De tout temps, les femmes ont souvent été une source d’inspiration pour de nombreux artistes : sculpteurs, peintres, photographes… Le portrait féminin le plus connu est assurément La Joconde de Vinci, mais d’autres œuvres ont elles aussi marqué l’histoire de l’art. Véronique B. vous a fait découvrir le féminisme au XXIe siècle, laissez-moi maintenant vous présenter quelques portraits de femmes notables, bien avant cette période.
Antonietta Gonzales, portrait de jeune fille par Lavinia Fontana
Antonietta Gonzales (ou Gonsalvus), dont le portrait est peint vers 1595, est âgée d’environ 10 ans. Comme en témoignent ses habits et sa coiffure, elle est une habituée de la cour, mais l’élément le plus flagrant de l’œuvre est son hyperpilosité.
Sur ce portrait de 46 cm x 57 cm, la jeune fille tient un papier relatant sa vie : « Don Pietro, homme sauvage découvert aux îles Canaries, fut offert en cadeau à Son Altesse Sérénissime Henri roi de France, puis de là fut offert à Son Excellence le duc de Parme. Moi, Antonietta, je viens de là et je vis aujourd’hui tout près, à la cour de madame Isabella Pallavicina, honorable marquise de Soragna. ».
Antonietta Gonzales, dite Tognina, est la fille de Petrus Gonsalvus, dit Pedro Gonzales, un jeune homme poilu né dans les îles Canaries et offert dans son enfance au roi de France, Henri II, lors de son couronnement. Pedro devient alors une bête de foire, il est exhibé aux côtés du Roi dès que l’occasion se présente, mais très vite celui-ci découvre qu’il est vif d’esprit, contrairement à ce que son apparence de bête laisse supposer et décide de le faire éduquer et de l’anoblir. La reine, Catherine de Medicis, trouve une épouse au « sauvage du roi » : une jeune femme d’abord effrayée par son aspect, mais qui tombe vite sous son charme et lui donne sept enfants, dont quatre aussi poilus que leur père.
Antonietta, une de leurs filles, est offerte en cadeau diplomatique à la maîtresse du Duc de Parme, en Italie. C’est dans cette cour que la fillette fait la rencontre de Lavinia Fontana, peintre maniériste, dont le style se situe entre la Renaissance et le baroque. C’est une des premières femmes peintres à avoir le titre de « peintre à la cour » et à obtenir une distinction à l’Académie romaine.
Ce n’est que quelques siècles plus tard que l’origine de leur pilosité fut connue, il s’agit d’une maladie génétique rare appelée « l’hypertrichose ». Il est d’ailleurs fort probable que les Gonsalvus soient à l’origine du célèbre conte La Belle et la Bête.
La jeune fille à la perle, portrait de jeune femme par Johannes Vermeer
Ce tableau du peintre Johannes Vermeer, réalisé vers 1665, est représentatif de l’âge d’or de la peinture néerlandaise. D’abord oublié pendant deux cents ans, ce tableau a refait surface lors de sa vente à un collectionneur d’art à La Haye, aux Pays-Bas, en 1881. Il est maintenant conservé et exposé au musée du Mauritshuis, à La Haye. Ce tableau de 44,5 cm x 39 cm représente le buste d’une jeune fille anonyme portant une perle à l’oreille gauche et un turban de couleur bleu outremer. Il est un des plus populaires de Vermeer en raison de l’atmosphère qu’il dégage et est souvent surnommé « la Joconde du Nord ».
Malheureusement, la réelle histoire de ce tableau n’est pas connue, la jeune fille peinte pourrait tout aussi bien être une des filles de Vermeer, qu’une servante ou qu’une parfaite étrangère. Le turban, accessoire arboré par les Turcs à l’époque, donne une touche très exotique au tableau.
Le pendant d’oreille fait beaucoup parler de lui puisqu’on ignore si la jeune femme porte également une perle à l’autre oreille et ce que cela signifie. Un ecclésiastique, Saint François de Sales, déclare en 1608 « maintenant et dans le passé, les femmes, souvent, accrochent des perles à leurs oreilles ; comme Pline l’a observé, elles aiment la sensation que provoque l’oscillation des perles qui les touchent. Mais je connais l’ami de Dieu, Isaac, qui a envoyé des boucles d’oreille à la chaste Rebecca comme première marque de son amour. Ceci me mène à penser que ce bijou a une signification spirituelle, à savoir que la première partie du corps qu’un homme veut, et qu’une femme fidèle se doit de protéger, est l’oreille ; aucun mot ou bruit ne devrait y entrer que le doux bruit de chastes mots, que sont les perles orientales de l’Évangile. », ce qui donne une référence très érotique au tableau. De plus, après sa restauration en 1994, apparaissent deux taches de lumière au coin des lèvres de la jeune femme, donnant une impression d’humidité.
D’abord appelé « La jeune fille au turban », le tableau devient « La jeune fille à la perle » suite à la parution du livre La jeune fille à la perle de Tracy Chevalier, en 1999. Le roman est également adapté au cinéma en 2004 et connaît un véritable succès !
Voici le synopsis du livre, dont l’histoire est fictive, mais qui semble réellement raconter l’histoire de la jeune fille peinte : « La jeune et ravissante Griet est engagée comme servante dans la maison du peintre Vermeer. Nous sommes à Delft, au XVIIe siècle, l’âge d’or de la peinture hollandaise. Griet s’occupe du ménage et des six enfants de Vermeer en s’efforçant d’amadouer l’épouse, la belle-mère et la gouvernante, chacune très jalouse de ses prérogatives. ».
La laitière, portrait de jeune femme par Johannes Vermeer
Le tableau de la laitière est le seul tableau de Vermeer à représenter une femme de milieu modeste. Peinte vers 1658, cette huile sur toile de 45,4 cm x 41 cm est une des plus célèbres peintures de Johannes Vermeer, appelé aussi Vermeer de Delft. Son succès est probablement lié à son utilisation commerciale. En effet, ne reconnaissez-vous pas une célèbre marque de laitage ? En 1971, le marché des produits laitiers est composé de yaourts au lait écrémé contenus dans des pots en plastique ou en carton. C’est à Chambourcy que naît l’idée de créer une marque, La Laitière, proposant un yaourt au lait entier dans un pot en verre. En 1973, le premier pot « à l’ancienne » voit le jour sur les marchés et rencontre très vite un succès fou.
C’est le tableau de Vermeer qui est choisi pour symboliser cette laitière, car celle-ci incarne autant la chaleur maternelle, la chaleur du foyer, le savoir-faire et l’authenticité. Aujourd’hui, La Laitière n’est plus réduite à une simple image, elle est mise en scène pour des publicités et symbolise aussi la cuisinière.
Olympia, portrait de femme par Édouard Manet
« J’ai fait ce que j’ai vu » a déclaré Manet en 1865, lors de la première exposition de sa peinture, deux ans après sa création, alors que son tableau a été jugé comme le plus scandaleux des nus féminins jamais peints. À cette époque, les tableaux de nus ne sont tolérés que dans une ambiance mythologique, allégorique, symbolique ou exotique. Manet est un peintre qui se veut le plus honnête face à son modèle, aussi a-t-il choisi une prostituée, une « olympia » comme il se disait à l’époque. Il l’a peinte exactement comme il l’a vue : avec ce regard direct qui a indigné le public et ce corps nu montré délibérément sans aucune honte. Selon les critiques, Manet aurait largement exagéré la provocation. En effet, le petit chat noir symbolise la lubricité, le bouquet de fleurs serait un cadeau d’un amant, le manque d’idéalisation du corps féminin dérange et la noirceur ambiante va à l’encontre des principes académiques de l’époque. Malgré cette polémique, le public n’a pu retirer à l’auteur sa prouesse picturale avec toutes les nuances de blanc, rose et crème étagées sur cette œuvre de 130,5 x 191 cm. Émile Zola, fervent défenseur du talent d’Édouard Manet, a même déclaré « Vous avez admirablement réussi à faire une œuvre de peintre, de grand peintre […] à traduire énergiquement et dans un langage particulier les vérités de la lumière et de l’ombre, les réalités des objets et des créatures. ».
Au XIXe siècle, Gustave Courbet fait également polémique avec son tableau L’Origine du monde, représentant le sexe et le ventre d’une femme nue, écartant les cuisses. Courbet aurait pu exposer la partie cachée de l’Olympia de Manet, mais son œuvre n’a pas pu être présentée au public avant le XXe siècle.
La Danaïde, portrait de femme par Auguste Rodin
Sculptée en 1889 dans du marbre, cette sculpture de 36 x 71 x 53 cm représente une Danaïde, une des filles de Danaos, un dieu grec. La légende raconte que les Danaïdes auraient tué leur époux lors de leur nuit de noces, sur ordre de leur père, c’est pourquoi elles auraient été condamnées à remplir d’eau des jarres percées pour l’éternité. Ce châtiment est connu sous le terme « tonneau des Danaïdes », exprimant une tâche irréalisable ou sans fin et dénuée d’intérêt. Auguste Rodin ne choisit pas de représenter le remplissage, il modèle plutôt le désespoir de la jeune femme face à la tâche incombée. Le corps de marbre de la Danaïde est poli comme de l’ivoire, tandis que le socle garde les traces des outils, donnant l’impression de deux matériaux différents. La liaison se fait grâce à la chevelure de la femme qui semble se répandre comme de l’eau et se fondre avec le bloc de marbre, rappelant la fuite de l’eau de la jarre à remplir. C’est pour cette raison que l’œuvre est parfois appelée La Source.
La jeune fille afghane, portrait de jeune femme par Steve McCurry
Cette photographie doit certainement vous dire quelque chose. Il s’agit de la célèbre Jeune fille afghane qui a fait la une du magazine National Geographic, en juin 1985.
C’est en 1984 que le photographe Steve McCurry immortalise la jeune patchoune, dans un camp de réfugiés au Pakistan, qui était devenue orpheline suite à l’invasion des Soviétiques en Afghanistan. Malgré elle, la jeune fille aux yeux hypnotiques, dont le regard est autant empli de peur que de tristesse, devient une véritable icône dans le monde entier, symbolisant la détresse de tout son peuple. Steve McCurry aura pris plus de 500 photos au cours de sa carrière, mais celle-ci fait partie de ses plus connues.
En 2002, 17 ans plus tard, il part à sa recherche et la retrouve désormais âgée d’environ 38 ans. Il découvre enfin son nom, qu’il n’avait pas eu le temps (ou pris la peine) de lui demander lors de leur première « rencontre ». Elle se prénomme Sharbat Gula, elle porte la burka, a été mariée à 14 ans et a eu 4 filles, dont l’aînée est décédée très tôt. Sa photo fait à nouveau la une du magazine National Geographic, mais ne suscite pas le même engouement que la première. En effet, le temps a fait son œuvre, ses yeux sont toujours aussi envoûtants, mais son visage s’est durci et paraît au moins 10 ans de plus que son âge réel. Steve McCurry apprend à la femme afghane son succès. Celle-ci ne lui réclame pas d’argent, mais le photographe et son équipe lui payent un pèlerinage à la Mecque, des soins médicaux et une machine à coudre.
Depuis 2005, Sharbat Gula et sa famille ont disparu, suite à l’accusation de falsification de papiers d’identité par les autorités pakistanaises. L’histoire ne nous dit pas s’ils sont introuvables suite à une action des autorités ou s’ils ont préféré fuir avant que cela n’arrive.
Connaissiez-vous ces portraits et leur histoire ? Lequel avez-vous préféré ? En connaissez-vous d’autres ? N’hésitez pas à tout nous dire en commentaire !
Siran
Sources texte :
Antonietta Gonzales clg-pagnol-bonnieres.ac-versailles.fr
La jeune fille à la perle wikipedia.org, babelio.com
La laitière wikipedia.org
La jeune fille afghane information.tv5monde.com
La Danaïde wikipedia.org, mythologica.fr
Olympia wikipedia.org
Sources images :
Antonietta Gonzales wikiart.org
La jeune fille à la perle wikipedia.org
La Laitière wikipedia.org, site.ac-martinique.fr
La jeune file afghane nationalgeographic.fr, wikipedia.org
La Danaïde musee-rodin.fr
Olympia histoire-image.org
L’Origine du monde righigiovanni.com
Bonjour,
Je tenais à vous féliciter pour cet article très intéressant sur les portraits de jeunes femmes. J’ai particulièrement apprécié la manière dont vous avez mis en avant leur personnalité et leur parcours, tout en présentant de très belles photos.
J’aimerais en savoir plus sur la façon dont vous avez choisi ces jeunes femmes et sur votre approche pour réaliser ces portraits si réussis. Seriez-vous disponible pour échanger à ce sujet ?
Merci encore pour cet article inspirant.
Cordialement,