variétés de demain.

Et vous, aviez-vous déjà entendu parler de l’univers de la sélection végétale ? Saviez-vous tout le travail qu’il y a derrière la création de nouvelles variétés de pommes de terre, de fraises, de poires ou de maïs ? Faites-vous attention aux variétés que vous consommez ou que vous cultivez dans votre potager ? Dites-moi tout dans un commentaire !

Perle de Pluie

Sources texte :

Plan Ecophyto
USDA
Bourke, A. (1993) ‘The Visitation of God’? The Potato and the Great Irish Famine. Dublin: Lilliput Press, Ltd.
Banga (1957) Origin of the European cultivated carrot, Euphytica 6: 54-63
Banga (1957) The development of the original European carrot material, Euphytica 6: 64-76

Sources images :

Jardin de Mendel
Maïs hybride : Perle de Pluie
Illustration carottes : Yuzu

3 réflexions sur “Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la sélection végétale”

  1. Sujet grave intéressant qui ne m’était pas connu. Le petit aparté sur la génétique en particulier m’a vraiment séduit et contribué à comprendre la façon de procéder.
    Les possibilités de fruits ou légumes hybrides sont potentiellement énormes non ? Il y a bien des gardes-fous j’imagine !

     
  2. Perle de Pluie

    Merci pour ton commentaire Yuzu ! Je suis contente que la partie génétique t’ai plu 🙂
    Alors attention, dans mon exemple, il ne s’agit pas d’hybridations entre des espèces différentes, on reste au sein de l’espèce « maïs ». Mais en effet, les hybridations inter-espèces existent aussi. Cependant, on ne peut pas hybrider tout et n’importe quoi. Les garde fous sont tout simplement la barrière des espèces : on ne peut pas croiser des espèces trop éloignées génétiquement. Par exemple, on ne va pas pouvoir hybrider un kiwi avec une banane (ça serait pratique un kiwi dont on peut retirer la peau comme une banane non ?!). Il s’agit d’espèces bien trop éloignées. Même certaines espèces de pommes de terre sauvages sont parfois très difficilement « croisables » avec l’espèce cultivée. Et pourtant c’est la même famille !
    Mais en effet, de nouvelles espèces peuvent être créées par hybridation, c’est le cas du triticale par exemple, qui est un hybride entre le blé et le seigle. Ce genre d’hybridation existe aussi dans la nature, de nombreuses espèces actuelles viennent d’hybridations entre des espèces différentes.

     

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