Si les contes étaient au départ des petites histoires transmises oralement, ils sont peu à peu devenus un genre littéraire à part entière et sont même la plus ancienne forme de littérature jeunesse. Nous avons tous été bercés par les contes durant notre enfance que ce soient ceux d’origine ou leurs adaptations, et leur évolution est caractéristique de la société dans laquelle on vit. Je vous propose donc dans cet article de revenir sur l’histoire de ce genre littéraire de sa naissance jusqu’à aujourd’hui, de nous intéresser à ses caractéristiques et à la manière dont il se retrouve désormais détourné.
De conte populaire à véritable genre littéraire : l’histoire du conte
Bien avant de devenir un genre littéraire à part entière, le conte était une histoire transmise oralement de génération en génération devenant un véritable phénomène de société et correspondant à ce qu’on appelle aujourd’hui le « conte populaire ». Dès la Renaissance, le conte commence à se transmettre à l’écrit en Italie alors qu’il faut attendre le XVIIe siècle en France pour voir naître une réelle volonté de mettre à l’écrit ces contes populaires. C’est à Charles Perrault que l’on doit l’émergence de ce nouveau genre littéraire avec ses Contes de ma mère L’Oye. Si les contes de la tradition orale étaient majoritairement destinés à un public adulte, les contes de Perrault, eux, mêlent histoires pour adultes et pour enfants. Mais les véritables enjeux dans la mise à l’écrit des contes étaient avant tout politiques et littéraires. Hommes et femmes de lettres se pressaient dans les salons afin de trouver le plus bel esthétique dans l’expression des contes populaires faisant de leur mise à l’écrit un véritable jeu. Les récits ont ainsi été profondément remaniés dans un style élaboré et en supprimant tout passage jugé trop choquant pour le public mondain auquel il était destiné. Charles Perrault s’éloigne ainsi des éléments merveilleux pour s’attarder plus particulièrement sur le caractère pédagogique de ses contes, intégrant une morale à la fin de chacun d’entre eux. Cependant, même si Perrault apporte une certaine innovation dans la réécriture des contes de la tradition orale, il reste fidèle à leur structure et à leur essence. Il conserve ainsi certaines formules phares comme le célèbre « tire la bobinette et la chevillette cherra » dans Le Petit Chaperon rouge, mais aussi la rythmicité et la simplicité des contes populaires.
Portrait de Charles Perrault
Parmi les successeurs de Charles Perrault, Mme Leprince de Beaumont apporte également un esprit d’innovation en écrivant des textes uniquement destinés aux enfants de la haute bourgeoisie. Avant elle, les auteurs ne s’adressaient pas forcément à un public précis et l’on ne se souciait pas de fournir aux enfants des livres leur étant uniquement destinés. Mme Leprince de Beaumont utilise ses récits comme des leçons d’éducation morale et c’est notamment à elle que l’on doit le célèbre conte La Belle et la Bête.
Le conte tombe ensuite en désuétude et devient même un genre littéraire méprisé jusqu’au début du XIXe siècle où il est remis au goût du jour par Les frères Grimm et leurs Contes de l’enfance et du foyer. Leur objectif n’était pourtant à la base que l’étude de la langue allemande à travers un corpus de contes populaires. Mais leurs retranscriptions rencontrent un franc succès et deviennent au fil des années des œuvres incontournables de la littérature enfantine. Même si les frères Grimm apportent des modifications importantes aux contes en les adaptant pour les enfants, ils n’occultent plus les passages cruels comme c’était le cas à l’époque de Perrault. Ils se rapprochent donc beaucoup plus du format traditionnel des contes populaires. Le XIXe siècle est également celui de l’écrivain danois Andersen, qui puise beaucoup plus dans son imagination en s’affranchissant de la morale des contes traditionnels et de toute forme de contrainte. Certains considèrent même Andersen comme étant l’un des pères fondateurs de la littérature jeunesse moderne.
Depuis cette époque, une scission de plus en plus nette se fait entre les contes littéraires pour adultes et les contes pour enfants plus communément appelés « contes de fées ». Au XXe siècle, ces récits ont connu une forme de repopularisation à travers les nouveaux médias tels que le cinéma et la télévision. Pour beaucoup d’enfants, les contes sont désormais associés aux versions imaginées par Disney, souvent au détriment des récits écrits. Les nouvelles versions prennent en effet d’énormes libertés vis-à-vis des contes d’origine et ont totalement modifié l’imaginaire lié à ces œuvres.
Les caractéristiques du conte littéraire
De par ses évolutions sous de multiples formes et ses ressemblances à d’autres types d’écrits comme les fables ou les nouvelles, le conte est un genre littéraire complexe et difficile à définir. On peut aujourd’hui le considérer comme « un court récit fictif dont les personnages, généralement non individualisés, vivent des aventures qui se déroulent habituellement dans un temps et un espace indéterminés ». Les contes littéraires sont ainsi des écrits narratifs dans lesquels les actions sont racontées et qui appartiennent souvent au genre du récit initiatique. Ainsi les héros ou héroïnes de contes sont souvent des personnages inexpérimentés qui vont être amenés à évoluer jusqu’à posséder une meilleure compréhension du monde ou d’eux-mêmes. Ils doivent construire leur personnalité en surmontant de nombreuses épreuves jusqu’à obtenir une situation stable, souvent un mariage et la construction d’une famille (combien de contes se terminent par une phrase du type « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants » ?).
Les contes s’organisent selon un schéma narratif traditionnel en cinq étapes :
– la situation initiale dans laquelle l’auteur pose le cadre spatio-temporel, présente les personnages et leur situation de départ ;
– l’élément perturbateur qui déclenche l’action en venant modifier la situation initiale ;
– les péripéties qui représentent les actions principales qui font progresser l’histoire ;
– l’élément de résolution qui vient mettre fin aux péripéties ;
– la situation finale qui clôt le récit en établissant un nouvel équilibre.
Il existe de nombreuses catégories de contes, la plus célèbre étant les contes merveilleux (ou contes de fées), mais elle ne représente en fait qu’une petite partie du répertoire. Ce type de contes se déroulent dans un univers qui n’est pas situé précisément que ce soit temporellement et géographiquement et dans lequel des éléments surnaturels interviennent. Cette absence de codes précis a permis d’adapter très facilement ces récits et de les faire voyager, ce qui explique leur popularité.
Voici d’autres exemples de types de contes que l’on peut également trouver :
– Les contes philosophiques présentant des situations proches du réel et permettant de défendre des concepts philosophiques précis. Ils sont le symbole de l’époque des Lumières et beaucoup ont trouvé naissance sous la plume de Voltaire.
– Les contes facétieux visant avant tout à amuser le lecteur en mettant souvent en scène des anti-héros. On en trouve plusieurs dans l’œuvre des frères Grimm comme Jean le Chanceux, par exemple.
– Les contes satiriques ayant également la volonté d’amuser, mais en ajoutant une part de moquerie. On y trouve souvent une réelle volonté de critiquer la société contemporaine, comme c’est le cas dans Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift.
– Les contes étiologiques qui tendent à expliquer des phénomènes scientifiques ou de la vie courante dont on ne connaît pas l’origine. Ces contes s’intéressent à des sujets très variés comme les animaux, la nature, les hommes en répondant à des questions telles que « pourquoi la mer est salée ? » ou « pourquoi les oiseaux peuvent voler ? ». On retrouve ce type de récits dans les célèbres Métamorphoses d’Ovide.
– Les contes fantastiques qui, contrairement aux contes merveilleux, se déroulent dans un univers réaliste et dans lequel il existe une incertitude entre phénomènes naturels et surnaturels. L’exemple le plus connu est sûrement Le Horla de Maupassant.
Quel que ce soit le type de contes, ils sont caractérisés par la présence d’une morale qui peut aussi bien être explicite qu’implicite. Certains contes ont également une visée d’avertissement afin de mettre en garde le lecteur contre certaines situations.
Contrairement aux personnages de mythes ou d’autres genres littéraires, les héros de contes ne possèdent pas de nom propre mais sont désignés par des surnoms venant de vêtements ou d’accessoires (Le Petit Chaperon Rouge, Peau d’Âne…), de leur fonction ou statut sociale (le prince, la sorcière, l’orphelin…) ou encore d’une particularité physique (La Belle et la Bête, Barbe-bleue…). Les héros de conte sont également souvent stéréotypés et réduits à un seul grand trait de caractère.
Le détournement des contes
De nos jours, de nombreux auteurs se servent du conte pour le détourner de manière à approfondir la réflexion liée au récit d’origine et à lui intégrer des thématiques et des questionnements plus modernes.
Il existe plusieurs manières de détourner les contes qui s’éloignent plus ou moins de l’œuvre d’origine tout en conservant des clins d’œil à celle-ci. Le premier type de détournement est l’adaptation que ce soit à l’écrit ou sur un autre support. L’adaptation peut servir plusieurs objectifs à commencer par celui de modifier le public cible ou de toucher un public plus large. D’autres l’utilisent avant tout comme outil créatif en respectant le déroulé de l’intrigue, mais en jouant sur le texte pour lui donner une sonorité nouvelle.
Un deuxième type de détournement est la parodie qui a pour but de divertir le lecteur et parfois de remettre en question le conte d’origine. Il est souvent destiné aux jeunes enfants dans le but de leur offrir une histoire plus ludique et au ton moins moralisateur.
Le travail le plus courant réalisé sur les contes est leur réécriture dans laquelle l’intrigue même du conte se retrouve détournée de manière non parodique. Il s’agit réellement de construire une œuvre originale en s’inspirant d’un ou plusieurs contes. Tout est imaginable avec ce type de détournement, il peut s’agir d’une modernisation ou d’une déconstruction du récit d’origine. Les auteurs peuvent transformer les personnages, leur donner un caractère moins stéréotypé et des objectifs différents, faire intervenir de nouveaux protagonistes… En plus des thématiques universelles des contes, on peut y trouver de nouvelles réflexions
plus modernes, des touches de féminisme ou la mise en avant de minorités, par exemple.
Enfin le dernier type de détournement du conte est sa transposition qui correspond à sa réécriture sous d’autres formes littéraires. On peut ainsi transformer le conte en chanson, poème ou encore pièce de théâtre.
J’espère vous en avoir appris un plus sur les contes dans cet article. Quels sont les contes qui ont bercé votre enfance ? Connaissez-vous des réécritures de contes à recommander ? N’hésitez pas à venir parler de votre rapport avec ce genre littéraire dans les commentaires !
Sometimes
Sources texte :
- Espace français
- Wikipédia
- Lire et faire lire
- Mémoire Les détournements des contes dans la littérature jeunesse
- Bibliothèque nationale de France
Sources images :
- Canva
- Pixabay
- Wikipédia
C’est super intéressant comme article, merci! ^^
Contente qu’il t’ai plu !
ça donne envie de relire Charles Perrault 🙂
Oui ça donne vraiment envie de se replonger dans les contes !
Très intéressant 🙂 C’est justement le genre du conte qui m’a donné la piqûre de la lecture quand j’étais jeune.