Quand on parle d’art, on pense aux sculptures, aux tableaux et autres supports bien solides qui demeurent pendant des années (osons le dire, des siècles). Pourtant, une révolution se met en marche. L’art devient un instant fragmenté, un événement à vivre dont on ne garde aucune trace, si ce n’est un souvenir de sa contemplation. Il s’agit de l’art éphémère. Vous croyez que cela ne peut pas exister ? Regardez donc de plus près.
L’art éphémère, qu’est-ce que c’est ?
L’art éphémère est un nom que l’on a attribué à un style artistique qui vise à savourer un moment de beauté plutôt que de produire des œuvres matérielles que les gens viendront voir en masse. Les créations peuvent soit être faites dans des matériaux qui se détériorent rapidement soit être détruites en peu de temps après leur conception. Cela ne dure donc que quelques instants, les amateurs d’art admireront des chefs d’œuvre qui ne connaîtront pas la pérennité, mais ils en conserveront le souvenir.
C’est là que le mot « éphémère » prend tout son sens. Pour ceux qui ne le connaissent pas, cela signifie « qui ne dure qu’un jour ». Un insecte porte d’ailleurs ce nom car, une fois adulte, sa vie ne durera qu’une seule journée.
L’art éphémère n’est pas reconnu comme un courant à part entière, mais plutôt comme une forme d’expression artistique récente dont on situe l’apparition au début du XXe siècle. Pour preuve, on peut parler des happenings (rassemblement d’intellectuels dans un but artistique) apparus vers la fin des années 1950 ou encore des œuvres de Christo, que l’on situe durant les années 1960. Ensuite, pour rester dans une tendance plus moderne, le développement de l’art urbain commence à se populariser ces dernières années.
Quelques types d’art éphémère
Plusieurs moyens d’expression peuvent être réunis sous l’étiquette de l’art éphémère, en voici un aperçu.
Le land art
Le land art consiste à réaliser une œuvre en intégrant son environnement naturel, soit en l’incluant dans ladite œuvre, soit en exposant son art à l’extérieur. Pour l’artiste, ce qui importe est de sortir de son atelier et de garder à l’esprit que la nature et l’art vont de pair.
Le but n’est pas de dénaturer le monde qui nous entoure, mais d’associer des éléments naturels (pierres, plantes …) qui peuvent être à portée de main d’un créateur ou d’importer un élément vers un autre milieu complètement atypique. Rien n’empêche d’ajouter des réalisations propres à l’homme aussi ou de jouer avec des monuments. Le land art reste avant tout une façon de sortir des musées et des autres salles d’exposition : même une personne ne fréquentant pas ce genre d’endroit pourrait, par conséquent, admirer une œuvre issue du land art.
Quelques sculpteurs s’épanouissent dans la conception de gigantesques compositions, comme l’a fait durant toute sa vie le célèbre Dennis Oppenheim. Cet Américain adepte d’art contemporain a travaillé sur de grandes surfaces naturelles comme de la glace pour l’œuvre Annual Rings en 1968, mais il a aussi créé des sculptures atypiques qui étaient mises en scène à l’extérieur telle que Revolving kissing Racks. Oppenheim est décédé en 2011. La majeure partie de ses réalisations sont aujourd’hui disparues, mais quelques sculptures sont encore présentes sur le continent américain.
D’autres artistes apportent quelques touches humaines, de taille plus modeste, dans un cadre naturel enchanteur ou qui appelle à la méditation. C’est le cas du Français Jean-Noël Fessy qui aime modeler un cadre où la nature est maître grâce à ses sculptures. C’est ce qu’on peut observer dans son œuvre Neufs boules, dans laquelle neuf grosses pierres sont parsemées de fragments de mosaïque.
Les lieux où trouver les sculptures de ce genre sont parfois très éloignés des villes. Les croiser dans la nature se fait souvent de façon fortuite. Dans un sens, si l’envie prend un passionné d’aller admirer une œuvre de son artiste de land art préféré, il devra le mériter. On appréciera d’autant plus l’effort fourni pour atteindre l’objectif que le moment de contemplation. Bien sûr, il ne faut pas trop attendre non plus, en se détériorant, l’œuvre finira par disparaître.
Comme cela a été dit plus haut, certaines productions sont détruites intentionnellement par son auteur au bout d’une période définie. C’est le cas de Christo, un artiste qui aime particulièrement emballer de grands monuments. Il a d’ailleurs réalisé l’emballage du Pont Neuf de Paris et a détruit son travail deux semaines après.
Tout le monde peut s’essayer au land art. Que ce soit à la campagne, en forêt ou même dans son propre jardin, chacun peut réaliser une création artistique sur la base d’éléments naturels. Il ne tient qu’à chacun de tenter l’aventure.
Le street art
Le street art, qu’on appelle aussi l’art urbain, est l’une des meilleures représentations de l’art éphémère.
Les artistes dessinent sur les murs de la ville, où une place vide ne demande qu’à être égayée. Bombes de peinture, collages de papier ou encore pochoirs, le matériel que l’on peut utiliser est assez vaste. L’essentiel reste le résultat visuel ainsi que le message que le tag va véhiculer.
Beaucoup de personnes contestent encore ce moyen d’expression. Souvent parce que les graffeurs n’ont pas l’autorisation de la ville pour réaliser leurs œuvres. Quelques-uns recherchent même cette illégalité pour s’exprimer, en peignant sur les trains ou dans des espaces privés.
D’autres artistes préféreront créer à travers des moyens plus légaux, en proposant leurs services à des établissements divers tels que des écoles, des musées ou même des hôpitaux.
Avant tout, le dessin dans le street art fera toujours passer un message à celui qui prendra la peine de l’observer. On l’a déjà vu avec Bansky, mais quelques dessinateurs se lancent dans des créations plus acides, qui ont pour seul but de choquer le regard.
Ce fut le cas à Bruxelles, où un nouveau graffiti est apparu soudainement et a fait couler beaucoup d’encre. Tous les soupçons se portent sur l’artiste Bonom, Vincent Glowinski de son vrai nom, qui aurait donc graffé un pénis géant au repos sur une façade de plusieurs mètres carré.
Non seulement l’œuvre a déplu de par sa vulgarité, mais également à cause de son illégalité. Le dessin a été réalisé en pleine nuit, sans doute en quelques heures. Le tag se trouve en face d’une école, ce que les politiciens de la ville déplorent encore plus. Bonom dément entièrement être le responsable, mais cela ressemble beaucoup à une autre œuvre qu’il avait réalisée, avec un sexe féminin cette fois. De plus, quelques semaines plus tard, l’adepte du street art a projeté sur l’hôtel de ville de Bruxelles un nouveau sexe masculin, comme pour avouer sa responsabilité.
Que le graffiti soit conçu dans les règles ou non, son but n’est pas de rester immaculé « ad vitam eternam ». Un jour, il sera effacé par des ouvriers de la ville ou recouvert par la pollution. À moins qu’un autre graffeur avide de dessin ne passe par-dessus. Même pour les dessins qui devraient être des décorations à long terme, ils finissent par s’écailler et disparaissent.
Peu à peu, l’art urbain devient plus familier et reconnu. On développe de nombreux réseaux autour de ce style. Les conventions tombent, mais la créativité est toujours aussi présente. De grands noms commencent à se faire une place dans le milieu de l’art, comme le serait Marcolini avec le chocolat ou Thierry Mugler dans la parfumerie. On peut parler même de renommée internationale, comme avec Invader, un artiste qui disperse des fresques pixelisées au gré des rues, comme au hasard. Un artiste français qui joue beaucoup plus sur les mots, les messages, c’est Rero. Lui aussi commence à prendre de l’ampleur au sein du street art, notamment grâce au fameux « Do not cross the line » du centre Pompidou.
Le body-painting
La technique que l’on appelle aussi la peinture corporelle est une exception à ce qu’on appelle l’art éphémère, puisque ses origines peuvent remonter au temps des premières tribus. L’homme a souvent essayé de se colorer la peau, de façon permanente ou non.
Un tatouage peut être gardé toute une vie, il est même devenu un art à part entière. Mais la peinture corporelle n’est pas en reste avec ses propres défilés et ses grands noms dans le domaine.
La méthode consiste à peindre le corps dans partiellement ou dans son intégralité, il devient une véritable toile. Le body painter applique soigneusement des pigments (ou des peintures spécifiques pour la peau) au moyen de brosses, d’éponges, ou même d’un aérographe.
On peut alors se retrouver face à des trompe-l’œil impressionnants, mais aussi face à des dessins très précis qui sont souvent l’objet de plusieurs heures de travail ! Les modèles peuvent aussi être « exposés », au même titre que des tableaux, grâce aux festivals qui sont consacrés au body-painting. L’idée majeure est cependant de se montrer dans des lieux publics, aux yeux du plus grand nombre de personnes possible. Une personne portant des vêtements peints à même son corps peut sans problème se balader dans les rues : les gens seront souvent amusés, ils riront, mais ne trouveront pas cela vulgaire. En réalité, on cache facilement un corps dénudé grâce à une peinture couvrante, ce qui pourrait même passer totalement inaperçu si on n’y prêtait pas d’attention particulière.
Quand l’exposition prend fin, le modèle se lave à l’eau ou avec un solvant spécifique, afin de ne conserver aucune trace de couleur, comme si rien ne s’était passé. Le seul souvenir que l’on pourrait conserver, c’est éventuellement une photo de la réalisation.
Mais alors, une œuvre dont on prend des clichés perdrait-elle son statut d’art éphémère parce qu’il subsiste une photographie ou une quelconque trace de son existence ? En principe, non. Conserver le moins de vestiges possible est une bonne chose, mais conserver ne serait-ce qu’une petite empreinte pour la postérité permet à l’artiste de faire la promotion de son travail. L’art éphémère est donc difficile à cerner. Néanmoins, il est en constante évolution et ne demande qu’à se faire connaître. Et vous, que saviez-vous de cet art ? Si vous connaissez d’autres styles qui répondent aux mêmes critères ou des artistes du même milieu, pourquoi ne pas nous en faire part à travers un commentaire ?
Enley Tyler
Sources
Larousse : art éphémère
Dictionnaire Sensagent : art éphémère
Wikipedia : l’art éphémère
Art Actif : le land art
Art Wiki : Dennis Oppenheim
rtbf.be : article sur la fresque de Saint-Gilles
7sur7.be : article sur la projection de Bonom
Street art galerie : Rero
Maquillage-Cosmétique : article sur le body-painting
Wikipedia : la peinture corporelle
Sources images
Image à la une : C. Kubat
Image 1 : site officiel de Dennis Oppenheim
Image 2 : C. Kubat
Image 3 : Art On Trains (le blog)
Image 4 : Pixabay
Image 5 : C. Kubat
Image 6 : Pixabay
J’ai beaucoup, beaucoup de mal avec le « street art ». Dégrader les RER et les bâtiments, coûter une fortune à la collectivité en nettoyage, donner une excellente (ironie) impression aux touristes qui arrivent à Paris et voient des RER tagués de partout… Pas mon truc. A part quelques très belles fresques.
Je préfère, et de loin, les mandalas réalisés avec du sable coloré par les moines tibétains. Une fois l’œuvre achevée, elle est balayée.
J’aime beaucoup le land art. J’y ai pensé directement en lisant le titre de ton article. Je n’avais pas pensé à l’art sur le corps ou le street art comme arts éphémères. C’est presque dommage que ce soit éphémère, mais heureusement, on a désormais des techniques pour conserver l’image (photos quoi) !
Certains artistes ne veulent pas conserver des images de toutes leurs créations, justement pour que le côté éphémère soit respecter. (J’allais dire pour que « l’aspect éphémère perdure » mais c’est un peu contradictoire, du coup, ah ah ).
Pour les mandalas, j’y avais pensé aussi, on trouvera bien une autre occasion d’en parler pourquoi pas 🙂